«Kiyass ou labès» ou le droit des petites gens au bonheur

FNTP

«Kiyass ou labès», un monodrame sur la condition sociale des petites gens aux revenus modestes et leur droit au bonheur, a été présenté lundi à Alger, en dehors de la compétition du 14e Festival national du théâtre professionnel (FNTP), devant un public astreint au strict respect des mesures d’hygiène sanitaire.

Mise en scène par Abdelghani Chentouf sur un texte d’Ahmed Rezzak, le spectacle, produit par la coopérative «Le théâtre rocher noir» de Boumerdès, a été accueilli au Théâtre municipal d’Alger-Centre. Brillamment mené par le talentueux Fouzi Bayet, ce One Man Show aux traits de comédie noire, raconte l’histoire poignante d’El Ayachi, masseur dans un bain maure et marqué par les déceptions de la vie, étalant ses tourments causés par Romana, personnage suggéré au regard «bavard et pétillant», qu’il avait croisée du regard dans un bus et suivie jusqu’à son domicile parental, sans pour autant pouvoir lui souffler un mot.
Simple hypothèse au départ, transformée ensuite, en idée fixe, Romana, amour imaginaire et utopique, hante la vie d’El Ayachi, qui, chaque fois qu’il se résout à lui envoyer une missive pour lui révéler sa flamme et son métier, il finit par se rétracter de peur de la perdre. Rongé par le désespoir et l’incertitude, El Ayachi se raconte, évoquant quelques moments de sa vie, avec son père notamment, qui lui avait appris à voir une femme comme une «bouteille de gaz butane» qu’il faut «bien fermer» au risque qu’elle n’explose. Déclamant un texte dense aux contours métaphoriques et allusifs, El Ayachi va passer en revue différents secteurs de la vie et pointer du doigt les travers de la société et essayer ensuite établir les responsabilités, sans pour autant approfondir son propos.
«El Ayachi ne peut s’occuper du gommage et du décrassage de vos consciences de tous les pêchers que vous avez pu commettre», fait-il remarquer s’adressant aux responsables du marasme social. Dans une prestation au rythme soutenu, Fouzi Bayet s’est surpassé dans l’interprétation des différents personnages qu’il a intelligemment intégrés dans des situations comiques très appréciées par le public qui a longtemps applaudi l’artiste. La scénographie, minimaliste est également l’œuvre de Abdelghani Chentouf, qui a judicieusement opté pour quelques accessoires du hammam, dans un espace scénique délimité par un tas de papiers déchirés, suggérant les nombreuses lettres jetées qui témoignent de la détresse d’El Ayachi.
R. C.