Pour lutter contre la corruption et la mauvaise gestion, délimiter clairement les prérogatives des institutions de contrôle par des mécanismes de régulation transparents

Economie

La corruption, à ne pas confondre avec acte de gestion, devant éviter de freiner les énergies créatrices, la définition du manager étant de prendre des risques, pouvant gagner ou perdre, démobilise la société par une méfiance généralisée et accentue le divorce Etat-citoyens.

La récente circulaire du Ministère de l’Intérieur en ce début septembre 2021, de vouloir centraliser les enquêtes, pouvant créer des conflits de compétences, posant problème, seule DGSN relevant de ses prérogatives, qui elle même doit avoir sa propre autonomie dans les enquêtes, selon la Constitution, que l’on doit respecter dans un Etat de Droit. Les enquêtes sur la corruption relèvent d’ autres structures de sécurité relevant soit de la Présidence de la République, de l’APN, ou de l’état-major de l’ANP, ce ministère avec ses sous structures lui même étant soumis au contrôle, devant laisser aux organismes de contrôle de faire leur travail dans une totale discrétion. Le combat contre la corruption, pour son efficacité repose sur la mise en place de mécanismes de régulation transparents, une délimitation claire des prérogatives des institutions de contrôle, dans les pays à Etat de droit,l’organe technique suprême étant la Cour des comptes et les organes démocratiques, assemblées élues afin que ce rêve si cher à tous les Algériens, condition d’un Front national interne solide se réalise. C’est l’objet de cette présente contribution d’une brûlante actualité et de surcroît très sensible en soulignant que la corruption menace les fondements de l’Etat et donc la sécurité nationale.

1.- Transparency International dans son rapport de janvier 2021 note que la frustration face à la corruption des gouvernements et le manque de confiance dans les institutions témoignent de la nécessité d’une plus grande intégrité politique devant s’attaquer de toute urgence au rôle corrupteur des grosses sommes d’argent dans le financement des partis politiques et à l’influence indue qu’elles exercent sur les systèmes politiques. L’ONG relève que « les pays où les réglementations sur le financement des campagnes sont complètes et systématiquement appliquées ont un score moyen de 70 sur l’IPC, alors que les pays où ces réglementations sont soit inexistantes, soit mal appliquées n’obtiennent respectivement qu’une moyenne de 34 et 35 ». Qu’en est-il du classement sur la corruption de l’Algérie de 2003 à 2020 : 2003 : 88e place sur 133 pays; 2004 : 97e place sur 146 pays ; 2005 : 2,8 sur 10 et 97e place sur 159 pays ; 2006 : 84e place sur 163 pays ; 2007 : la 99e place sur 179 pays ; 2008 : 92e place sur 180 pays ; 2009 : 111e place sur 180 pays ; 2010 : 105e place sur 178 pays ; 2011 : 112e place 183 pays ; 2012 :105e place sur 176 pays ; 2013 -105 rangs sur 107 pays ; 2014 –100ème sur 115 pays ; 2015 –88e sur 168 pays ; 2016 –108e sur 168 pays ; 2017 -112e place sur 168 pays ; 2018- 105e place sur 168 pays ; 2019- 106e sur 180 pays. Rapport de janvier 2021 pour 2020, 104e place sur 180 pays avec une note de 36 sur 100. Selon cette institution, internationale, une note inférieure à 3 signifie l’existence d’un « haut niveau de corruption, entre 3 et 4 un niveau de corruption élevé, et que des affaires saines à même d’induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives.

Les différents scandales financiers en Algérie, qui touchent certains secteurs publics et privés, relatés chaque jour par la presse nationale, dépassent souvent l’entendement humain du fait de leur ampleur, encore que tout Etat de droit suppose la présomption d’innocence afin d’éviter les suspicions et les règlements de comptes inutiles. Pourtant, ces constats témoignent de la désorganisation des appareils de l’Etat censés contrôler les deniers publics et surtout le manque de cohérence entre les différentes structures de contrôle. Cela dénote de l’urgence d’une moralisation de la vie publique, en mettant en place d’autres mécanismes qui évitent que ces pratiques ne se reproduisent. La mise en place de ces mécanismes transparents renvoie à plus de liberté, d’efficacité économique, de justice sociale,( indépendance de la justice), de moralité des institutions et de démocratie. Il ne s’agit pas de créer des commissions sans lendemain. 2.- Si l’on excepte la mauvaise gestion de certaines entreprises publiques qui accaparent une partie importante du financement public, il ne faut jamais oublier l’administration et les services collectifs dont les infrastructures qui également accaparent la mauvaise gestion des services collectifs. S’est-on interrogé une seule fois par des calculs précis le prix de revient des services de la présidence, du chef du Gouvernement, des différents Ministères et des wilayas et APC, de nos ambassades (car que font nos ambassades pour favoriser la mise en œuvre d’affaires profitables aux pays ?), du coût des différents séminaires, et réceptions et commissions par rapport aux services rendus à la population algérienne ? A ce titre, il convient de se poser la question de l’efficacité des transferts sociaux souvent mal gérés et mal ciblés qui ne s’adressent pas toujours aux plus démunis.

Il semble bien qu’à travers toutes les lois de finances l’on ne cerne pas clairement les liens entre les perspectives futures de l’économie algérienne et les mécanismes de redistribution devant assurer la cohésion sociale, donnant l’impression d’une redistribution passive de la rente des hydrocarbures sans vision stratégique, bien qu’existe certaines dispositions encourageant l’entreprise. Dans ce cadre, de la faiblesse de la vision stratégique globale, le système algérien tant salarial que celui de la protection sociale est diffus, et dans la situation actuelle, plus personne ne sait qui paye et qui reçoit, ne connaissant ni le circuit des redistributions entre classes d’âge, entre générations et encore moins bien les redistributions entre niveaux de revenus ou de patrimoine. C’est la mauvaise gestion et la corruption expliquent que le niveau des dépenses est en contradiction avec les impacts économiques et sociaux. De ce fait le contrôle institutionnel dont la Cour des Comptes, organe suprême du contrôle selon la Constitution dépendante de la présidence de la république , en léthargie depuis de longues années, l’organe de lutte contre la corruption l’Inspection Générale des Finances( qui est juge et partie dépendant d’un ministre), sans parler des contrôles routiniers des services de sécurité, devra éviter les télescopages donc une cohérence et coordination dans la démarche du contrôle.

Mais le contrôle le plus efficace passe par par une plus grande démocratisation, l’APN et le Sénat devant en principe jouter un rôle de contrepoids par des critiques et propositions productives, ne devant pas servir d’anti chambre de l’exécutif devant l’aider à corriger ses erreurs. L’efficacité du contrôle passe nécessairement par une lutte contre ce cancer, la bureaucratisation.Le bureau comme l’a montré le grand sociologue Max Weber est nécessaire dans toute économie mais il doit être au service de la société , non s’ériger en terrorisme bureaucratique qui enfante la corruption renvoyant au poids de la sphère informelle qui contrôle plus de 45/50% de la superficie économique et selon des données contradictoires officielles entre 33% et 45% de la masse monétaire en circulation, avec une intermédiation financière informelle réduisant la politique financière de l’Etat. Dans ce cadre, l’intégration de la sphère informelle selon une vision cohérente, loin de toute vision bureaucratique autoritaire doit aller de pair avec par une participation plus citoyenne de la société civile et devant favoriser la légitimité de tout Etat du fait qu’elle permettra à la fois de diminuer le poids de la corruption à travers les réseaux diffus et le paiement des impôts directs qui constituent le signe évident d’une plus grande citoyenneté, l’élément fondamental qui caractérise le fonctionnement de l’Etat de droit étant la confiance. On peut émettre l’hypothèse que c’est l’Etat qui est en retard par rapport à la société qui enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner.

La corruption est également favorisée par les produits subventionnés, la distorsion, de la cotation du dinar par rapport aux pays voisions, le trafic aux frontières lié à cotation du dinar sur le marché parallèle.La procédure est simple je vous achète 1 euro vous me facturer 1,10 ou 1,20 euros et on partage et comme la différence avec le marché parallèle est de 50%, il y a encore une rente au niveau du marché intérieur où souvent le prix final s’aligne pour les produits importés sur le marché parallèle excepté les produits subventionnés. Cela pose la problématique de la réforme bancaire, lieu de distribution de la rente, qui doit toucher f la nature du système et pas seulement la rapidité de l’intermédiation financière par la numérisation (aspect purement technique), qui paradoxalement pourrait faciliter des détournements plus rapidement si l’on ne s’attaque pas à la racine du mal. 3.- Un autre facteur important, un système d’information transparent et fiable est une condition fondamentale de tout contrôle. La crise mondiale actuelle a bien montré l’urgence de l’intervention des Etats du fait que les mécanismes de marché seuls ne garantissent pas la transparence et le développement.

Du fait que toute société est caractérisée par les imperfections des marchés – hypothèse de marchés totalement concurrentiels étant la tendance idéale, l’intervention de l’Etat régulateur s’avère stratégique afin de mettre à la disposition des opérateurs préoccupés par leur gestion quotidienne, de l’information afin de minimiser les risques, donc les coûts de transaction, au moyen d’observatoires au niveau macro-économique, parallèlement à une politique monétaire, fiscale, douanière, claire, permettant des prévisions sur le moyen et le long terme. Pour l’Algérie, la non maîtrise des données tant nationales qu’internationales, la faiblesse de la codification existante, la rente ayant pendant des années comblé les déficits au nom d’une paix sociale fictive, la marginalisation des compétences, tout cela engendré fondamentalement par la nature du système bureaucratique, expliquent l’effondrement du système d’information à tous les niveaux ou parfois des responsables sont informés par la presse ignorant le fonctionnement de leur secteur. Or, une erreur de politique économique peut se chiffrer en pertes pour la Nation de plusieurs centaines voire des milliards de dollars. Il existe des liens complexes entre le façonnement des comptes au niveau des entreprises et l’environnement et lorsqu’on invoque la mauvaise gestion, il y a lieu de bien cerner l’ensemble des causes internes et externes du résultat brut d’exploitation.

(A suivre) Dr Abderrahmane Mebtoul, Pr des universités, expert international