Riyad et Abu Dhabi au bord de l’implosion !

Grave crise à l’Opep+ : est-ce la fin de l’Alliance ?

Après les échecs de jeudi et vendredi, les vingt trois pays signataires de la Déclaration de Coopération se sont réunis à nouveau hier pour parvenir à un compromis commun et satisfaire deux parties opposantes à la stratégie progressive et prudente de la production. Hier, ce n’était que des discussions de couloirs. Rien d’officiel.

Le plan a encore été mis à table. Un accord est difficile à trouver. Le désaccord entre les deux alliés traditionnels du Golfe, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis se creuse et crée un véritable malaise au sein de l’Alliance qui redoute une impasse inopportune à tous. Alors que la Russie et l’Arabie saoudite restent à l’offensive, les Emirats arabes unis crient à l’injustice et exigent une hausse proportionnelle de sa production, arguant que «l’accord proposé pour prolonger la réduction des quotas jusqu’à la fin de 2022 est injuste», selon l’agence Bloomberg. A la veille du troisième jour de la tenue de la 18ème réunion ministérielle des pays de l’Opep+, la tension entre Riyad et Abu Dhabi est montée d’un cran, ce qui impacte lourdement les campagnes de forages bloquées et paralyse les marchés financiers en l’absence d’un accord sur l’offre. Les investisseurs sont tenus en haleine et redoutent l’effondrement des indices boursiers bien que l’économie américaine affiche des signes de croissance plutôt positifs.
Toutefois, le doute plane toujours sur le maintien de l’Accord Opep+ après que Ryad ait critiqué la position de son adversaire qu’elle a décrit comme étant le seul obstacle pour statuer sur le rythme d’augmentation de la production à partir du mois d’août. Une démarche considérée nécessaire pour maîtriser les cours du pétrole qui commencent à retrouver leurs niveaux d’avant la crise, mais aussi pour anticiper un éventuel choc économique avec la reproduction rapide du Coronavirus. Une position prudentielle que soutiennent les autres pays membres du cartel, en quête d’un accord alors que les deux adversaires campaient sur leur position et se brouillaient davantage sur la stratégie à adopter : celui d’«augmenter chaque mois la production de pétrole de 400.000 barils par jour entre août et décembre, soit un total de 2 millions de barils quotidiens remis sur le marché d’ici la fin de l’année», à rappeler. Le niveau de référence constitue cette fois-ci la pomme de la discorde entre les deux adversaires.
Abou Dhabi réclamait depuis cinq jours la révision de ce «niveau de référence à partir de laquelle sa réduction de production est calculée» et considérait «leur volume de référence trop bas alors qu’ils ont investi des milliards de dollars pour augmenter leur capacité de production». Les Emirat arabes unis créent un véritable malaise au sein du Groupe et tentent de convaincre d’autres pays comme l’Azerbaïdjan, le Koweït, le Kazakhstan et le Nigeria à revoir ce niveau de référence de manière à relever davantage leur volume de production. Ce que les deux poids lourds du marché pétrolier, Moscou et Ryad, ne cautionnent pas et rejettent en bloc. Les EAU veulent revoir cet accord afin de leur permettre de pomper une plus grande quantité de son pétrole sur les marchés et assurer un retour sur leurs investissements estimés à des milliards de dollars. De plus, l’économie de ce pays a été lourdement affectée par la baisse des cours de l’or noir et les réductions de production sans précédent. Une situation aggravée par l’arrivée de la pandémie du Coronavirus.
Le pays veut profiter de la reprise progressive de l’économie mondiale, en particulier dans les grandes puissances, où la demande est en hausse. Des arguments qui ne semblent pas convaincre les autres pays qui veulent maintenir l’équilibre du marché pétrolier et stabiliser les prix aussi longtemps que possible. C’est la mission de Moscou et Ryad, chargés de résoudre le problème posé par les Émirats arabes unis pour éviter une nouvelle confrontation qui risque de faire plonger les marchés pétroliers. Un scénario que redoutent aussi les spécialistes financiers si le groupe ne parvient pas à un accord ou si les producteurs de pétrole décident une libre augmentation de la production, sans plus aucun quota. Cette situation d’incertitude commence à peser sur les prix du pétrole qui ont enregistré, ce lundi, une légère hausse. Pour rappel, jusqu’à aujourd’hui, les pays membres de l’Opep+ se sont conformés, correctement, à l’Accord Opep+ et ont réduit l’année dernière leur production de près de 10 millions de barils par jour (bpj), avant de décider de relever progressivement les extractions qui se situent actuellement à environ 5,8 millions de bpj.
Samira Takharboucht