L’Algérie face aux nouvelles relations internationales, aux tensions budgétaires et sociales, pour une diplomatie forte, a besoin de dynamiser son économie par de profondes réformes

Economie

1.-Quelle est la situation socio-économique de l’Algérie en octobre 2021 indicateurs socio-économiques en ce mois d’octobre 2021 montrant une situation complexe. Le taux de croissance a été négatif de 5/6% en 2020 dû à la fois à la crise mondiale, mais également, à la faiblesse des réformes internes, le taux prévu de 2/3% pour 2021, qui vient d’être ramenée par le FMI à 3,4% donne toujours, rapporté à 2020, un taux faible entre moins 0/1%. Le produit intérieur brut PIB est de 180 milliards de dollars en 2018 à une prévision de 155 milliards de dollars en 2021, expliquant que le taux de chômage, selon le FMI, en 2021 de 14,1% et 14,7% en 2022 incluant les sureffectifs des administrations, entreprises publiques et l’emploi dans la sphère informelle. Cette dernière qui faute de confiance et de visibilité dans la politique socio-économique connaît une extension avec des données contradictoires entre 6100 et 10 000 milliards de dinars, soit au cours de 137 dinar sur un dollar entre 44,52 milliards et 72,99 milliards de dollars, soit presque la moitié du PIB pour cette dernière estimation, (plus de 45% de l’emploi total et entre 33 et 47% de la masse monétaire en circulation). Les réserves de change sont passées de 194 milliards de dollars au 1er janvier 2014 à 48 milliards de dollars fin 2020, source officielle du gouvernement et à environ 44 milliards de dollars entre avril/mai 2021, malgré toutes les restrictions d’importations qui ont paralysé la majorité de l’appareil de production afin de préserver les réserves de change, fonctionnant à moins de 50% des capacités et uniquement pour le BPTH une perte d’emplois de plus de 150.000. Les données brutes du ministère du Commerce font état de 3,1 milliards d’exportations hors hydrocarbures pour les neuf premiers mois de 2021. En l’analysant, la structure montre que 70/80% proviennent des dérivées d’hydrocarbures et des produits semi-bruts et devant, pour avoir le solde devises des autres secteurs, soustraire les matières importées en devises et les différentes exonérations fiscales: plus de 85% des entreprises publiques et privées étant selon les données du registre du commerce, des unités personnelles ou petites Sarl peu compétitives fonctionnant avec des équipements et matières premières importées. Il ne faut pas être utopique et lancer des slogans, pour pouvoir exporter avec une concurrence acerbe, surtout en Afrique et en Europe, marché naturel de l’Algérie, il faut avoir des entreprises compétitives en termes de coût/qualité. Pour éviter l’endettement extérieur et le manque de liquidités des banques, la banque d’Algérie a eu recours à la planche à billets pour 2 100 milliards de dinars pour 2021 selon les propos de ses dirigeants. Tous ces facteurs, favorisant la spéculation, expliquent le taux élevé d’inflation qui, officiellement, selon l’ONS, approche les 100% entre 2000-2020, mais beaucoup plus du fait que l’indice n’ a pas été réactualisé depuis 2011, le besoin étant historiquement daté. Les prix des produits non subventionnés s’alignent sur la cotation du dinar sur le marché parallèle, prix qui ont connu une hausse variant entre 50 et 100% pour les pièces détachées par exemple, depuis 2020, assistant à une accélération de la détérioration du pouvoir d’achat.. Je donne un exemple que j’ai vécu personnellement en ce mois d’ octobre 2021. J’ai acheté une imprimante, la même, qui était début 2020 à 9500 dinars et je l’ai payé à 18.000 dinars. Les mesures sociales vont accélérer le déficit budgétaire en 2022. Dans la loi de Finances 2021, il a été prévu des dépenses de 8 112 milliards, de dinars et des recettes à 5 328 milliards soit un déficit budgétaire de 2784 milliards de dinars, soit si l’on rapporte au cours d’octobre 2021, de 137 dinars un dollar, environ 20,32 milliards de dollars et au cours au moment de l’élaboration de la loi de finances plus de 22 milliards de dollars. Pour 2022, selon certaines sources, les encaissements vont atteindre 5.683 milliards de dinars, tandis que les charges sont estimées au total à 9 857 milliards de dinars soit un déficit budgétaire d’environ 4174 milliards de dinars soit 30,46 milliards de dollars.

2.-L’Algérie profite-t-elle du cours exceptionnel du pétrole et du gaz ayant gagné uniquement pour septembre 2,80 dollars en s’établissant à 73,85 dollars où les hydrocarbures avec les dérivées représentent 98% des recettes en devises du pays? Selon les données officielles de Sonatrach , la production s’est élevée en 2020 à 140 millions TEP (tonne équivalent pétrole), en baisse de 7% par rapport à 2019, les exportations ayant atteint 81 millions TEP. En 2019, l’Algérie a produit 86,2 milliards de m3 de gaz naturel, soit 3,10 EJ (exajoules), en baisse de 8,1 % classant au 10e rang mondial avec 2,2 % de la production mondiale et au 1er rang en Afrique. Les exportations de l’Algérie se font grâce au GNL qui permet une souplesse dans les approvisionnements des marchés régionaux pour 30% et par canalisation pour 70%. L’Algérie possède trois canalisations. Le TRANSMED, la plus grande canalisation d’ une capacité de 33,5 milliards de mètres cubes gazeux, le MEDGAZ directement vers l’Espagne à partir de Beni Saf au départ d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux qui après extension prévu courant 2021 la capacité sera porté à 10 milliards de mètres cubes gazeux et le GME via le Maroc dont l’Algérie a décidé d’abandonner, dont le contrat s’achève le 31 octobre 2021, d’une capacité de 13,5 de milliards de mètres cubes gazeux. A court terme, l’Algérie profite peu de ces hausses puisque selon le rapport de l’OPEP de juillet 2021 la production est passée de plus de 1,2- 1,5 million de barils/j entre 2007/2008 à environ 950.000 barils/j contre 850.000 en mai 2021, et pour le gaz plus de 65 milliards de mètres cubes gazeux à 40 en 2020, espérant 43/44 pour 2021, du fait de la forte la consommation intérieure, près de 40/50% de la production pour le pétrole et le gaz entre 2019/2020 et devant s’accélérer entre 2021/2030, laissant peu pour les exportations. Mais existent une autre explication. L’Algérie ne s’est pas adaptée, fautes de prévisions, aux nouvelles mutations gazières mondiales avec la percée du marché libre dit spot, ayant privilégié les contrats à moyen et long terme avec un prix fixe qui ne peut être révisé en cas de hausse ou baisse des prix qu’au bout d’une certaine période, après négociations, contrairement à la Russie qui a combiné les contrats à long terme et le marché spot. Par ailleurs, la faiblesse de l’efficacité énergétique, (on construit par exemple selon les anciennes méthodes alors que les nouvelles techniques permettent d’économiser 50%) la politique généralisée des subventions et de la faiblesse des investissements montrent qu’à l’horizon 2030, la consommation intérieure risque de dépasser les exportations actuelles d’où l’importance de s’orienter vers un Mix énergétique, de développer les énergies renouvelables tant pour l’exportation (devant alors privilégier le thermique) que le marché intérieur combinant le thermique et le photovoltaïque. Aussi la remontrée des prix pour 2021 peut permettre une recette de Sonatrach entre 30/32 milliards de dollars, un gain de 6/7 milliards de dollars par rapport aux recettes de 2020. alors que si l’on avait investi et attiré l’investissement pour atteindre le niveau antérieur des années 2007/2008 les recettes auraient pu être supérieur à 45/50 milliards. Les opérateurs attendent les décrets d’application de la loi des hydrocarbures et le code des investissements. Encore qu’il faille se méfier du juridisme, l’objectif, étant de profondes réformes structurelles pour dynamiser l’économie.

3.-Cependant l’Algérie, contrairement à certains discours pessimistes, possède encore des marges de manœuvres mais de plus en en plus étroites et dont l’avenir dépendra des réformes qu’elle mènera ou pas. Selon le FMI et la banque mondiale, le déficit de la balance courante serait négatif à 5,5% contre 12,7% en 2020, les dettes à long terme à 1,669 milliard de dollars en 2020, contre 1,571 milliard de dollars en 2019 et 1,725 milliard de dollars en 2018. Le ratio du service de la dette extérieure rapporté aux exportations de biens et services est estimé à 1% à fin 2020 le ratio du stock de la dette extérieure rapporté aux exportations était de 20% en 2020, contre 14% en 2019 et le ratio du stock de la dette extérieure rapporté au revenu national brut est estimé à 4% en 2020 et à 3% en 2019 et 2018. Par ailleurs, selon les sources internationales, la Banque d’Algérie possède fin 2020, un stock d’environ 173,6 tonnes d’or. Au cours d’octobre 2021, le montant des réserves d’or de l’Algérie peut être évalué à 10,90 milliards de dollars US. Les réserves de change de l’Algérie qui proviennent à plus de 98% des hydrocarbures sont passées de 194 milliards de dollars au 01 janvier 2014, à 62 au 31/12/2019, à 48 au 31/12/2020 et à 44 entre avril/mai 2021. Il existe deux hypothèses. Si, l’or est inclus dans le montant des réserves de change, nous aurons entre avril/mai 2021 44 milliards de dollars moins 10 milliards de dollars soit 34 milliards de dollars de réserves de change en devises de différentes monnaies ou s’il n’est pas inclus alors nous aurons 54 milliards de dollars. Ce qui positionne l’Algérie 26ème dans le monde, pour les réserves d’or, au troisième rang, au niveau de la région MENA (Moyen Orient, Afrique du Nord). Cependant, depuis 2005/2006, il n’y a pas eu d’augmentation et ce sont toujours les mêmes données de 173,6 tonnes repris par les différents responsables et la presse nationale. Mais selon la Banque mondiale, l’Algérie a peu attiré l’investissement étranger du fait d’entraves bureaucratiques liées aux réformes et d’une législation peu attractive avec une baisse de 21,3% estimée à 1,073 milliard de dollars en 2020, contre 1,364 milliard de dollars en 2019. Selon bon nombre d’experts, seul un retour à la croissance de 8/9%, ne devant jamais oublier la pression démographique devant créer 400 000 emplois productifs nouveaux, par an, pour atténuer les tensions sociales, devant également maîtriser la pandémie, ce qui redynamiserait l’économie. Mais cela suppose une nouvelle politique socio-économique visant à diversifier son économie. Faute de quoi, les tensions sociales s’aiguiseront et le retour au FMI ce qu’aucun patriote ne souhaite mais les lois économiques sont insensibles aux slogans politiques

4.-Dans le cadre des réformes, beaucoup de contre vérités circule actuellement sur l’adhésion de l’Algérie à l’organisation mondiale du commerce, représentant environ 98% du commerce mondial et 85% de la population mondiale. L’Algérie est membre observateur depuis le 3 juin 1987 et les effets bénéfiques de cette adhésion, sont conditionnées par de profondes réformes afin de dynamiser les sections hors rente, concurrentiels en termes de coût/qualité . Combien de séminaires et de réunions gouvernementales depuis plus de 30 années sur ce sujet où je suis intervenu à maintes reprises au niveau national et international (voir bderrahmanemebtoul OMC www.google.com 1995/2008). Récemment, le ministre du Commerce, en juin 2021, a déclaré, officiellement, la volonté de l’Algérie à adhérer à l’OMC et le 12 octobre 2021 le Conseil économique, social et environnemental a organisé une rencontre sur ce sujet qui n’apporte pas beaucoup d’éclaircissements aux différents problèmes connus. Ce dossier ayant un impact géostratégique, économique, social n’engage pas seulement le ministre du Commerce, mais tout le gouvernement et, d’une manière générale, toute la société, la décision devant être prise par le Haut Conseil de Sécurité présidé par le président de la République et avalisé en Conseil des ministres. Au sein de l’OMC, sont présents la majorité des pays de l’Opep en plus de la Russie et de la Chine fondateurs du communisme, représentant environ 98% du commerce mondial et 85% de la population mondiale. Les conditions de l’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce -OMC- s’appliquent également aux différents accords régionaux de libre-échange avec différentes zones, Monde arabe, Afrique, et l’Accord d’association avec l’Europe principal partenaire commercial de l’Algérie, environ 60% des flux d’échanges, signé le 1er septembre 2005. et, pour ce dernier cas, pour la révision de certaines clauses, pas l’Accord-cadre, toujours en négociation en plus du volet économique. Tous ces accords s’ils sont appliqués par l’Algérie modifieront forcément, le pouvoir économique et donc le pouvoir politique,

En conclusion, l’on devra éviter l’illusion monétaire en se braquant uniquement sur la préservation des réserves de change en oubliant la dynamique économique, où en XXIe siècle une diplomatie n’est forte que si l’économie est forte. Méditons l’expérience de l’Espagne qui après avoir épuisé ses stocks d’or, avec la découverte de Christophe Colomb, l’Espagne a périclité pendant plusieurs siècles où en 1962, l’Algérie était plus développée. Et c’est ce qui attend les pays producteurs d’hydrocarbures qui ne vivent que grâce à cette rente Aucun pays ne s’est développé grâce aux mythes des matières premières y compris l’or mais grâce au savoir et à la bonne gouvernance, ce qui explique le succès au XXIe siècle de la Chine.
Professeur des universités, expert
international Dr Abderrahmane Mebtoul