Alger prive Rabat de gaz et de «50 à 200 millions d’euros de droits de passage»

Le Gazoduc transitant par le Maroc fermé officiellement

En froid avec le Maroc depuis plusieurs mois, l’Algérie a confirmé, avant-hier, par voie de communiqué, la fermeture officielle du robinet de gaz naturel transitant par le Maroc pour alimenter l’Espagne. Cette décision est entrée en vigueur hier, 1er novembre, soit quelques jours après l’annonce de son intention de résilier le contrat GME (Gaz Maghreb Europe) avec le Maroc, après 25 ans de coopération. La fermeture de cet oléoduc a suscité l’inquiétude des autorités espagnoles qui craignent une crise énergétique, notamment, à l’approche de l’hiver. En réponse aux interrogations des Espagnols, la compagnie nationale des hydrocarbures (Sonatrach) a assuré, la semaine dernière, que l’Espagne sera approvisionnée exclusivement par l’utilisation de méthaniers le Gazoduc Medgaz dont les capacités d’exportations devraient être hissées à 10 à 10,5 milliards de m3 dès la fin du mois en cours.
Cette hausse de production devra couvrir les besoins du marché espagnol, sans transiter par le Maroc. L’année dernière plus de
6.000 millions de mètres cubes de gaz ont été acheminés vers l’Espagne via le Gazoduc GME qui tire un important profit de cette installation.
En mettant fin à ce contrat, l’Algérie prive le Maroc de ses droits de transit et de royalties. Rabat facture, d’après le média en ligne «Barlamane.com», entre 50 et 200 millions d’euros par an de «droits de passage». Un montant qui varie selon la quantité de gaz exporté vers la péninsule ibérique (Espagne et Portugal). Le gaz naturel algérien transitant par le Maroc permet, entre autres, d’alimenter deux centrales de production électrique, soit 10% du total produit dans le pays. Cette décision aura d’importantes répercussions sur la production électrique dans le pays qui se vante depuis 2016 d’avoir la plus grande centrale solaire, Noor à Ouarzazate. Ce complexe réparti «en quatre centrales avec une capacité installée de 580 mégawatts (MW), a été inauguré en 2016 et vise à exporter de l’électricité vers l’Europe et surtout couvrir le marché local et faire baisser la facture énergétique des Marocains.
Au mois de mars dernier, un scandale autour de la gestion de ce projet éclate mettant à mal l’agence Masen en charge de ce méga projet ainsi que l’Union européenne, alors que le royaume, espérer réduire ses importations énergétiques qui dépassent les 90 % et atteindre «42 % de production d’électricité d’origine renouvelable (solaire, hydroélectrique et éolien) en 2020, puis 52% en 2030», selon les médias étrangers.
Ces derniers ont dévoilé les raisons de ce scandale lié aux installations et au surcoût du projet, alors que les autorités marocaines souhaitent compenser les pertes causées par la résiliation du contrat GME par la production accrue du renouvelable.
Le pays qui n’a ni gaz ni pétrole nourrit des ambitions au-delà de ses moyens et risque de subir une grave crise énergétique. Un résultat direct de la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays voisins, décidée par Alger au mois d’août dernier. Deux mois plus tard, l’Algérie coupe complètement le cordon avec le Maroc en fermant le robinet du GN transitant par Rabat.
«Au regard des pratiques à caractère hostile du Royaume marocain à l’égard de l’Algérie, des pratiques qui portent atteinte à l’unité nationale et après consultation du Premier ministre, ministre des Finances, du ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, du ministre de l’Energie et des Mines, le président de la République a donné des instructions à la société nationale Sonatrach à l’effet de cesser toute relation commerciale avec la société marocaine et de ne pas renouveler ledit contrat», a indiqué un communiqué de la Présidence de la République, avant-hier, affirmant ainsi que «ce contrat d’exploitation, qui assurait le transport du gaz naturel algérien vers l’Espagne, via le Maroc, expire ce dimanche à minuit, et l’Algérie continuera à honorer ses engagements avec son partenaire espagnol, à travers le Gazoduc Medgaz et l’utilisation de méthaniers».
L’Algérie ne cesse de réitérer depuis des semaines son engagement de poursuivre l’approvisionnement en GN de l’Espagne, conformément aux contrats signés entre les deux parties.
«Nous avons convenu avec nos amis Espagnols de les approvisionner en gaz naturel exclusivement via le Gazoduc Medgaz», avait assuré le Président Abdelmadjdi Tebboune, affirmant qu’«il s’agit d’une décision mûrement réfléchie qui a permis à la partie algérienne de présenter des assurances à son partenaire espagnol». Les mêmes assurances présentées par le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab qui a annoncé, récemment, à l’issue d’une rencontre tenue avec la troisième vice-présidente du gouvernement espagnol et ministre de la Transition écologique et du Défi démographique, Teresa Ribera Rodriguez, la disposition de l’Algérie à négocier les conditions «de livraisons gazières supplémentaires». Quant au Maroc, il devra réfléchir à d’autres alternatives pour s’approvisionner en gaz. Des choix qui pourraient lui coûter chers.
Samira Takharboucht