5.000 gardiens de parkings illicites arrêtés en cinq ans

Le phénomène a pris de l’ampleur dans les quartiers

Le détournement des voies publiques pour créer des parkings sauvages est classé comme une activité interdite qui expose les exploitants à des peines d’emprisonnement allant jusqu’à deux années de prison ferme et une amende pouvant atteindre jusqu’à 200.000 DA. Mais, malgré cette interdiction contre l’exploitation, le phénomène des parkings sauvages persiste toujours à Alger.

En cinq ans, voire entre la période allant de l’année 2016 à 2021, les services de sécurité ont arrêté plus de 5.000 parkingueurs illicites et démantelés prés de 5.000 parkings sauvages, et ce, à travers de nombreuses opérations ciblant les lieux de stationnements sauvages. Une véritable chasse à l’homme visant les gardiens des parkings illicites, à laquelle les services de sécurité poursuivent leurs efforts pour éradiquer ce phénomène qui a causé de nombreuses victimes. Les parkings en noirs de la capitale font l’objet d’une lutte acharnée menée par les services de la Sûreté de wilaya d’Alger (SWA). Rien qu’en 2016, les éléments de la Sûreté d’Alger avaient démantelé près de 1.000 parkings noirs et arrêtés plus de 1.100 parkingueurs illicites, dans le cadre d’un vaste plan de nettoyage des stationnements sauvages.
Sur le terrain, la traque des policiers contre les parkingueurs illicites est placée comme permanente vue le grand nombre des parkings sauvages qui poussent comme des champignons à Alger et ses environs.
Que ce soit dans les quartiers, espaces publics, ou encore dans les coins les plus reculés de la capitale, la chasse contre les parkings en noir bat son plein. Selon les policiers, le phénomène des parkings sauvages remonte à la fin des années 90. Durant cette période leurs nombres étaient en milliers. Ce phénomène des parkings sauvages existe toujours en 2022 et il risque de devenir plus considérable pour diverses causes. En un mois seulement, une moyenne de 270 parkings sauvages est démantelée par les services de sécurité, Gendarmerie et Sûreté nationale.

Les parkings sauvages de retour dans les plages
Depuis le lancement de la saison estivale de l’année 2022, de nombreux cas de violence ont été commis par des gardiens de parkings illicites contre des estivants paisibles. C’est le cas au marché d’El Djorf, ou encore à El Hamiz, et même sur les plages d’El Marsa, Tamentfoust et Aïn Taya, où de nombreuses victimes ont été agressées par des parkingueurs faisant la loi. Des dépassements auxquels de nombreux estivants ont été victime, que ce soit au niveau des lieux de stationnement ou encore au niveau des plages, notamment concernant la location des chaises et tables. Souvent lorsqu’ils refusent de payer le prix exagéré pour pouvoir stationner leurs véhicules, de nombreux citoyens ont été violemment agressés par certains parkingueurs. Certains des parkingueurs sont armés, c’est le cas de certains récidivistes, ces derniers n’hésitent pas d’utiliser leurs armes blanches pour faire peur aux automobilistes. Plusieurs cas ont été signalés durant l’année en cours tout comme l’année passée. La violence dans les plages est de retour. C’est l’exemple à Ouled Fayet lorsqu’un jeune automobiliste a été poignardé par trois jeunes qui détenaient un parking noir sans autorisation de l’APC. Le motif de cette agression n’est autre que le refus de l’automobiliste à payer ses antagonistes d’une somme de 100 DA exigée par lesdits parkingueurs. Des cas similaires surviennent souvent dans les plages ou encore dans les milieux urbains, où des jeunes parkingueurs utilisent, parfois, des épées, de grands bâtons et des barres de fer pour faire peur aux automobilistes qui refusent de payer le droit au stationnement.

Des crimes à cause des stationnements
En 2018, un jeune estivant âgé de 36 ans résidant dans la wilaya d’El Oued, au Sud du pays, s’est rendu dans la petite et paisible ville d’Aokas sise à Béjaïa pour passer, en famille, quelques jours de vacances au bord de la mer. En stationnant sa voiture près de la plage, des individus autoproclamés gardiens de parking lui exigent, en toute illégalité, le payement de 200 DA comme droits de stationnement.
Refusant de se soumettre à cette bande de mafia, la victime subit une agression sauvage. Lynché jusqu’au bout et sans aucune pitié, la victime est restée pendant six jours dans un hôpital de la ville de Béjaïa avant de rendre l’âme. Il a succombé à ses blessures, laissant derrière lui toute une famille. Condamnant le crime crapuleux, la société civile avait jeté la responsabilité sur les parkingueurs illicites. La population locale d’Aokas avait fermement condamné les agissements «illégaux» et «irresponsables» des gardiens des parkings qui imposent leur loi aux estivants.

«Il est grand temps d’agir contre les parkings sauvages», avait lancé un septuagénaire résidant dans la commune côtière d’Aokas. Le meurtre commis contre le jeune citoyen d’El Oued par des parkingueurs illicites nous rappelle d’autres meurtres commis dans des circonstances semblables à celui d’Aokas. Preuve en est, les altercations entre automobilistes et parkingueurs sont monnaie courante et parfois tournent même au drame comme ce fut le cas en 2018, pour ne citer que ces deux exemples, à Béjaïa lorsqu’un touriste avait été froidement assassiné pour une affaire de stationnement et à Tizi Ouzou en 2016 lorsqu’un gardien de parking avait été tué. En face, les efforts consentis par la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) pour éradiquer le phénomène des parkings sauvages avait mobilisé plusieurs centaines de policiers.
La colère des habitants
A Alger-Centre, là où pour trouver un endroit pour stationner son véhicule relève d’un miracle, de jeunes gardiens illicites de parkings détournent des rues, ruelles et même parfois des lieux les plus isolés de la capitale pour les rendre leurs propres espaces. En colère, des habitants de plusieurs quartiers de la capitale se sont révoltés contre ce phénomène qui, non seulement, a crée un sentiment d’insécurité dans les quartiers, mais en plus ils sont soumis aux diktats des parkingueurs qui revendiquent de l’argent en contrepartie de la garde des voitures. «Ahhh, les parkingueurs !!!», souffle enthousiasmé Ami Abdelkader, un septuagénaire résidant au site AADL 3 d’Ouled Fayet.
Père de famille, Ami Abdelkader s’est dit fatigué à chaque fois à payer de l’argent pour avoir une place dans un parking illicite. Selon lui, il débourse presque 5.000 DA chaque mois rien que pour le stationnement à Alger. «C’est tout un embarras, c’est fatigant d’avoir à payer à chaque fois qu’on gare quelque part à Alger, mais je dirai que c’est mieux pour ces petits jeunes, ils s’occupent, ils gagnent un peu d’argent et ça les détourne des envies de vol», ajoutera-t-il. En revanche, les jeunes parkingueurs disent qu’ils n’ont rien trouvé de mieux que de devenir un gardien de parking, et ce pour gagner leur vie. «Où passe l’argent du pétrole ?» se demande Sofiane, âgé d’une trentaine d’années, «parkingueur» clandestin dans une rue d’Alger-Centre, précisément près de la Place Emir Abdelkader, située en pleine rue Larbi Ben M’hidi. Il répondra, sur un air désabusé et même colérique : «Moi je suis chômeur et j’habite dans un deux pièces avec toute ma famille. C’est vrai que j’ai obtenu une allocation chômage de 13.000 DA pour chaque mois, mais cette bourse ne suffit pas pour faire face aux besoins de la famille, voire de la vie, donc je n’ai pas trouvé mieux que de garder les véhicules dans un parking en noir», dira-t-il.
À la rue Larbi Ben M’hidi ou ailleurs à Alger-Centre, trouver un endroit où stationner est synonyme d’un vrai miracle pour l’automobiliste.
Cependant, il faut signaler que de jeunes «parkingueurs» viennent à la rescousse de l’automobiliste, le guidant et le dirigeant contre monnaies sonnantes et trébuchantes.
Sofiane Abi