Facteurs de démobilisation de la population, une menace pour la stabilité sociale et la sécurité nationale

Le processus inflationniste et la dévaluation du dinar

L’analyse objective de l’inflation et de la cotation du dinar, qui ont un impact direct sur le pouvoir d’achat de la population et des différentes activités économiques, doit tenir compte des aspects de structures de l’économie internationale et de l’économie interne de l’Algérie qui après plusieurs décennies d’indépendance politique repose toujours sur la rente des hydrocarbures.

Cette contribution est une brève synthèse du thème que je développerai à l’invitation de la fondation allemande Friedrich Ebert, en collaboration avec l’Union européenne «l’impact de la dépréciation du dinar algérien, et la chute des réserves de change sur les indicateurs macro-économiques et sur la dynamique économique générale de l’Algérie» le mercredi 31 mars à 17h30.

1- Le taux d’inflation qui influe sur le pouvoir d’achat, taux faible en T1 par rapport à un taux d’inflation élevé par rapport à To donne cumulé un taux d’inflation élevé.
Le taux officiel a été selon le site international financier Index Mundi de 2000 à fin 2019 :
– 2000, 2,0%.
– 2001, 3,0%
– 2002, 3,0%
– 2003, 3,5%
– 2004, 3,1%
– 2005, 1,9%
– 2006, 3,0%
– 2007, 3,5%
– 2008, 4,5%
– 2009, 5,7%,
– 2010, 5,0%
– 2011, 4,5%
– 2012, 8,9% (après les augmentations de salaires)
– 2013, 3,9%
– 2014, 2,9%
– 2015, 4,2%
– 2016, 5,9%
– 2017, 5,6%
– 2018, 5,6%
– 2019, 5,6% et selon l’ONS, 2020, 2,4% et prévision 4,2% en 2021 ( ce chiffre pour 2021 étant largement dépassé).
L’inflation officielle et donc la réduction du pouvoir d’achat entre 2000/2020 a été officiellement de plus de 82%, devant être redressé de 10/15% donnant plus de 100% malgré une stagnation des salaires, l’inflation réalisant une épargne forcée au détriment des revenus fixes. D’où l’importance d’un organe de la statistique comme l’INSEE en France ou en Allemagne, indépendant du gouvernement et une révision de l’indice non réactualisé depuis 2011, ne reflétant plus la réalité. Il y a lieu de tenir compte de l’évolution des besoins nouveaux, où l’immatériel tend à prendre une proportion croissante et devant impérativement analyser les liens entre croissance, répartition du revenu national et modèle de consommation par couches sociales, un indice global ayant peu de signification.
Nous avons depuis quelques mois, avec une amplification entre janvier et mars 2021, de 30 à 50% avec une tension sur l huile de table, une envoilée de la majorité des prix tant des matières premières, biens d’équipements et des biens de consommation comme par exemple les produits des pauvres les pates, lentilles, haricots, la sardine le poulet, les légumes, pomme de terre, la tomate, les fruits pour ne pas parler de la viande et les autres poissons, inaccessibles aux bourses moyennes… et beaucoup plus pour les produits informatiques. Alors que doit être un revenu pour une famille avec trois enfants payant les factures de loyer, d’électricité » et gaz et sans voitures ?. Concernant le blocage des importations de voitures, qui ne sont pas un produit de luxe, (la voiture d’occasion ayant augmenté entre 40/50%) du fait de la faiblesse des moyens de transport public, pour la majorité des couches moyennes l’utilisant comme moyen de locomotion pour aller travailler, et la majorité des pièces détachées avec des pénuries toutes catégories de voitures ayant augmenté entre 50 et 100% ce qui lamine le pouvoir d’achat des couches moyennes , pas ceux des hauts fonctionnaires qui ont une voiture de services. Certes on peut économiser la valeur des importations, sans bonne gouvernance, mais c’est comme un ménage mal nourri, il fait des économies mais avec des répercussions à travers différentes maladies qui se répercute à travers les importations de médicaments en devises.

2- La valeur d’une monnaie dépend avant tout du niveau de la production et de la productivité interne et la capacité d’un pays à pénétrer le marché international et où l’évolution du cours officiel du dinar est fortement corrélé aux réserves de change via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70%. nous avons la cotation suivante avec une cotation administrative jusqu’à fin 1992.
– 1970 : 4,94 dinars un dollar
– 1990 : 12,02 dinars un dollar
– 1991 : 18,05 dinars un dollar
– 1994 : 36,32 dinars un dollar (cessation de paiement et rééchelonnement conséquence de l’impact de la crise pétrolière de 1986/1992)
– 1995 : 47,68 dinars un dollar
– 1999 : 66,64 dinars un dollar
– 2001 : 77,26 dinars un dollar 69,20 dinars un euro
– 2005 : 73,36 dinars un dollar, 91,32 dinars un euro
– 2010 : 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro
– 2015 : 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro
– 2016 : 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro
– 2017 : 110,96 dinars un dollar et 125,31 dinars un euro
– 2018 : 116,62 dinars un dollar et 137,69 dinars un euro
– 2019 : 119,36 dinars un dollar et 133,71 dinars un euro :
– 2020 127,95 dinars un dollar et 150,93 dinars un euro.
Le 25 mars 2021 le dinar a été coté à 158,4466 dinars un euro et 134,2199 dinars un dollar avec ce paradoxe, malgré une baisse de la valeur du dollar par rapport à l’euro qui est passé en un mois de 1,2156 dollar un euro à 1,1774 dollar un euro au 25/03/2021 et ce gonflant artificiellement la fiscalité hydrocarbures, ainsi que certaines importations de biens libellés en dollars ou en euros pour la fiscalité ordinaire. Toujours dans cette lancée de dépréciation le PLF 2021 prévoit une cotation annuelle moyenne du dollar de 142,20 dinars en 2021 à 149,31 dinars en 2022 et 156,78 dinars en 2023. Il existe un théorème en économie mais s’appliquant à une économie de marché productive structurée où toute dévaluation d’une monnaie permet la dynamisation des exportations et une substitution aux biens importés ; Or en Algérie, la cotation du dinar est passée de 5 dinars un dollar vers les années 1974 et à plus de 130 dinars un dollar en mars 2021 et toujours 98% d’exportation provenant des hydrocarbures brut et semi – brut, montrant que le blocage est d’ordre systémique et que les mesures purement monétaires sans réformes structurelles renvoyant à la refonte de l’Etat, peuvent conduire le pays à la dérive économique et sociale.
En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, (42 milliards de dollars fin 2020 contre 62 fin 2020 et 194 au 31/12/2013) qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%,et le non retour à la croissance entre 2021,2022, la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle, la cotation actuelle sur ce marché n’étant pas significative du fait de l’épidémie du coronavirus qui limite la demande. Par ailleurs le dérapage du dinar contribue à la baisse des salaires ramenés en devises. Ainsi un salaire net de 50.000 dinars équivaut au cours actuel à 310 euros et le SMIG de 20.000 dinars à 125 euros, montant qu’il faut réduire de 50% si l’on prend le cours du marché parallèle où à ce cours un professeur d’université en titre, plus de 30 ans de carrière, en fin de carrière perçoit moins de 800 euros,(80% du salaire en retraite) contre plus de 1200 euros sans compter les avantages d’un député qui a passé quelques années à lever la main sans proposer aucune loi avec une retraire à 100%i.
Dans ce cas s’il est utopique de parler d’encourager l’innovation ce qui favorise l’exode des meilleures compétences surtout des jeunes, d’autant plus que l’actuelle politique salariale, qui est totalement à revoir, favorise beaucoup plus les emplois-rente que les emplois productifs. Les tensions sociales, à court terme tant qu’il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions pour la farine, la semoule et le lait et une somme colossale des transferts sociaux mais mal gérés et mal ciblés qui ne profitent pas toujours aux plus démunis. Ces tensions sociales sont atténuées par la crise du logement qui renforce la solidarité familiale (même marmite, mêmes charges), assurant une paix sociale transitoire. L’effet d’anticipation, d’une dévaluation rampante du dinar, via la baisse de la rente des hydrocarbures, risque d’avoir un effet désastreux sur toutes les sphères économiques et sociales, avec comme incidences l’amplification du processus inflationniste, l’extension, de la sphère informelle et sur le taux d’intérêt des banques qui devraient le relever de plusieurs points, l’ajustant aux taux d’inflation réel, si elles veulent éviter la faillite, freinant à terme le taux d’investissement à valeur ajoutée.

3- L’appréciation ou la dévaluation du dinar, loin de la vision administrative, sera fonction des seuls indicateurs macro financiers et économiques, fonction de la stabilité juridique, institutionnelle et politique, sachant qu’il faut un taux de croissance de 8/10% sur plusieurs années afin d ‘absorber 350.000/400.000 emplois par an qui s’ajoute au taux de chômage actuel qui a été de 15% en 2020. Avec l’épidémie du coronavirus et les restrictions d’importation sans ciblage, selon les organisations patronales, plus de 70% d’entreprises courent à la faillite, fonctionnant à moins de 50% de leurs capacités. Les investissements demandent du temps pour leur rentabilité, les grands projets le montant de l’investissement du phosphate de Tébessa et de celui de Gara Djebilet dont le ministre a promis dans un e déclaration à l’APS début mars, un partenaire chinois avant fin mars 2021, ces deux projets dépassant 15 milliards de dollars où trouver le capital- argent) s’ils sont lancés en 2021 au moins 5/7 ans, soit 2026/2028, et pour les projets PMI/PME leur seuil de rentabilité se fera dans deux à trois ans.
Quant au start tup, prestataires de services, attention à la propagande, ils ont besoin d’un marché et d’un environnement concurrentiel, leur efficacité serait nulle à terme sans la dynamisation du tissu productif, l’élévation du niveau de qualification, et une efficacité des institutions nous retrouvant dans le même scénario des nombreuses faillites des projets de l’ANSEJ. Donc il ya urgence d’éviter les replâtrages conjoncturels et d’avoir une vision stratégique les réserves de change ont fondu passant de 194 milliards de dollars au 01 janvier 2014, 62 fin, 2019, à 42 milliards de dollars fin 2020 malgré toutes les restrictions d’importation qui ont paralysé l’appareil productif et accéléré le processus inflationniste du fait du déséquilibre offre limitée et demande croissante. Malgré cela l’Algérie possède encore quelques leviers, le stock de la dette extérieure étant inférieur à 6 milliards de dollars. Encore que nous assistons à un accroissement important de la dette publique interne qui selon les organismes internationaux s’est établi à 61% du PIB fin 2020, contre 36% en 2018 et 46,3% du PIB en 2019, qui n’est pas propre à l’Algérie avec l’accroissement de la dette publique des Etats du à l’impact de l’épidémie du coronavirus.
Aussi, l’avenir de l’économie algérienne repose sur sept paramètres stratégiques le tout s’articulant autour d’une nouvelle gouvernance et la moralité des gouvernants renvoyant au politique : premièrement, sur une plus grande cohérence des institutions centrales et locales par une dé-bureaucratisation, autour de cinq à six grands pôles régionaux et évitant cette instabilité juridique perpétuelle et des lois déconnectées des réalités mondiales comme celle du 49/51% si elle veut attirer les investisseurs potentiels, deuxièmement, la réforme urgente du système socio-éducatif, du primaire au secondaire et le supérieur y compris la formation professionnelle ; troisièmement, sur la réforme du foncier et du système financier (douane, fiscalité, domaine, banques), lieu de distribution de la rente et enjeu énorme du pouvoir ; quatrièmement , la maîtrise de la dépense publique, des coûts et la lutte contre les surfacturation et la corruption. Comment ne pas rappeler que l’Algérie a engrangé plus de 1000 milliards de dollars en devises entre 2000/2019, avec une importation de biens et services toujours en devises de plus de 935 milliards de dollars pour un taux de croissance dérisoire de 2/3% en moyenne alors qu’il aurait du être entre 9/10% et une sortie de devises de 20 milliards de dollars en 2020 pour une croissance négative selon le FMI de 6% ; cinquièmement, la nouvelle politique doit à moyen et long terme s’insérer dans le cadre de la quatrième révolution économique mondiale fondée sur la transition numérique et énergétique ; sixièmement , la maîtrise de la pression démographique et de l’urbanisation pour un espace équilibré et solidaire ; septièmement, devant erre réaliste entre 2020/2025, l’économie reposera sur le cours des hydrocarbures, impliquant un nouveau management de Sonatrach qui connait une chute de la production physique tant du pétrole 850.000 barils/j selon le dernier rapport de l’OPEP de mars 2021 contre 1,2 millions de barils entre 2008/2010 et du gaz, dont le cours sur le marché mondial procurant 33% des recettes de Sonatrach est passé de 19/0 dollars le MBTU entre 2008/2014 à 2,5 dollars le MBTU de 2020 à mars 2021.

En résumé, en cas de tensions sociales dues à une politique socio-économique incohérente, et faute d’intermédiations politiques et sociales, des partis politiques et une société civile rentière déconnectés de la réalité, les services de sécurité se trouvent en face de la population. Aussi, je ne m’explique pas la léthargie et les déclarations contredisant la réalité de certains responsables, face à cette flambée des prix qui menace la cohésion sociale, crée une démobilisation de la population avec une crise de confiance Etat-citoyens et donc menace la sécurité nationale Comment ne pas rappeler ma contribution, au niveau national et international, sous le titre «Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, allons faire le marché ensemble» (www.google.com le 08/09 septembre 2009) toujours d’une brûlante actualité, montrant que les mécanises de régulation n’ont pas fondamentalement changé. Aussi, pour se projeter sur l’avenir, s’impose à l’Algérie une nouvelle gouvernance, un langage de vérité, la moralité des gouvernants, de rétablir la confiance pour sécuriser son avenir, de s’éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l’intelligence, de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, en tolérant les différentes sensibilités mais évitant la division sur des sujets secondaires.
Professeur des universités Expert international Dr Abderrahmane Mebtoul