«Notre jeunesse regorge de compétences et d’énergie, elle ne demande qu’à s’exprimer»

Abderrahmane Hammad (président du COA) :

Abderrahmane Hammad, pour ceux qui ne le connaissent pas, est né le 27 mai 1977 à Dellys. Athlète spécialiste du saut en hauteur, il est détenteur de plusieurs titres africain et arabe. Cerise sur le gâteau, en 2000, il est médaillé de bronze aux Jeux olympiques de Sydney (Australie). 2e vice-président du temps de l’ancien responsable du Comité olympique et sportif algérien, Mustapha Berraf, Abderrahmane Hammad est le 14e président de l’instance qu’il préside depuis septembre 2020.

La Nouvelle République : dans quel état d’esprit se trouve actuellement le COA ?
Abderrahmane Hammad : Tout d’abord, je vous remercie pour votre attention et l’intérêt que vous avez toujours accordé au sport en général et à notre Comité national olympique et sportif en particulier. Je peux vous dire qu’actuellement le climat est calme et serein, pas seulement pour cause de la Covid-19 qui a gelé presque toutes les activités sportives, aussi bien sur les terrains que dans les salles, mais par le fait d’avoir remis le COA sur les rails de la légitimité à travers l’application des dispositions légales et réglementaires qui régissent notre mission, et grâce à la maturité de ses membres. J’estime que nous avons traversé, durant une longue période, des turbulences et des difficultés qui n’ont pas aidé le COA à être le ciment nécessaire entre tous les acteurs et les organisations d’animation et de développement des activités sportives, basées sur les valeurs de l’Olympisme.

Peut-on parler, dés à présent, d’une nouvelle ère au sein du COA ? D’une part et d’autre part, quelle place accorderiez-vous à la nouvelle génération ?
La liaison avec votre première question me semble évidente : l’Algérie vit une profonde et légitime mutation en quête d’une vie meilleure en tous points de vue. Nous n’avons pas quitté l’Algérie et vivons au rythme des pulsions de notre société. Nous avons donc conscience de ce besoin vital et incompressible d’une conduite beaucoup plus en adéquation avec les exigences de nos sportifs, qui luttent quotidiennement pour améliorer leurs performances sportives, et pouvoir représenter les couleurs nationales avec le maximum d’atouts lors des compétitions régionales et internationales. Pour ce faire, l’appel à toutes les compétences est un passage obligé et une nécessité absolue, et notre jeunesse regorge de compétences et d’énergie qui ne demandent qu’à s’exprimer et de participer à l’œuvre de construction de l’Algérie que souhaite le peuple.

Président, quelles seront vos priorités ? Pensez-vous réussir à faire monter en puissance les fédérations pour faire monter également en puissance le COA ?
Nous avons tracé les contours de nos priorités pour le restant du mandat en tant que COA, avec les membres de l’Exécutif animés de la même volonté. Objectif : rassembler toutes nos forces, nos moyens et nos efforts pour accompagner et aider nos athlètes à reprendre le chemin des qualifications aux prochains Jeux olympiques, en soutien et en collaboration avec les fédérations sportives encore en course, et en coordination avec le ministère de la Jeunesse et des Sports. Cela est notre rôle et une de nos missions essentielles. Nous devons aussi rester à l’écoute, et à jour, du processus en cours pour l’organisation administrative, technique et logistique de la participation algérienne aux JO de Tokyo 2021, à l’heure où des changements et des adaptations imposés par l’évolution de la Covid-19 sont régulièrement analysés et pris en compte par le Comité d’organisation des JO et le CIO.
Pour le second volet de votre question, le choix libre pour élire les dirigeants sportifs les plus aptes, de la base au sommet, devrait être une des opportunités à même de permettre de repartir sur le bon pied d’appel. L’organisation et le fonctionnement des fédérations sportives nationales reposent à la fois sur un socle de dispositions légales et règlementaires nationales tout en se référant au respect des statuts et règlements des fédérations internationales. Les garants de la gestion des affaires de la fédération sportive nationale restent son organe suprême, qu’est l’assemblée générale, d’une part, et l’autorité publique représentée par le MJS, pour le respect des textes qui la régissent, d’autre part. En interne, et afin d’éviter justement certaines inadéquations et contradictions dans nos textes dont la dernière mise à niveau remonte à 2013, il était nécessaire de marquer une halte pour passer en revue nos statuts et règlements. Leur révision est à l’ordre du jour, et une cellule de réflexion a été, d’ores et déjà, créée pour ce faire.
A cette opération seront associés des représentants des fédérations sportives nationales et tout acteur du Mouvement sportif national pouvant apporter une valeur ajoutée à cette réflexion. Le dernier mot reviendra, bien entendu, à l’assemblée générale. Notre contribution pour l’amélioration de la conduite des fédérations sportives s’articule autour de la formation cyclique de courte durée, et la mise à niveau des connaissances des dirigeants sportifs, à travers un programme établi annuellement, en collaboration avec des enseignants reconnus des instituts spécialisés, et dont le financement sera puisé sur la Solidarité olympique. Ces cycles courts sont très bénéfiques pour peu que les fédérations leur y attachent l’importance nécessaire. Les thèmes seront choisis pour répondre aux besoins effectifs de nos fédérations.

Dites-nous, quelle est la réputation du COA au sein du mouvement sportif africain et comment comptez-vous la renforcer, voire quelles seraient les premières actions à mener pour réunir sur le sol algérien les athlètes africains ?
L’Algérie est le plus grand pays d’Afrique, c’est un fait. Notre pays a toujours été un leader dans les actions de promotion et de rapprochement des peuples et de la jeunesse africaine, c’est une vérité. Comme nous avons, à maintes reprises, rassemblé les pays africains et organisé de grands évènements sportifs, culturels et économiques continentaux sur notre sol. L’Algérie a, bien sûr, marqué de son empreinte le Mouvement sportif africain à travers les brillantes participations de nos athlètes au plus haut niveau dans les différentes disciplines. De grands noms de champions algériens sont aujourd’hui des références pour les nouvelles générations du continent.
Vous comprendrez que le COA, fondé en 1963, a bâti sa renommée, d’abord, à la force et à la sueur de ses athlètes depuis cette date. Nos dirigeants qui ont eu la mission d’encadrer ces athlètes ont rempli leur devoir de la plus belle manière, puisse Allah accueillir en son Paradis ceux qui nous ont quittés. La renommée du COA dans le concert continental a toujours été respectée et sa voix écoutée. Il appartient à tout un chacun de veiller à la meilleure représentation de notre CNO, car nos prédécesseurs l’ont fait, sans jamais oublier que ce sont les couleurs nationales qui sont, là aussi, confiées à des personnes.
Aujourd’hui, l’organisation des évènements sportifs continentaux est devenue un enjeu, voire un défi économique et politique. La dernière édition des Jeux africains de la Jeunesse d’Alger en 2018 a montré tout l’intérêt et l’attention accordés par notre pays pour la jeunesse africaine. Néanmoins, les usages et les intérêts veulent, aujourd’hui, que le principe de rotation de la domiciliation de ces joutes sportives permette aux autres pays d’abriter de tels rendez-vous.

Evoquons le Marketing sportif. Tout le monde sait que le sport est resté en retrait des thématiques, comment comptez-vous lui faire retrouver toute sa place, mieux encore, envisagez-vous d’organiser dans ce cadre des événements sportifs ?
A l’heure de la concurrence effrénée pour la vente du spectacle en général, et celui du sport en particulier, la configuration et la consistance de nos compétitions et rencontres sportives doivent, elles aussi, évoluer. Peut-on affirmer, franchement, que nous offrons un spectacle sportif à travers les systèmes de compétitions actuels, à l’exception de quelques cas… et encore ! Je pense simplement que cette notion de marketing sportif est liée à tout un environnement où le sport doit tenir sa place comme produit recherché, et pouvoir attirer les spectateurs pour apprécier un moment de détente, et de performances sportives pour un plaisir des yeux de qualité.
Tout le monde peut constater la mutation de l’évènement sportif classique en show-spectacle dans pratiquement toutes les disciplines sportives dans les pays les plus avancés. Cela devrait être un axe de réflexion pour tous nos dirigeants en charge des structures d’animation sportive, pour s’orienter vers un processus de sensibilisation et de formation dans ce domaine.

Il était question d’une semaine olympique à l’école, comptez-vous la réanimer ?
L’expérience pour l’introduction des valeurs olympiques auprès des enfants scolarisés remonte à plus de 12 ans, en coordination avec les MJS et le ministère de l’Education nationale. Les opérations pilotes ont été lancées en présence du président du Comité olympique international, invité pour la circonstance à Alger, par la présentation du manuel scolaire conçu par la commission chargée de l’Académie olympique, avec un cours modèle donné dans une classe primaire d’une école publique.
Cette expérience qui se voulait pérenne, n’a pas duré dans le temps, alors que tout semblait être réuni pour son expansion. Par contre, l’organisation de journées olympiques à l’école a eu plus de réussite, grâce à l’implication des chefs d’établissement, et l’accord des responsables des deux secteurs concernés. En effet, durant plusieurs années, le COA a pu implanter cet évènement dans plusieurs écoles et l’intérêt des élèves a toujours été grandissant. Comme vous le constatez, le vœu seul ne suffit pas, il faut l’implication concrète de plusieurs acteurs. La commission Culture et Éducation olympique planchera, je l’espère, à nouveau sur ce point.

Selon vous, comment le COA peut-il générer un renforcement du secteur associatif, celui qui aura pour objectif de générer de la pratique sportive, et surtout aller vers une prise de conscience dans le domaine du sport-santé et sport-éducation ?
Le COA peut effectivement être un catalyseur pour encourager et renforcer le mouvement associatif sportif. Nous savons tous que le citoyen algérien est, de nature, actif et aime l’activité sportive, pour peu qu’il dispose d’espaces et d’un minimum de commodités pour s’adonner à ses activités sportives, qu’elles soient récréatives, de santé ou de compétitions locales. Le rôle des collectivités locales et des pouvoirs publics est, pour cela, primordial. Nous pouvons apporter notre contribution dans des actions de sensibilisation, à travers des spots publicitaires, avec l’aide de figures emblématiques sportives et d’actuels champions et lors des journées thématiques à travers les différentes wilayas.

Que compte faire le COA pour permettre aux handicapés d’être plus présents et plus compétitifs dans les compétitions internationales ?
Depuis toujours, nos athlètes de l’handisport ont procuré de grandes satisfactions et des performances mondiales et olympiques incontestables. Le COA a toujours accordé la plus grande importance à la Fédération algérienne handisport, et l’a accompagnée au même titre que les autres fédérations. La création du Comité international paralympique, en 1989, a progressivement intégré tous les Comités nationaux paralympiques en charge des handisports en son sein. Depuis les Jeux olympiques de 2012, nos athlètes des handisports sont autonomes par rapport au COA qui n’est plus habilité à agir envers le CIP.

Le sport, pour cause du Covid-19 est à l’arrêt. Les athlètes ont du mal à préparer les prochains JO de Tokyo-2021 et les Jeux méditerranéens d’Oran-2022 ?
Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? Effectivement, depuis le mois de mars dernier, c’est l’arrêt total. Il n’y avait aucune autre solution face à la violence et la vitesse de propagation de la pandémie due à la Covid-19, à l’instar du monde entier. Sur le plan sportif, c’est une catastrophe pour les athlètes sur tous les plans. Après plusieurs mois d’inactivité, il est inutile de redire combien sont importants le déficit et les dégâts sur le plan physique et mental. Beaucoup de pays ont mis en œuvre des processus de reprise graduelle de leurs activités conditionnés par de lourds dispositifs de distanciation et de protection sanitaires.
Chez nous également, cela a été fait pour une partie de nos athlètes, sous un protocole strict conduit par les autorités sanitaires, le MJS, le CNMS et l’Institut Pasteur d’Algérie. Le COA, faut-il le signaler, a contribué concrètement à la concrétisation de ce processus. Les fédérations sportives ont adhéré à cette voie, et nos élites concernées par les JO et les JM d’Oran sont à l’entraînement. Je souhaite bien sûr la pleine réussite à tous nos athlètes et leurs encadrements, tout en rendant hommage aux personnels médical et paramédical, mobilisés pour assurer la prise en charge de nos représentants.
Propos recueillis par H. Hichem