Initiatives locales pour sa préservation

Patrimoine culturel amazigh à Ouargla et Touggourt

De nombreuses initiatives sont entreprises par des associations et acteurs de la scène culturelle des wilayas d’Ouargla et Touggourt pour la préservation du legs culturel amazigh, à travers moult manifestations et expositions valorisant ce patrimoine.

Des anthropologues et linguistes s’attèlent à répertorier cette richesse culturelle, dans ses aspects matériel et immatériel, en tant que partie intégrante de l’identité nationale. Parmi les initiatives engagées, l’enregistrement de textes poétiques, de chants locaux et contes transmis oralement via des témoignages vivants, à travers les deux régions précitées, ont indiqué des présidents d’associations culturelles locales. Les efforts ont été consolidés par l’édition de nouvelles publications sur la langue amazighe, dans ses différentes variantes, à l’initiative de chercheurs et d’académiciens s’intéressant au champ linguistique amazighe auquel bon nombre de familles sont intimement attachées. Ces contributions sont en majorité des productions de jeunes avides de combler le déficit en ouvrages d’expression amazighe, puisant dans des répertoires anciens et leur transcription dans des glossaires et recueils ainsi que de documents traitant de notions syntaxiques de la langue amazighe.

Nouvelles publications pour promouvoir la culture Amazighe
De nouvelles publications continuent d’enrichir la scène culturelle amazighe, d’appuyer et d’accompagner les efforts de promotion de la culture et la langue amazighes et de préservation de ce patrimoine, à l’exemple du dictionnaire Amazighe-Arabe de Khaled Benahmed Fertouni, intitulée «Iwalen-Taguergrant», édité en 2016 en Taguergrant, la variante ouarglie de Tamazight. L’ouvrage comporte l’alphabet amazigh, étayé d’images et de dessins explicatifs en Tifinagh, et parfois en caractères latins et arabes, pour aider l’apprenant à s’initier à la lecture et la vocalisation des monèmes et phonèmes. M.Fertouni, un psychologue de formation, affirme cibler, à travers son œuvre, les premières classes d’enfants, pour répandre ce parler chez les enfants, après avoir constaté un recul de cette variante.
L’ouvrage, dit-il, comporte les règles de lecture de transcription de l’amazighe en caractères latins, en plus de certaines règles syntaxiques, des pronoms, de la ponctuation, et d’autres constituants de la phrase amazighe, entre autres notions linguistiques. Ce lexicographe s’est efforcé de revivifier de nombreux termes morts et d’autres en voie de disparition de l’usage communicatif, dans la perspective de leur restauration et utilisation dans le quotidien des Ouarglis, avant de s’orienter vers l’établissement d’une approche linguistique comparative entre les différentes variantes linguistiques amazighes, dont le Taguergrant, Zénète, Chaoui, Mozabite et Kabyle. Soucieux de la préservation de sa langue maternelle, M. Fertouni a œuvré à l’édition de sa seconde œuvre en titre de «Awal-Enna» (notre langue) en variante amazighe «Taguergrant», destiné notamment aux classes préparatoires et primaires.
Une autre publication dans le genre, à savoir un glossaire en «Tachelhit», variante amazighe d’Oued-Righ (Touggourt), venue enrichir le patrimoine national amazigh, a été éditée par Youcef Ghettas, de la commune de Blidet-Amor, sous la supervision du Haut-commissariat à l’Amazighité (HCA). Parmi d’autres actions, la préparation d’une traduction vers Tamazight de la série pour enfants «Je découvre mon patrimoine et mon histoire» de l’Office national de la gestion et exploitation des biens culturels, avec le concours du HCA, en vue d’ancrer la culture locale chez les nouvelles générations, a expliqué de son côté la sous-directrice de l’antenne de l’Office à Ouargla, Oum El-Kheir Benzahi. La radio locale d’Ouargla «El-Wahat» (Oasis) fait partie des institutions œuvrant à la promotion de la culture et de la langue amazighes, avec l’animation d’émissions dans la variante amazighe locale traitant de thèmes divers concernant les régions d’Ouargla et Touggourt.
Elle anime, avec le concours de la chaine nationale deux, une émission, avec la participation de membres de la presse locale, sur la culture amazighe, outre la diffusion d’un programme quotidien en Taguergrant et Tachelhit, dans des domaines socioculturel, religieux et récréatif. «Tfith N’mesdagh» (miroir de la société) est l’émission interactive ayant attiré le plus grand nombre d’auditeurs et traitant de sujets sociaux, en présence d’une sociologue, aux côtés de la séance radiophonique culturelle «Aguze Net N’fous» de devinettes en variante Ouarglie, et le projet «Dzigma» traitant du patrimoine amazigh en Algérie. Approché par l’APS, Salah Tamina, journaliste à la radio locale, a mis en relief les efforts des instances concernées, des associations et des académiciens locaux ayant contribué à la promotion de la langue amazighe dans la société Ouarglie et l’importance de son enseignement aux futures générations. La journaliste Zineb Boughaba a estimé, de son côté, nécessaire pour les familles d’inculquer à leurs enfants leur langue maternelle, pour s’initier facilement à la langue amazighe. Pour leur part, des académiciens et universitaires dans les wilayas d’Ouargla et Touggourt ont préconisé la généralisation de l’enseignement de la langue amazighe dans les établissements éducatifs, pour l’enraciner et la préserver.

Ouverture de classe d’enseignement amazighe
Le président de l’association pour le tourisme et le patrimoine amazigh «El-Fedjr» de Blidet-Amor, dans le Grand Touggourt, Lamine Boukhellat, a indiqué que les efforts de l’association et de la société civile ont été couronnés par l’ouverture, lors de la saison scolaire 2017/2018, d’une classe d’enseignement primaire de la langue amazighe, que d’aucuns ont vu comme une démarche positive pour la promotion et la valorisation de la langue et patrimoine culturel amazigh. Certaines écoles privées se sont aussi impliquées dans la démarche par l’ouverture de classes d’enseignement amazigh pour les enfants. Toutes ces actions ont été confortées par la fondation du Conseil scientifique de la langue amazighe en variante «Righi», relevant de l’association « Iqraa » pour la culture et le développement scientifique de la commune de Blidet-Amor. L’instance assume, entre-autres missions, la collecte de lexèmes en variante amazighe «Chelhiya», la réhabilitation du patrimoine de la région en coordination avec les notables et Choyoukh de la région, sous l’égide du HCA.

Expériences de production cinématographique en amazighe
La réalisation du court-métrage intitulé «Arak d’Arak» (ton fils est ton fils) à Ouargla est aussi la première expérience allant dans le sens de la promotion et de l’ancrage de la langue amazighe, en traitant, en 90 mn, de pans du patrimoine matériel et immatériel en variante amazighe Ouarglie(Taguergrant), et tendant à valoriser les coutumes et traditions de la société Ouarglie durant les années 1980 et 1990 du dernier siècle, et des facettes socioculturelles menacées d’extinction. La production, dont les premières images ont été prises dans la zaouïa de Sidi Abdelkader Djilani, dans le Ksar d’Ouargla, vise à ressusciter, en puisant dans les connaissances d’archéologues, sociologues et conteurs populaires, les composantes du legs matériel et immatériel de l’ancienne ville d’Ouargla (sites, monuments, activités agricoles, métiers, art culinaire traditionnel et autres).
D’autres associations culturelles tentent, elles aussi, de s’impliquer en se lançant dans la production de courts-métrages sur différents sites et vestiges archéologiques disséminés à travers la wilaya d’Ouargla. Le journaliste, Mohamed Lahouel Tayeb, de la wilaya de Touggourt, s’emploie à préparer un documentaire, étayé de témoignages vivants, sur la région de Oued-Righ en variante amazighe «Righi» pour mettre en valeur le patrimoine culturel et touristique de la région.
R. C.