La vie dans tous ses états

Tradition

Nos ancêtres savaient diversifier la nourriture, et quand, ils en avaient assez des plats habituels, ils préparaient une sorte de soupe aux herbes sauvages, très bonne pour la santé. Maintenant, on ne sait rien de cette soupe, tant on ne connait plus ni la recette, ni les plantes que personne ne peut nommer.

Il y a des secteurs d’activité où le modernisme a laissé une forte empreinte comme l’enseignement où le parcurisme et la dictée d’antan sont bannis sous prétexte de relever de l’enseignement traditionnel et le résultat est que les petits enfants qui n’apprennent rien, même pas les récitations, sont devenus incapables d’écrire un petit paragraphe correct d’une dizaine de lignes au bout de six ans d’école, ils font des tonnes de fautes quand ils écrivent. Jusqu’à maintenant, on n’a pas encore compris l’importance déterminante de la dictée comme exercice de synthèse très bénéfique parce qui permet la révision du vocabulaire, de l’orthographe, de la rédaction, de l’écriture, de la bonne diction ; cependant, on choisit, à chaque fois le texte conforme au programme et au niveau des apprenants.
On a gardé un vif souvenir d’un vieux parfait polyglotte venu en visite d’inspection dans les classes de l’ancien temps et qui nous a conseillé d’apprendre des textes par cœur d’une langue qu’on cherche à apprendre. Maintenant, avec le temps, on se rend compte qu’il a raison. Maintenant, on n’apprend plus rien et ceci explique bien le niveau. Et là où le traditionalisme est apparent, c’est en agriculture vivrière qui continue à employer les techniques anciennes : labourage à la charrue ancienne, semailles selon les vieilles pratiques, on continue aussi à récolter comme dans l’ancien temps, dans un grand nombre de régions montagneuses avec le même savoir faire. Les mêmes procédés, on les trouve encore en Italie et en Grèce d’aujourd’hui, surtout pour le ramassage des olives et la production de l’huile d’olive. Et dans le travail artisanal on continue encore de pratiquer traditionnellement le tissage, la bijouterie, la dinanderie, cependant, il y a beaucoup de métiers manuels qui ont disparu.

La cuisine traditionnelle a encore de beaux jours devant elle
Pour le déjeuner, il y a encore des gens qui se contentent d’un beignet à la grosse semoule faits par des femmes expertes en la matière, il s’agit d’un gros beignets et assez grand pour calmer la faim ; parce qu’il y a des confectionneurs de beignets plus petits en circonférence et en épaisseur, il s’agit de beignets faits avec la farine qu’on trouve le plus souvent en vente, chez des marchands de zalabia et d’autres friandises à base de sucre. Et depuis quelques années, on constate partout, en ville ou la campagne, l’ouverture de locaux fermés depuis belle lurette de locaux commerciaux pour être tenus exclusivement par des femmes pour la confection et la vente de galettes, msemen, mhadjeb, beignets, couscous fraichement roulé conformément à la tradition. Elles ne travaillent pas toutes de la même façon, mais chaque groupe fait l’effort d’apprêter les meilleurs produits pour avoir le plus de clientèle.
Il y en a déjà quelques unes parmi elles qui se sont fait une célébrité, parce que d’abord, elles font tout avec la semoule fortement appréciée par les connaisseurs tout en cherchant à vendre les meilleurs produits. Elles travaillent méticuleusement par groupe de quatre ou cinq pour avoir la qualité et la quantité, c’est important pour la survie de l’entreprise. Ces magasins ouverts par des femmes paraissant avoir de l’expérience dans les traditions culinaires, ne sont rien d’autre que des entreprises de produits de consommation traditionnels qui ont existé depuis la nuit des temps, et conçues selon des méthodes anciennes. Chez nous, chaque région a une histoire en matière de produits traditionnels, c’est-à-dire des plats très anciens réalisés avec des ingrédients de fortune. Faute de moyens, on cuisinait le couscous, plat national, et la tchekhtchoukha ou la berboucha, plus répandus, avec un mélange de semoule de glands et d’orge, ça donnait des plats merveilleusement nutritifs, surtout additionnés à de la bonne huile d’olive et aux figues sèches, ce qui donnait de la force aux travailleurs de peine. Et chaque région avait sa manière d’apprêter ces plats.

Nos aïeux avaient du génie
Ce qui se traduit par leur originalité dans tous les domaines, ils ont laissé en héritage quarante recettes rien que pour apprêter le couscous. Il n’y a pas longtemps, peut-être trente ans en arrière, dans la filière «produits alimentaire, quelqu’un a soutenu un mémoire de magister sur ces quarante recettes du couscous, il a dû faire appel à la mémoire des plus anciens de l’époque pour faire la reconstitution de l’histoire du couscous comme plat national. Nos ancêtres savaient diversifier la nourriture, et quand, ils avaient assez des plats habituels, ils préparaient une sorte de soupe aux herbes sauvages, très bonne pour la santé. Maintenant, on ne sait rien de cette soupe, tant on ne connait plus ni la recette, ni les plantes que personne ne peut nommer. Et malgré les aléas de la vie, nos anciens ont su faire face à toutes les difficultés.
Pour faciliter la vie à tout le monde, ils ont installé des moulins à grains et à huile, le premier a fonctionné avec les chutes d’eau des oueds, très abondants de leur temps, le second marche avec la force animale qui ont tourné les deux grosses meules autour d’un axe vertical, permettant ainsi aux meules d’écraser les olives. On ne sait pas l’origine de ces meules, mais toujours est-il que quand un gros camion les dépose sur la route, l’acheteur du moulin sollicite l’aide de tous les hommes solides qui veulent l’aider volontairement à les acheminer au lieu d’installation du moulin, bord de la rivière, oliveraie loin des agglomérations. On déplaçait ces meules, tenues à l’avant et l’arrière, par des hommes connaisseurs, à l’aide de cordes solides, en les faisant rouler par des chemins et sentiers sinueux, caillouteux, et par endroits étroits.
C’est un travail titanesque et ce, d’autant plus qu’il fallait les tenir en équilibre pour éviter qu’elles ne tombent. Et c’est au fil des siècles qu’on a assisté à ce genre de corvée et les hommes, quant à eux, lorsque le travail titanesque est fini sont récompensés par un repas copieux. Nos aînés ont aussi inventé le tour à pédale pour tailler dans le bois divers ustensiles, alors qu’avant, il fallait se servir de ciseaux bien aiguisés pour donner forme à un objet d’utilité domestique, c’était long et pénible. Chez les femmes, on a inventé le rouet pour filer la laine et le métier à tisser, deux inventions bien de chez nous et qui n’ont rien à voir avec l’inventeur Jacquard. Il faut ajouter que du côté de no arrières-mères, il y a eu l’invention du vinaigre à partir du jus de raisin fermenté et sitôt bien fermenté, dans un grand récipient en terre, une femme spécialiste chauffe à blanc la lame coupante d’une faucille, et elle la plonge dans le liquide fermenté, aussitôt on voit monter pendant un bout de temps un nuage épais.
Ce nuage n’est autre que l’alcool brûlé, et après dans ce récipient, il ne reste plus que le vinaigre que l’on pouvait consommer à loisir. Ces mêmes femmes à l’esprit ingénieux, se chargeaient aussi de la fabrication du savon dont elles connaissaient la recette qui leur avait été transmise par leurs aînées. Il en fut de même de la chaux employée pour de multiples usages et produite localement, selon la recette habituelle.

Des traditions en voie d’extinction
Les vêtements ont connu un profond changement aussi bien pour les hommes que pour les femmes, on n’a pas besoin de vous en parler, tout le monde a dû constater les changements de tenues vestimentaires. Dans la période antérieure à l’indépendance, les traditions vestimentaires du pays étaient dominantes, seroual bouffant, chéchia rouges ou blanche sur la tête, gandoura portant échancrure à l’avant ; c’étaient comme cela que s’habillaient, les commerçants, meuniers, maréchaux ferrants, forgerons et tous les artisans de l’époque.
N’arrivaient en tenue européenne que les émigrés. Pour les femmes habillées traditionnellement, c’étaient le chemisier ou le pull pour le haut puis le séroual arrivant au niveau des chevilles, et le haïk traditionnel et la voilette. Sinon pour les autres femmes, robe simple, foulard ancien et fouta. Toutes ces tenues étaient portées depuis nos plus lointains ancêtres. Le changement, c’est à partir de la première année de l’indépendance. Actuellement, quiconque mettait un tarbouch ou une chéchia tunisienne rouge, et un pantalon bouffant attire les regards pour la singularité.
Boumediene ABED