Les gouvernements occidentaux ont financé un important réseau de propagande (IV)

Syrie

Des services de renseignements occidentaux, financés par les gouvernements, ont formé des leaders de l’opposition syrienne, publié des articles dans des médias allant de la BBC à Al Jazeera et dirigé un groupe de journalistes. Une foule de documents ont été divulgués, révélant ce réseau de propagande. Des documents ayant fait l’objet d’une fuite montrent comment des sous-traitants du gouvernement britannique ont développé une infrastructure de propagande avancée pour assurer le soutien de l’Occident à l’opposition politique et armée de la Syrie.

Ne vous contentez pas de publier des articles dans les médias, «créez un événement» pour construire vos propres scandales. Dans sa guerre médiatique contre Damas, InCoStrat a mené une double campagne qui consistait en ce qui suit : a) Campagne de guérilla. Utiliser les médias pour créer l’événement. b) Tactiques de guérilla. Lancer un événement pour créer l’effet médiatique ». L’entité de renseignement visait donc à utiliser les médias comme une arme pour faire avancer les revendications politiques de l’opposition syrienne. Dans un cas, InCoStrat s’était attribué le mérite d’une campagne internationale réussie pour forcer le gouvernement syrien à lever son siège du bastion d’opposition extrémiste de Homs.

Rania Khalek, collaboratrice de Grayzone, avait fait un reportage sur la crise de Homs, qui avait été assiégée par Damas après que les fondamentalistes sunnites d’extrême droite qui la contrôlaient aient commencé à perpétrer des massacres sectaires contre les minorités religieuses et à kidnapper des civils alaouites. «Nous avons mis en relation des journalistes internationaux avec des Syriens vivant dans Homs assiégée», a expliqué InCoStrat. La firme a organisé une interview entre la chaîne britannique Channel 4 et un médecin de la ville, ce qui a contribué à attirer l’attention internationale, et finalement permis de mettre fin au siège. Dans un autre cas, le sous-traitant britannique avait déclaré avoir «produit des cartes postales, des affiches et des rapports» comparant le gouvernement laïc de Bachar al-Assad aux fondamentalistes salafistes-jihadistes de Daesh. Il a ensuite «fourni un porte-parole syrien crédible, arabophone et anglophone, pour entamer le dialogue avec les médias». La campagne a été très réussie, selon InCoStrat : Al-Jazeera America et The National ont publié les affiches de propagande de la firme. Le sous-traitant britannique a également organisé des interviews sur le sujet avec le New York Times, le Washington Post, CNN, le Guardian, The Times, Buzzfeed, Al-Jazeera, Suriya Al-Sham et Orient.

Après le changement de régime, vient « Nation Building Inc. »

InCoStrat a apparemment participé à de nombreuses opérations de changement de régime soutenues par l’Occident. Dans un document fuité, la firme a déclaré avoir contribué à former des organisations de la société civile au marketing, aux médias et aux communications en Afghanistan, au Honduras, en Irak, en Syrie et en Libye. Elle avait même formé une équipe de journalistes anti-Saddam Hussein à Bassora, en Irak, après l’invasion conjointe des États-Unis et du Royaume-Uni. En plus d’avoir passé des contrats pour le Royaume-Uni, InCoStrat a révélé qu’il avait travaillé pour les gouvernements des États-Unis, de Singapour, de Lettonie, de Suède, du Danemark et de Libye. Après que l’OTAN ait détruit l’État libyen dans une guerre de changement de régime en 2011, InCoStrat a été amené en 2012 à mener un travail de communication similaire pour le Conseil national de transition libyen, l’opposition soutenue par l’Occident qui cherchait à prendre le pouvoir.

Coordination avec les milices extrémistes, préparation des nouvelles pour « renforcer le récit de base »

Les documents divulgués jettent un éclairage supplémentaire sur un sous-traitant du gouvernement britannique appelé Albany. Albany s’est vanté d’avoir « obtenu la participation d’un vaste réseau local de plus de 55 pigistes, reporters et vidéographes » pour influencer les récits des médias et promouvoir les intérêts de la politique étrangère britannique. L’entreprise a contribué à la création d’un groupe médiatique d’opposition syrien influent appelé Enab Baladi. Fondée en 2011 dans le centre anti-Assad de Daraya, au début de la guerre, Enab Baladi a été vendu, de manière agressive, dans la presse occidentale comme une opération médiatique populaire syrienne. En réalité, Enab Baladi était le produit d’un entrepreneur britannique qui avait pris la responsabilité de son évolution «d’une entité gérée par des amateurs à l’une des plus importantes organisations médiatiques syriennes». Albany coordonnait également les communications entre les médias d’opposition et les groupes d’opposition islamistes extrémistes en engageant un «chef de file (qui) jouissaitt d’une profonde crédibilité auprès de groupes clés, notamment (au nord) Failaq ash-Sham, Jabha Shammiyeh, Jaysh Idleb al Hur, Ahrar ash-Sham, (au centre) Jaysh al Islam, Failaq al Rahman, et (au sud) Jaysh Tahrir».

Nombre de ces milices étaient liées à Al-Qaïda et sont maintenant officiellement reconnues par le Département d’État américain et les gouvernements européens comme des groupes terroristes. Contrairement à d’autres sous-traitants gouvernementaux occidentaux actifs en Syrie, qui ont souvent tenté de feindre un semblant d’équilibre, Albany a clairement fait savoir que ses reportages médiatiques n’étaient rien d’autre que de la propagande. La société a admis qu’elle formait des militants des médias syriens à un «processus de salle de rédaction» unique en son genre, qui consistait à «organiser» les nouvelles en «collectant et en organisant des témoignages et des contenus qui soutiennent et renforcent le récit de base». En 2014, Albany s’est vanté de diriger l’équipe de communication de la Coalition nationale syrienne lors des pourparlers de paix de Genève. Albany a également averti que des révélations sur le financement par les gouvernements occidentaux de ces organisations médiatiques d’opposition, qui étaient présentées comme des initiatives populaires, les discréditeraient.

Lorsque des courriels internes ont été divulgués, montrant que l’énorme plate-forme médiatique d’opposition Basma Syria était financée par les États-Unis et la Grande-Bretagne, Albany a écrit : «la marque Basma a été compromise suite à des fuites sur les objectifs des financements du projet».Les fuites sur les réseaux sociaux «ont porté atteinte à la crédibilité et à la fiabilité de la plate-forme existante», a écrit Albany. «La crédibilité et la confiance sont les devises clés des activités envisagées et pour cette raison, nous considérons qu’il est essentiel de rafraîchir l’approche si l’on veut que le contenu à diffuser soit efficace». Le site web de Basma a été fermé peu après. Ces dossiers démontrent clairement comment l’opposition syrienne était cultivée par les gouvernements occidentaux dans le cadre de leurs desseins impérialistes sur Damas, et était maintenue à flot avec des sommes d’argent ahurissantes qui provenaient des poches des contribuables britanniques – souvent au profit de miliciens fanatiques alliés à Al-Qaïda. Alors que des procureurs néerlandais préparent des accusations de crimes de guerre contre le gouvernement syrien pour avoir repoussé les attaques, les dossiers divulgués rappellent le rôle majeur joué par les États occidentaux et leurs sous-traitants dans la destruction soigneusement orchestrée du pays.

(Suite et fin) Ben Norton