Des actions réalistes avec un discours de vérité

Le carnaval de l’importation et usines de montage de voitures en Algérie

Combien, après les scandales que nous connaissons, de ministres, de commissions, de cahiers des charges et de déclarations contradictoires au plus haut niveau de l’Etat, sans aucun résultat sur l’importation de voitures (neuf et occasion) et d’éventuels usines de montage de voitures s’assimilant pour bon nombre d’observateurs nationaux et étrangers à un véritable carnaval.Lors des premiers avis d’appel d‘offres du montage des voitures, j’avais mis en garde le gouvernement sur une aventure qui allait droit à l’échec, mais avons nous été entendu (voir Mebtoul, montage de voitures, quelle rentabilité www.google.com 2009/2010).
1.- Que l’on tienne une fois pour toute un langage de vérité à la population algérienne sur ce dossier sensible qui l’intéresse à plus d’un titre du fait de la faiblesse des moyens de transport ,du vieillissement du parc voitures à plus de 60% assistant à des discours contradictoires de 2018 à 2021, une véritable cacophonie, discours qui accroît la méfiance et donc renforce le divorce Etat citoyens. Qu’on dise à la population qu’avec la crise, l’Etat n’a plus les moyens plus d’importer comme par le passé et que l’objectif a été dès le départ d’économiser les réserves de change, le besoin annuel étant selon les experts évalués à environ 150 000/200 000 unités/an ce qui a permis une économie de devises d’ environ 5 milliards de dollars entre 2020/2021. Mais comme conséquence de cette vision purement monétaire, le prix des voitures d’occasion, selon les catégories a augmenté entre 50/100% sans compter la pénurie des pièces détachées, (une des raisons des innombrables accidents), coût supportés par le trésor public pour nos bureaucrates ayant des voitures de services. Que dans cette conjoncture de restructuration importante de cette filière avec une concurrence vivace et des ententes entre grands groupes pour contrôler des espaces régionaux, il est difficile de trouver de véritables partenaires capables de produire selon les normes internationales, pour atteindre le seuil de rentabilité, entre 200 000 et 300 000 unités par an, allant avec les actuels restructurations à plus de 400 000 unités /an pour les voitures individuelles et plus de 150 000 par an pour les camions/bus et que pour exporter il faut s’adapter au x nouvelles mutations technologiques mondiales devant favoriser les voitures hybrides ou solaire, sinon c’était à terme la faillite. Il faut donc changer de discours pour ne pas reproduire qui ont conduit le pays à l’impasse que nous connaissons actuellement, comme ces annonces, pour bientôt une voiture algérienne à 100% qui ne va pas sans rappeler les déclarations fracassantes à la télévision publique ENTV le 27 août 2009 de l’ancien ministre de l’Industrie suivi par d’autres responsables du gouvernement qui avaient annoncé qu’ entre 2009/2014, nous aurons une voiture à 100% algérienne avec des discours changeants, une fois des contrats avec l’Italie Fiat, puis avec l’Iran, puis avec la Chine, puis avec l’Allemagne, puis avec la France, puis avec la Corée du Sud et même avec FORD pour les USA. Aucun, pays dans le monde n’a dix à vingt constructeurs c’est une aberration unique dans l’histoire, les USA ou les pays européens et asiatiques entre trois et cinq constructeurs.
La situation du marché mondial de voitures est évolutive, ce marché étant un marché oligopolistique, fonction du pouvoir d’achat, des infrastructures et de la possibilité de substitution d’autres modes de transport notamment le collectif spécifique à chaque pays selon sa politique de transport, ayant connu depuis la crise d’octobre 2008 d’importants bouleversements, les fusions succédant aux rachats et aux prises de participation diverses. Nous observons deux tendances opposées qui sont en train de se produire en même temps : la localisation de la production sur certaines zones géographiques et sur certains pays et la délocalisation ; et pour ce qui est de la localisation de la production automobile mondiale, elle se concentre régionalement sur trois zones : l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie. De plus, sur chacune d’entre elles, la fabrication est localisée sur certains pays. Ainsi, en Europe, les principaux fabricants sont l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie, appartenant tous à l’Union européenne. En Amérique du Nord, la production se concentre majoritairement sur les Etats-Unis, et en Asie. Elle se trouve au Japon et en Corée du Sud. Pour les exportations mondiales d’automobiles, la concentration est encore plus élevée, puisqu’elle est limitée principalement à deux zones : l’Europe et l’Asie. Et que dans un futur proche avec la perte de compétitivité de certains pays au profit de certains pays émergents (Russie, Inde, Chine, Brésil), nous devrions assister à la réorganisation de la production mondiale de véhicules en rapport avec les niveaux de formation des effectifs des usines et avec la recherche que réalisent les entreprises automobiles et de toute évidence, les usines qui se maintiendront sur chaque pays seront les plus compétitives, les priorités des dirigeants étant donc : technologie, innovation (robotisation) approche collaborative, meilleures stratégies de succès et environnement.
2.- Il y aurait près de 1,4 milliard de véhicules à moteur, et à quatre roues ou plus, en circulation dans le monde, le parc parc roulant national étant évalué à 6.577.188 véhicules en 2019. Tenant compte du constat que la majorité de la société algérienne est irriguée par la rente des hydrocarbures dont l’évolution des cours détermine fondamentalement le pouvoir d’achat des Algériens. L’on devra répondre à sept questions reposant sur des études de marché sérieuses, afin d’éviter le gaspillage des ressources financières.
Premièrement, qu’en sera-t-il avec l’épuisement inéluctable des hydrocarbures en termes de rentabilité économique et non de découvertes physiques sur le pouvoir d’achat des Algériens ? Dans ce cas, avec le processus inflationniste de longue durée qui selon le gouverneur de la banque d’Algérie a dépassé en octobre 2021 plus de 9%, encore que l’indice de l’ONS n’a pas été réactualisé depuis 2011, le besoin étant historiquement daté, par rapport au pouvoir d’achat réel, (alimentaires, habillement notamment plus les frais de loyer et téléphone) et avec le nivellement par le bas des couches moyennes, principaux clients que restera-il pour acheter une voiture ?
Deuxièmement, comment ne pas renouveler les erreurs du passé les risques de surfacturation (corruption) et le risque d’aller vers l’épuisement des réserves de change, d’autant plus qu’il y aura forcément l’importation des collections CKD destinées à l’industrie de montage des véhicules de tourisme qui avait a atteint près de 3 milliards de dollars en 2018, sans compter les importations des parties et accessoires (pièces détachées) et les importations des pneumatiques. Il faut dresser pour tout projet y compris pour la santé et autres, la balance devises, aux économies d’’importations devant soustraire les matières premières et les services importés en devises.
Troisièmement, le marché local a-t-il les capacités d’absorption et ces opérateurs, seront- ils capable d’exporter pour couvrir la partie sortie de devises et donc quelle sera la balance devises des unités projetées ? D’autant plus que la majorité des inputs (coûtant plus cher avec le dérapage du dinar officiel tant par rapport à l’euro que du dollar entre 2000/2021, plus de 100% selon l’indice d l’ONS) avec une accélération entre 2022/2024 selon le projet de la loi de finances 2022, seront presque importés devant inclure le coût de transport, également la formation adaptée aux nouvelles technologies et les coûts salariaux. Sans compter le manque à gagner de l’Etat de toutes les exonérations fiscales et bancaires qui par le passé n’ont pas permis la baisse des prix.
Quatrièmement, la comptabilité analytique distingue les coûts fixes des coûts variables quel est donc le seuil de rentabilité pour avoir un coût compétitif par rapport aux normes internationales et aux nouvelles mutations de cette filière ? La carcasse représentant moins de 20/30% du coût total c’est comme un ordinateur, le coût ce n’est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80%, ces mini projets seront-ils concurrentiels dans le cadre de la logique des valeurs internationales. On construit actuellement une usine de voitures non pour un marché local, l’objectif du management stratégique de toute entreprise est régional et mondial afin de garantir la rentabilité financière cette filière étant internationalisée avec des sous segments s’imbriquent au niveau mondial où le taux d’intégration local varie entre 30/50% ? Dès lors comment pénétrer le marché mondial à terme avec la règle des 49/51% qu’il s’agit impérativement d’assouplir ayant servi de rente à certaines oligarchies sous le couvert trompeur du «nationalisme», aucune firme étrangère de renom ne pouvant accepter cette règle rigide dans le cadre des exportations mondiales et donc avec le risque que l’Algérie supporte tous les surcoûts.
Cinquièmement, quelle est la situation de la sous-traitance en Algérie pour réaliser un taux d’intégration acceptable qui puisse réduire les coûts où la part du secteur industriel représente moins de 6% du PIB en 2020 dont plus de 95% des micro unités familiales ou Sarl peu innovantes et comment dès lors ces micro-unités souvent orientés vers le marché intérieur, réaliseront le taux d’intégration prévue de 40/50% au bout d’environ trois à cinq années ? Selon une vision cohérente de la politique industrielle, ne faut-il pas par commencer de sélectionner deux ou trois constructeurs avec un partenariat étranger gagnant/gagnant maîtrisant les circuits internationaux avec un cahier de charges précis leur donnant des avantages fiscaux et financiers en fonctions de leur capacité, devant leur fixer un seuil de production afin d’éviter que durant cette période certains opérateurs soient tentés dans une logique de rente, d’ accroître là, la facture d’importation en devises des composants.
Sixièmement, une politique industrielle sans la maîtrise du savoir est vouée inéluctablement à l’échec avec un gaspillage des ressources financières. Aussi l’industrie automobile étant devenue capitalistique, (les tours à programmation numérique éliminant les emplois intermédiaires) quel est le nombre d’emplois directs et indirects créés et quel sera le coût et la stratégie des réseaux de distribution pour s’adapter à ces mutations ? Septièmement, selon une étude de Transport et Environnement (T&E) publiée en 2020 le marché du véhicule électrique en Europe devrait progresser jusqu’à atteindre la moitié de la production automobile totale à l’horizon 2030. Aussi ces voitures fonctionnent-elles à l’essence, au diesel, au GPLC, au Bupro, hybride ou au solaire, renvoyant d’ailleurs à la politique des subventions généralisées dans les carburants qui faussent l’allocation optimale des ressources ? A court terme, l’on s’oriente vers l’optimalisation du fonctionnement des moteurs à essence et diesel, avec une réduction de 20/30% de la consommation et que pendant encore dix ans, les moteurs classiques devraient rester majoritaires. Afin de parer à cette contrainte, les nanotechnologies (la recherche dans l’infiniment petit) peuvent révolutionner le stockage de l’énergie, l’avenir appartenant au moteur alimenté par de l’hydrogène gazeux.
En conclusion, il semble bien que certains responsables algériens oublient que le monde a subi un profond changement avec des incidences politiques, économiques sociales, culturels avec les nouvelles technologies modelant de nouveaux comportements et géostratégiques, devant éviter de perpétuer un modèle des années 1970/1990, largement déconnectées des réalités internes et mondiales. Je ne rappellerai jamais assez que le moteur de tout processus de développement réside en la recherche développement, que le capital argent n’est qu’un moyen et que sans bonne gouvernance centrale et locale, l’intégration de l’économie de la connaissance, aucune politique économique n’a d’avenir. C’est l’entreprise sans aucune distinction, entreprise publique, privée nationale et internationale dans le cadre des valeurs internationales, épaulée par le savoir permettant l’innovation permanente, qui crée la richesse. L’année 2022 sera déterminante pour l’avenir de l’Algérie : ou une véritable relance économique, loin des discours démagogiques d’autosatisfaction, auxquels plus personne ne croit, avec une nouvelle gouvernance ou la régression sociale avec des incidences négatives à la fois sociales, sécuritaires et diplomatiques, ce qu’aucun patriote ne souhaite. Bonne année Algérie 2022.

Professeur des universités.
Expert international,
Dr Abderrahmane Mebtoul