Le meilleur moyen d’opérer le changement voulu par les Algériens

Perspectives politiques

Ce vendredi 5 mars 2021, à Alger-centre, le Hirak a reproduit son format hebdomadaire, qui a commencé, comme d’habitude, à partir de 14h, au moment de la sortie des mosquées, avec l’arrivée des marcheurs qui convergent vers la rue Didouche Mourad dont ils ont occupé un tronçon pour étaler leur rassemblement, laissant pratiquement vides les rues et places tout autour.

La composante politique des manifestants est restée globalement la même, partagée entre démocrates et islamistes (comme dans le pouvoir, d’ailleurs) qui coexistent tant bien que mal, durant deux ou trois heures dans l’après-midi du vendredi, pour clamer leur opposition commune au pouvoir, avec des slogans inchangés. Simultanément, à quelques kilomètres de là, la très belle journée du vendredi a été mise à profit par des familles, algéroises, ou venues des alentours, qui ont préféré s’installer dans l’espace de loisirs et de détente des Sablettes, jusque tard le soir. En fait, dans son immense majorité, le peuple algérien est conscient des conditions difficiles que traverse le pays et des dangers réels sur sa stabilité. Les Algériens ne veulent pas gêner la démarche adoptée par les pouvoirs publics pour faire face aux défis actuels. Au plan sécuritaire externe, les frontières sont sous la menace à cause de situations tendues dans les pays voisins (Libye, Tunisie, Niger, Mali), et plus largement le Sahel, et au niveau interne, le risque terroriste est toujours présent comme le prouve le tout récent démantèlement par les services de sécurité du ministère de la Défense nationale (MDN) d’un réseau dans les hauteurs de Tipasa, qui projetait de commettre un attentat à l’explosif à Alger.
Au plan sanitaire, la pandémie de Coronavirus a créé depuis maintenant une année, une crise qui impose des contraintes pesantes sur la société avec un impact très lourd sur l’économie algérienne et ses conséquences sur les revenus, l’emploi et le pouvoir d’achat. Les Algériens subissent de plein fouet une inflation, en partie importée, qui se traduit par une hausse des prix touchant les produits de large consommation. Dans ce contexte, le pouvoir a confirmé sa démarche consistant à aller vers des élections législatives débarrassées de l’influence de l’argent (sale ou «propre»), et vers une nouvelle Assemblée populaire nationale (APN) dont la majorité aurait la charge de constituer le Gouvernement, avec l’éventualité, admise par le Président Tebboune, d’une cohabitation si cette majorité a un autre programme que le programme présidentiel. Cette démarche est rejetée par les diverses composantes du Hirak, les unes s’obstinant à réclamer une période de transition dirigée par des instances cooptées, et les autres une Assemblée constituante.
Ce qui se passe en Tunisie est plein d’enseignements pour nous. Dans ce pays, le Président ne semble avoir aucune autorité et le Gouvernement fait cavalier seul. Les Tunisiens n’arrivent pas à sortir de la crise politique. Les Algériens ont compris que la «période transitoire» comme l’Assemblée constituante, sont de véritables pièges. Cette opinion est dominante dans la population algérienne, mais les composantes du Hirak, dans sa deuxième version, ne veulent pas l’admettre. Ce Hirak n’a pas de projet de société et se contente de se présenter comme force de pression, sur qui ? Sur le Pouvoir, mais il ne reconnait pas le Pouvoir.
Il cherche la cooptation par le dosage entre islamistes et démocrates. Ces deux composantes accepteront-elles de cohabiter dans une quelconque instance, alors qu’elles ont des projets diamétralement opposés (théocratique et laïc) ? Les slogans lancés par les manifestants du vendredi donnent l’impression que tout est facile. Or, c’est faux ! La réalité, différente des slogans, montre toutes les difficultés qui se présentent dès que les problèmes sont abordés avec sérieux et lucidité. N’est-il pas préférable pour ce Hirak d’agir pour que le Pouvoir se réforme de l’intérieur ? Des partis politiques sont engagés dans la démarche de dialogue initié par le Président Tebboune. La plupart se préparent aux élections législatives (APN) et aux élections locales (APW et APC, Assemblées populaires de wilaya et communales). Les nouvelles Assemblées populaires constituent, à leurs yeux, l’opportunité d’atteindre le vrai changement auquel aspirent les Algériens qui tiennent à la stabilité du pays, garant de son développement économique et social.
Lakhdar A.