«L’Etat marocain a sous-estimé la force de manœuvre de l’Algérie»

Mourad Preure, expert en questions énergétiques :

Mourad Preure, expert en questions énergétiques, est revenu, hier samedi, sur la décision de l’Algérie, d’abandonner le contrat gazier Europe-Maghreb (GME) régissant l’approvisionnement en gaz algérien via le Maroc et devant s’achever le 31 octobre prochain. Annoncée, pour rappel, jeudi, par le ministre l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab.

«L’Etat marocain a sous-estimé la force de manœuvre de l’Algérie, sachant la source algérienne qui reste, aux yeux de ses clients, une source fiable», a indiqué Mourad Preure. Qualifiant la posture du Maroc d’attitude « perverse » allant même jusqu’à oublier que dans les années du terrorisme (les années 1990) quand les conduites étaient des tuyaux en proie aux actes terroristes) il n’y a jamais eu de rupture d’approvisionnement en pétrole ni de gaz. Intervenant sur les ondes de la Chaîne III de la radio algérienne dont il était l’invité de la rédaction, cet expert en questions énergétiques, considère de prime abord qu’avec les capacités de production et de transport qu’elle détienne, l’Algérie n’a pas de contrainte dans l’exportation de son gaz, soit liquide soit par gazoduc.
« Nous n’avons pas de stress dans l’exportation de gaz mais, ce sont bien les Européens qui en ont avec le pays de transit », observe Mourad Preure, citant l’exemple de la Russie dont le gaz acheminé vers l’Europe de l’Ouest était empêché par la crise ukrainienne, le pays à travers lequel transite le gaz russe. Le chantage de l’Ukraine, a rappelé l’invité de la rédaction de la Chaîne III de la radio algérienne, a mis le gaz de la Russie face au mur et a poussé la dernière à construire un autre gazoduc pour acheminer cette denrée précieuse jusqu’en Bulgarie. « Pour ce qui est du chantage de notre voisin, le Maroc en l’occurrence, force est de croire que le pays de transit détient naturellement une force géostratégique (de 117 kilomètres) qu’il va inéluctablement brandir et exercer avec une pression sur l’Algérie », a observé Mourad Preure.
Estimant que face à un éventuel scénario marocain, nous devons, au pire des cas, aller vers un plan B similaire à celui ayant opposé la Russie en conflit avec l’Ukraine. Même si nous avons une très grande flexibilité à exporter notre gaz hors Méditerranée, a fait remarquer cet expert en questions énergétiques, il faut tirer les leçons du conflit russo-ukrainien. «C’est dire que si la crise entre le Maroc et l’Algérie persiste, chose que Naturgy (le Sonatrach espagnol, ndlr) qui détient 49% de ce transit, ne va pas admettre et taire», a-t-il poursuivi. Faisant remarquer que Sonatrach veut, certes, sécuriser ses débouchés dont l’Espagne, et partant, tous les clients européens du gaz algérien, n’admettent pas une rupture dépassant les 20 jours. Le gazoduc nourrissant l’Europe en gaz algérien via l’Espagne transite par le Royaume chérifien. Le partenariat Sonatrach-Naturgy, en matière de transport gazier via gazoduc, a permis, rappelle-t-on, de porter les capacités de production de 8 à 10 milliards m3.
Rabah M.