Quelle stratégie pour promouvoir le dialogue sécuritaire en Europe, en Méditerranée et en Afrique ?

Face aux enjeux géostratégiques 2022/2030 et les tensions en Ukraine :

Les tensions actuelles en Ukraine et dans d’autres contrées du monde, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, auront un impact important sur les futures relations internationales, notamment sur le dialogue sécuritaire face aux enjeux géostratégiques en Afrique du Nord et en Méditerranée.

Qu’il s’agisse en effet de crises régionales, de scissions des Etats, de prolifération d’armes de destruction massives ou de conflits internes (ethniques, religieux, culturels ou autres), l’Otan est perçu par les Européens comme une organisation incapable de réagir à ces nouveaux types de menaces.

1.-Le renforcement du dialogue méditerranéen en matière de défense et de sécurité
C’est pourquoi revient à la surface le vieux rêve d’Europe de la défense que caressent un certain nombre de pays du vieux continent. Aussi les Européens se mettent à la recherche d’une alternative à l’Otan et à l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) laquelle, pour d’autres raisons, ne pouvait prétendre combler le vide de sécurité en question. Or, l’UEO est non seulement absente du théâtre européen mais aussi, elle connaît un phénomène « d’ otanisation » qui rend difficile son autonomie et son usage donc en tant qu’instrument au service d’une politique européenne de sécurité et de défense autonome. C’est dans ce cadre, que des tentatives sont faites pour redynamiser le dialogue euro- méditerranéen avec deux initiatives : d’une part, la politique européenne de voisinage ; d’autre part, le partenariat stratégique entre l’Union européenne d’un côté et la Méditerranée et le Moyen-Orient de l’autre».
D’ailleurs, la stratégie de l’Union pour la Méditerranée, avait le même objectif stratégique bien que se différenciant sur les tactiques, de relance du partenariat méditerranéen, sous tendant une prospérité partagée Europe-Afrique via la méditerranée pour freiner l’émigration massive notamment de l’Afrique sub saharienne avec comme tampon pilier le Maghreb. D’une manière générale, sur le plan militaire et géostratégique c’est à travers les activités du groupe dit des « 5+5 » que peut être appréciée aujourd’hui la réalité d’une telle évolution. C’est que la lecture que font les Européens des menaces et défis auxquels le monde et notre région sont confrontés repose essentiellement sur la nécessité de développer ensemble une stratégie de riposte collective et efficace concernant notamment le terrorisme international, le trafic des êtres humains et la criminalité organisée à travers la drogue et le blanchissement d’argent.
Par ailleurs, selon la commission de Bruxelles et le parlement européen entre l’Europe et la zone méditerranée, il s’agit de faire bloc, de rapprocher les Européens et leurs voisins immédiats où en matière de défense et de sécurité, des consultations relatives à la mise en place d’un dialogue entre le Maghreb et l’Union européenne ont eu lieu sous forme de consultation informelles et de réunions formelles. Mais il serait souhaitable des clarifications portant sur deux questions jugées fondamentales.
D’une part, la valeur ajoutée de cette offre de dialogue par rapport au dialogue méditerranéen de l’Otan , d’autre part, la coopération en matière de lutte contre le terrorisme entre le Maghreb et l’UE dans le cadre de la PESD.

2.- L’Algérie facteur de stabilité de la région méditerranéenne et africaine
Depuis des siècles, l’Algérie et, plus globalement le Maghreb, est lié avec l’Europe beaucoup plus étroitement qu’avec ses voisins du Sud.
Les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent l’Europe qui doit être attentive aux stratégies des pays du Maghreb en direction de leur Sud et sur les relations de toutes natures entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. Et notamment la pénétration de l’islamisme radical à ne pas confondre avec l’Islam religion de tolérance à l’instar du judaïsme ou du christianisme avec des menaces réelles tant au Maghreb, qu’en Europe. Et sans oublier qu’existent des influences religieuses autour de la conception de l’Islam qui influence largement les dirigeants politiques au niveau du Sahel. Nous avons assisté dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen, avec des conséquences pour la région.
De plus en plus nombreux, des migrants subsahariens s’installent désormais dans les pays du Maghreb avec l’intensification de la contrebande. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi le Sahel est l’un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu, des centaines de milliers, dont 15.000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel. Dès lors, la sécurité de l’Algérie est posée à ses frontières. La frontière Algérie – Mali est de 1376 km, la frontière entre l’Algérie et la Libye de 982 km, la frontière Algérie – Niger de 956 km, la frontière Algérie – Tunisie est de 965 km soit au total 4.279km à surveiller.
Le problème est plus grave pour les frontières conjointes avec le Mali et la Libye. Il ne faut pas oublier que les djihadistes étaient venus depuis cette région lors de l’attaque terroriste de Tiguentourine.
Pour l’Algérie, Mme Amanda Dory, l’ex secrétaire-adjointe chargée des Affaires africaines auprès du département américain de la Défense, intervenant devant la sous-commission des affaires de l’Afrique du nord et Moyen-Orient relevant de la commission des Affaires étrangères du Sénat, qui a consacré une audition sur la situation politique, économique et sécuritaire en Afrique je la cite : « De par sa situation géographique stratégique au Maghreb et sa longue histoire de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent sur son territoire, l’Algérie constitue un pilier pour, non seulement, lutter contre AQMI et ses groupes affiliés mais aussi pour ramener la stabilité dans la région, l’Algérie est «un partenaire de sécurité crucial’’ pour les Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre les groupes terroristes dans la région». Il s’agit dorénavant de mettre l’accent sur l’obligation de mettre en application une stratégie interrégionale qui associe l’ensemble des pays de la zone en plus des partenaires européens et internationaux, du fait que la région est devenue un espace ouvert pour divers mouvements terroristes et autres groupes qui prospèrent via le trafic d’armes ou la drogue, menaçant la sécurité régionale surtout récemment avec la venue de djihadistes d’Irak et de Syrie. D’où l’urgence d’une coopération internationale dans la lutte contre la criminalité transnationale, nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme. Il s’agit donc de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions, pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l’application des lois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé.
La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l’hétérogénéité des systèmes juridiques, notamment en Afrique du Nord et en Afrique Noire. De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d’agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes.

Professeur des universités, expert international Abderrahmane Mebtoul
(A suivre…)