Décès de Chafia Boudrâa

Adieu «Lla Âïni»

Véritable icône du cinéma algérien, Chafia Boudrâa s’est éteinte dimanche à Alger à l’âge de 92 ans.La doyenne des artistes dont le nom est gravé en lettres d’or sur les tablettes du cinéma et du théâtre algériens, a connu une carrière riche et lumineuse, devenant l’une des plus grandes ambassadrices de la culture algérienne. Dans un message de condoléances, le président Abdelmadjid Tebboune a notamment écrit : « nous faisons nos adieux à une figure de proue de l’art algérien qui a marqué de son empreinte, aux côtés de plusieurs artistes de le première heure de l’Algérie indépendante, l’histoire du théâtre, de le télévision et du cinéma algériens. Elle fut, longtemps, un modèle et une école pour les générations d’artistes, ce qui lui valut le respect de son public qui lui est resté fidèle de longues années durant. «Lala Aini» était une artiste de la trempe des grands artistes internationaux. Nous ne pouvons que nous résigner devant la volonté d’Allah le Tout Puissant. Je ne puis que présenter mes condoléances les plus attristées à la famille de la culture, aux artistes en général et aux proches de la défunte en particulier, priant Allah d’entourer la défunte de Sa Sainte miséricorde, de l’Accueillir en Son vaste paradis et de Prêter aux siens patience et réconfort. A Dieu nous appartenons…à Lui nous retournons », a conclu le chef de l’Etat.

Une longue et brillante carrière
Née le 22 avril 1930 à Constantine, Atika Latrèche a, durant la guerre de libération nationale, joué les premiers rôles sur le front, en combattant le colonialisme français. Mariée au commandant Salah Boudraâ, elle devient veuve après la mort en martyr de son époux en 1960.
En 1964, Atika Latrèche veuve Boudraâ quitte sa ville natale pour s’installer à Alger. Elle exerce différents métiers pour subvenir aux besoins de sa famille, travaillant tour à tour comme aide-soignante, standardiste et gouvernante, avant de rejoindre la RTA. Après s’être faite remarquer à travers ses brillantes interprétations de rôles radiophoniques, elle intègre le Théâtre national algérien, alors, sous la direction de Mustapha Kateb et Mohamed Boudia. Libéré su carcan et de la censure imposée par le colonisateur, le 4e art algérien vit à l’époque, ses années d’or, porté par des comédiens très talentueux, bien que formés sur le tas et des metteurs en scène doués, à l’image de Hadj Omar, Allal El Mouhib, …etc
Celle qui se fera connaître sous le nom de scène Chafia Boudraâ multiplie les rôles au théâtre, aux côtés de comédiens racés, à l’image de Rouiched, Hassan Hassani, Larbi Zekkal, Keltoum, notamment dans «La mégère apprivoisée». A cette époque, le théâtre algérien vivait ses années d’or avec des metteurs en scène talentueux, tels que Hadj Omar, Allel El Mouhib, …etc
Bien qu’elle ait confirmé son talent su scène, c’est à la télévision que le grand public découvrira la grande artiste qui se cache derrière cette femme au corps frêle.
Lla Âïni, le personnage-phare du feuilleton télévisé «El Hariq» (L’incendie) de Mustapha Badie, adapté du roman de Mohammed Dib, séduit immédiatement le téléspectateur. Un rôle qui lui collera à la peau tout au long de sa longue carrière de 40 ans. Lla Âïni, deviendra, d’ailleurs, son deuxième pseudonyme.Dès lors, les cinéastes s’arrachent Chafia Boudraâ qui multiplie avec bonheur les projets cinématographiques, exprimant pleinement son immense talent sur petit et grand écran.
On la verra notamment dans « L’évasion de Hassan Terro » de Mustapha Badie (1974), « Leila et les autres » de Sid Ali Mazif (1976), « El Hariq » de Mustapha Badie (1976), « Une femme pour mon fils » de Ali Ghanem (1982), « Le thé à la menthe » de Abdelkrim Bahloul (1984), « Leila née en France » de Miguel Courtois (1993), « Le cri des hommes » de Okacha Touita (1999), « Beur, blanc, rouge » de Mahmoud Zemmouri (2006), « Hors la loi » de Rachid Bouchareb (2010) qui lui vaut une participation au Festival de Cannes, « Just like a woman » de Rachid Bouchareb (2012), …etc. Au cours de sa carrière, plusieurs hommages lui seront rendus à Alger, Oran, Tizi-Ouzou et même à l’étranger.
Chafia Boudraâ a été inhumée dimanche 22 mai, au cimetière d’El Alia, en présence de ses proches et de la grande famille artistique.
Hassina A.