L’œuvre d’art n’est pas le reflet, ni l’image du monde, mais elle est à l’image du monde

Nul artiste, soit- il des plus renommés, ne peut reproduire le monde à l’identique

Une œuvre d’art est le fruit du travail méticuleux d’un artiste qui cherche à reproduire par les souvenirs un espace familier, une vie d’un personnage atypique qui l’a personnellement intéressé, des fruits qu’il a aimés cueillis ou sur leur arbre. La reproduction à l’identique est difficile, il n’y a que la photographie qui peut la réussir à la perfection. Une œuvre d’art, quels que soient les qualités de l’artiste et les moyens dont il dispose, comporte toujours des imperfections. Mais l’artiste peut inventer des modèles, ou faire de la prémonition pour imaginer ce que personne d’autre ne peut imaginer parce qu’il est artiste et les autres ne le sont pas. Les auteurs d’œuvres prémonitoires, inventent un autre monde, par exemple le monde animal, végétal, et humain. Cependant, il faut revenir à notre sujet précis, à savoir que l’œuvre d’art ne peut jamais être une copie conforme à l’original. Une œuvre d’art peut être un livre écrit sur le monde essayant d’être le reflet de ce monde ou à son image, mais n’y parvenant pas, elle n’est qu’à l’image de ce monde. S’inspirant du monde, le travail de l’artiste va consister à le rendre comme il est, mais n’obtient que ce qui est à son image. Donc, seule la photographie est à l’mage du monde en tant que reproduction fidèle, mais être à l’image, c’est être comme le monde ou lui ressembler. Derrière chaque œuvre d’art, il faut voir l’artiste qui lui a consacré des jours ou des mois de travail qui donne une forme à l’objet, il le transforme pour le rapprocher de la réalité, corrige certaines imperfections et au fil du temps, l’auteur fignole son œuvre pour lui donner le titre de produit artistique, unique en son genre et inimitable.

L’œuvre artistique n’est pas le reflet, ni l’image du monde
Imaginons comme œuvre d’art un tableau de peinture d’un artiste renommé et représentant un espace bien connu : des bords de rivière évoquant de vifs souvenirs chez la plupart des garçons d’une petite agglomération urbaine bien célèbre, mais qu’on n’aimerait pas nommer ici. A chaque génération, tous les jeunes de cette localité se rendaient en été, dès que la chaleur devenait insupportable, au bord de cette rivière pour se jeter, non pas dans la rivière, mais dans un immense bassin d’eau aménagé en piscine, pour s’y baigner, et à l’époque, comme la montagne loin en amont était souvent enneigée, la rivière toujours en crue parcourait des kilomètres à ciel ouvert, son eau arrivait à température convenable au niveau des baigneurs se je tait dans la piscine et continuait son chemin. C’est cette rivière à côté de laquelle se trouvait l’endroit où l’on se baignait qu’un artiste peintre a essayé de représenter sous forme d’œuvre picturale, une vraie toile avec des couleurs bien nettes. On voit bien que l’artiste et c’en est un véritablement qui a réalisé un chef d’œuvre après avoir observé chaque élément du paysage, sans oublier les baigneurs. Mais le tableau est d’une netteté telle qu’on se croirait dans la réalité. Rien n’a été retranché et rien n’a été ajouté, on croit que le tableau est l’image exacte du monde que le peintre a voulu reproduire tel qu’il existe et connu par les hommes, les femmes et les enfants qui y vivent en permanence. Cependant son image n’est pas l’image de la réalité. Aussi précis qu’il pouvait l’être, le peintre ne pouvait pas obtenir l’exacte image de l’espace choisi. Les couleurs de la nature sont très nuancées dans la nature, dans le vert qui est la couleur dominante, il y a prés de 90 variétés. Le vert du chêne, de l’olivier, du pêcher, de la mélisse, du coquelicot, de l’ortie, sont différents, à les voir de loin c’est du vert, mais pour chaque espèce végétale, il y a un vert particulier ; il y a autant d’espèces végétales que de variétés de vert pour celui qui les observe attentivement. Pour chaque couleur des végétaux, des fruits, des feuilles, des fleurs, de l’arbousier, des herbes, il y a des couleurs particulières. On ne peut pas imaginer le nombre de couleurs que comporte une nature exubérante. La palette du peintre ne peut pas obtenir l’ensemble des couleurs d’une nature aussi variée comme celle des abords de la rivière et avec exactitude, c’est pratiquement impossible. Ce qui explique que le tableau du peintre ne peut réaliser un tableau, même d’un maître en peinture, et qui soit semblable à la nature du monde qui nous entoure.

L’œuvre d’art ne peut être qu’à l’image du monde
En effet le vrai artiste ne fait pas de copie exacte du monde, mais reproduit le monde à sa façon, il produit un monde qui soit à l’image du monde dans lequel nous vivons et dont il rêve. En tant qu’artiste, il fait souvent des rêves prémonitoires qui le conduisent loin de la réalité, mais il en est conscient, d’ailleurs, il lui arrive de réaliser des œuvres prémonitoires dans lequel les gens du monde réel n’arrivent pas à se reconnaitre car tout leur est étranger. Mais l’artiste est avant tout quelqu’un de créatif et ceci dans la peinture et surtout dans l’écriture. Les écrivains inventent beaucoup pour plaire aux lecteurs. Même dans le roman historique, il y a des parties qui sont de purs produits de l’imagination. Lorsque le naturaliste, Gustave Flaubert a voulu reconstituer au 19ème siècle l’empire Romain en lui consacrant le roman historique « Salammbô », il a d’abord parcouru tous les vestiges historiques où qu’ils se trouvaient, depuis la Tunisie, particulièrement Carthage qui a vu se succéder plusieurs civilisations sur son sol, à commencer par la civilisation phénicienne, jusqu’à la Palestine où les Romains ont construit des cités urbaines et toutes sortes d’édifices. Avant de venir à Carthage, Gustave Flaubert a dû aller d’abord en Palestine, puis il est venu en Algérie par mer pour débarquer à Skikda, et à partir de là, il a poursuivi son voyage par voie terrestre pour s’arrêter à tous les vestiges, Tigzrirt sur Mer, Alger, Tipasa, Timgad, Souk Ahras, Tébessa, Cherchell, conformément aux règles du naturalisme qui exige de connaitre parfaitement les lieux avant de commencer à rédiger le roman. Le roman en lui-même doit être en grande partie fictif pour qu’il prenne la forme de roman historique à peu près acceptable. Gustave Flaubert a inventé en usant en grande partie de son imagination, surtout pour les décors. Il a fait preuve d’imagination fertile pour inventer le champ de bataille entre l’armée Carthaginoise et l’armée romaine constituée de légionnaires. IL y a eu au total trois guerres puniques entre Carthaginois et romains au terme desquelles les Romains ont pu pénétrer en Afrique du nord. Pour les champs de bataille Flaubert a fait un travail fictif admirable, un champ de bataille donnant à voir des morts et des blessés agonisant, beaucoup portaient des armures, les morts des deux armées se mélangeaient. C’était le soir, au crépuscule, moment qui suit la bataille et qui précède le coucher du soleil. Sous quelques réverbérations, on voyait à peine les corps allongés éclairés par les derniers rayons du soleil ; description romanesque admirable d’un écrivain ayant fait un travail d’artiste qui aurait pu être un tableau de peinture. Puis, c’est la pénombre, et on avait de la peine à distinguer les fauves qui venait manger quelque partie charnue des corps de ces soldats allongés et sans vie, puis au loin on percevait les museaux pointus des chacals qui attendaient patiemment le départ des fauves pour venir prendre part, dans ce tableau macabre, au festin. Ceci est une vraie toile d’un grand maître du langage romanesque qui fait la démonstration qu’avec des mots, on peut peindre tout ce que l’on désire. Ce tableau d’art est à l’mage du monde. Il semble correspondre au réel, mais ce n’est qu’une illusion, c’est pourquoi on dit qu’il est à l’image du monde.

Ecrivains et peintre sont libres d’inventer un monde semblable au monde réel
Avec les œuvres littéraires, on comprend mieux comment l’artiste peut inventer. Cet exemple concret va peut – être aider à comprendre ce que l’homme du 21ème siècle est capable d’inventer. Une personne hors du commun va par train d’une grande capitale à une autre grande capitale distante d’environ 200km. Il est tout seul dans le train, ce qui lui permet de penser beaucoup, d’ailleurs on voit se dérouler dans esprit divers évènements vécus et qu’il essaie de se les rappeler pour les revivre pleinement durant le trajet, il arrive dans l’autre capitale où il se rend chez une personne avec qui il avait affaire, sitôt qu’il avait fini de parler avec cette personne, il revient dans un autre train dans sa capitale qui est son de vie avec sa femme et durant le voyage, on sentait qu’il pensait beaucoup à son vécu, essayant de se délecter des meilleurs moments. Ceci est un film tiré d’un roman écrit par un romancier célèbre et qui montre à quoi se résume le monde tel qu’il est perçu par un individu.
Boumediene ABED