Les prestataires publics sont-ils dépassés par la démographie ?

Les stations de bus, postes, APC et daïras entassés par des chaînes humaines

L’Algérie est devenue un pays démographique, un pays de plus en plus consommateur, et cela a commencé à peser lourd sur la vie quotidienne des citoyens, notamment sur les prestations publiques sociales qui leurs sont destinées. La montée en flèche du nombre de la population à Alger (près de huit millions en 2020, selon l’Office national des statistiques (ONS), a entraîné d’énormes difficultés sur les prestations publiques, notamment au niveau des bureaux de poste, des APC, daïras, tribunaux et même dans le réseau du transport en commun, où de grandes insuffisances sont déjà constatées.
Des stations de bus submergées par une foule humaine à la recherche d’un bus, des bureaux de postes entassés par un nombre fou de clients, et des APC et daïras encerclées par des citoyens qui attendent leurs tours pour retirer des documents administratifs, il faut dire que les acteurs publics n’ont pas pu s’adapter face à une demande de plus en plus forte. Pire, la plupart des prestataires publics n’ont pas su développer leurs réseaux d’activités ni même se préparer à une telle situation.
Au niveau des stations de bus qui relèvent de l’Entreprise du transport urbain et semi-urbain (Etusa), ici l’entreprise publique semble être dépassée par le nombre fou des usagers qui utilisent quotidiennement les bus publics.
C’est le cas de la station de bus de la place du 1er-Mai où, à première vue, le nombre important des usagers en attente d’un bus de l’Etusa pour se rendre vers un autre point de la capitale vous frappe l’esprit.
Toutes les destinations sont prises par un nombre considérable d’usagers (en centaines) que ce soit vers Ben Aknoun, Bouzaréah, Baraki, Kouba, alors que rares sont les bus qui sont disponibles.
La situation est similaire aux bureaux de postes, ici des queux interminables sont vécues au quotidien par les citoyens. Une situation qui agace les Algériens.
Des dizaines de milliers de citoyens sont, chaque jour, confrontés à faire des chaînes interminables qui durent plusieurs heures pour le règlement des factures ou pour faire un retrait d’argent.
Un véritable calvaire qui
intervient en pleine période de la pandémie de la Covid-19 et qui intervient à la rentrée sociale.
Des chaînes interminables sont visibles partout dans la capitale, une marée humaine est, chaque jour, contrainte à passer de longues heures pour enfin payer leurs dus ou pour retirer de l’argent.
Dans chaque bureau de poste des chaînes interminables de plus de 200 personnes se forment devant les guichets, une souffrance qui s’ajoute au risque que pèse la pandémie de Covid-19 sur la vie des citoyens. En face, les services concernés semblent dépassés par la foule nombreuse des clients, malgré les quelques solutions qui ont été mobilisées par la tutelle pour tenter d’apaiser la grosse pression sur les personnels d’Algérie-Poste. Agacés par l’absence d’une bonne gestion de la part des services concernés, de nombreux citoyens ont exprimé leur colère, alors que quelques fois des rixes ont lieu entre les citoyens et les employés des bureaux de poste.
C’est le cas d’un sexagénaire. Ce dernier visiblement agacé par les chaînes s’est adressé au chef de service du bureau de poste d’Ouled Fayet : «Il n’y a que deux guichets sur neuf qui sont ouverts, où sont passés les autres travailleurs ? Pourquoi vous nous obligez à passer des heures alors que vous pouvez faire vite si tout le monde est à son poste ?»
Et au lieu d’avoir le droit à une réponse qui justifie la situation, le chef de service du bureau de poste du groupe Les Halles (Champ des Manœuvres) s’est contenté de se dissiper en fuyant la colère des usagers.
La colère des citoyens et le cauchemar des chaînes interminables sont identiques à travers d’autres infrastructures publiques, c’est le cas des APC et daïras.
La rentrée scolaire a clairement démontré l’absence totale de la prestation publique qui devait être offerte par les personnels des APC et daïras dans la gestion de tels évènements. Des citoyens venus pour le retrait des documents administratifs à leurs enfants ont été frappés par ces scènes d’un autre âge.
Le phénomène des chaînes a pris de l’ampleur et les citoyens sont contraints de passer jusqu’à six heures pour régler leurs affaires.
«Je n’ai pas d’autres choix que d’attendre de longues heures pour retirer les dix milles dinars de ma pension. Certains jours, j’ai passé six heures, pour avoir ma pension. C’est malheureusement la même situation lorsque j’ai payé la facture de l’eau. Cette situation a trop duré et heureusement que tout le monde portait sa bavette en ces temps de la pandémie», nous dira Samir, un employé dans une société privée.
Certains dénoncent l’impraticabilité des cartes magnétiques. «Je fais la chaîne parce que la carte magnétique qui m’a été livrée par la Poste ne fonctionne pas», nous dira une jeune femme. Par ailleurs, les agences d’Algérie Télécom de la capitale sont, quotidiennement, prises d’assaut par un nombre considérable de clients. Pour payer leur abonnement mensuel, les citoyens sont contraints de passer, là aussi, de longues heures.
Une situation similaire est vécue presque dans l’ensemble des secteurs publics, un cauchemar au quotidien et ce, sous l’ère de la numérisation.
Les responsables sont appelés à agir en proposant des solutions adéquates par rapport à cette problématique qui agace des milliers de citoyens.
Sofiane Abi