L’extension de la sphère informelle, produit de la bureaucratie et la dérégulation de l’économie algérienne

Economie

Certains responsables vivent au gré de la conjoncture alors que dans tout pays, s’impose une vision stratégique en ce monde turbulent et instable préfigurant d’importants changements géostratégiques, le temps ne se rattrapant jamais en économie, où toute nation qui n’avance pas recule forcèment. Plusieurs ministres annoncent des études sur la sphère informelle reflétant un manque de coordination.

Les entrepreneurs qu’ils soient nationaux ou étrangers demandent seulement à voir clair, du moins ceux qui misent sur le moyen et long terme (investissements inducteurs de valeur ajoutée contrairement à l’importation, solution de facilité). Or ils sont totalement désemparés face aux changements périodiques du cadre juridique, ce qui risque de faire fuir le peu de capitaux surtout en cette période de crise qui montre le rapatriement massif vers les pays d’origine et orienter les nationaux vers la sphère informelle. Que nos responsables visitent les sites où fleurit l’informel de l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud et ils verront que l’on peut lever des milliards de centimes à des taux d’usure mais avec des hypothèques car il existe une intermédiation financière informelle.
Les mesures autoritaires bureaucratiques produisent l’effet inverse et lorsqu’un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation social, la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s’éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer : exemple les transactions au niveau des frontières pour contourner les myopies des bureaucraties locales, agissant sur les distorsions des prix et des taux de change et le droit coutumier dans les transactions immobilières. On ne peut isoler la sphère réelle de la sphère monétaire, le cours du dinar sur le marché officiel environ 159/160 dinars un euro et sur le marché parallèle en ce mois de mars 2021 dépasse 210 dinars un euro dont avec la crise mondiale l’épargne de l’émigration ayant été affectée (diminution de l’offre) n’explique pas tout, l’explication essentielle étant le grossissement de la sphère informelle (accroissement également de la demande).
Le constat est donc amer, pour les petites bourses, en l’absence de mécanismes de régulation et de contrôle, les prix des produits de large consommation connaissent, comme de coutume, notamment à la veille de chaque fête des augmentations sans précédent, les discours gouvernementaux et les organisations censés sensibiliser les commerçants ayant peu d’impacts, prêchant dans le désert, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques, où la sphère informelle contrôle quatre segments-clefs : celui des fruits et légumes, de la viande, celui du poisson pour les marchandises locales et pour l’importation, le textile -chaussures ayant un impact sur le pouvoir d’achat de la majorité des citoyens. Il ya urgence d’enquêtes précises des liens entre l’accumulation, la structuration du modèle de consommation et la répartition des revenus par couches sociales, enquêtes inexistantes en Algérie. Il ne suffit pas de crier sur les toits que cette sphère ne paye pas les impôts. Il faut expliquer les raisons de son existence et de son extension et surtout les actions à mener pour son intégration, dans la mesure où la sphère informelle n’est pas le produit historique du hasard mais trouve son essence dans les dysfonctionnements de l’Etat.
C’est faute d’une compréhension l’insérant dans le cadre de la dynamique sociale et historique que certains reposent leurs actions sur des mesures seulement pénales. Ils la taxent de tous les maux, paradoxalement par ceux mêmes qui permettent son extension en freinant les réformes. Cela ne concerne pas uniquement les catégories économiques mais d’autres segments difficilement quantifiables. Ainsi, la rumeur est le système d’information informel par excellence, accentué en Algérie par la tradition de la voie orale, rumeur qui peut être destructrice mais n’étant que la traduction de la faiblesse de la démocratisation du système économique et politique, donnant d’ailleurs du pouvoir à ceux qui contrôlent l’information. L’utilisation de divers actes administratifs de l’Etat à des prix administrés du fait des relations de clientèles transitent également par ce marché grâce au poids de la bureaucratie qui trouve sa puissance par l’extension de cette sphère informelle. Cela pose d’ailleurs la problématique des subventions qui ne profitent pas toujours aux plus défavorisés (parce généralisables à toutes les couches) rendant opaques la gestion de certaines entreprises publiques et nécessitant à l’avenir que ces subventions soient prises en charges non plus par les entreprises mais budgétisées au niveau du Parlement pour plus de transparence.
Toute analyse objective de la sphère informelle et de l’inflation, la facilité de certains responsables étant d’imputer cela à l’inflation importée ; alors pourquoi au moment où le taux d’inflation mondial tenant vers zéro, n’y a-t-il pas répercussion de cette baisse, En résumé, l’Algérie n’a pas besoin encore d’études, que de pertes de temps, l’essence de cette sphère et les solutions étant connues mais d’actions concrètes (voir toutes les études du PNUD, de l’OCDE et du BIT, notre étude pour l’IFI Paris et IMDEP/MDN avec des propositions opérationnelles), la dominance de la sphère informelle n’étant pas propre à l’Algérie, représentant dans certains pays d’Afrique plus de 70/80% de la superficie économique (intervention du docteur Abderrahmane Mebtoul membre du Conseil scientifique de Unesco/l’African Training Research Centre in Administration Development CAFRAD, 8 février 2010 en présence de plus d’une dizaine de ministres et secrétaire d’Etat africains, ainsi du FMI/BM, un séminaire international sur la bonne gouvernance en Afrique. Ronéotypé CAFRAD /UNESCO avril 2010). Seules les réformes structurelles peuvent intégrer la sphère informelle dont l’essence renvoie au mode de gouvernance.
(Suite et fin)
Professeur des universités Expert international Dr Abderrahmane Mebtoul