Une longue et riche histoire dans l’édification de l’Etat-Nation : des Numides à 1962

Célébration de l’indépendance

Sous Louis Philippe 1er de 1830 à 1848, l’Emir Abd El Kader figure charismatique, fondateur de l’Etat algérien selon certains historiens, résista pendant de longues années à l’occupation coloniale. Il attaque des tribus alliées de la France et bat le général Trézel dans les marais de la Makta près de son fief de Mascara dans l’Ouest algérien. Il encercle la ville voisine d’Oran pendant 40 jours. Arrivé en renfort de métropole, le général Bugeaud inflige une défaite à Abd El Kader. Le traité de Tafna est signé le 30 mai 1837 entre le général Bugeaud et l’Émir qui reconnaît la souveraineté de la France. En échange de pouvoirs étendus sur les provinces de Koléa, Médéa et Tlemcen il peut conserver 59 000 hommes en armes. L’armée française passe, en septembre 1839, les Portes de fer dans la chaîne des Bibans territoire que l’émir comptait annexer. Abd El-Kader, considérant qu’il s’agit d’une rupture du traité de Tafna, reprend, le 15 octobre 1839 la guerre contre la France le 16 mai 1843. Le 14 août 1844 le général Bugeaud écrase l’armée du sultan marocain à la bataille d’Isly. L’armée marocaine se replie en direction de Taza. Le sultan s’engage alors à interdire son territoire à Abd El-Kader en traitant avec la France. Le 23 septembre les troupes d’Abd El Kader sortent victorieuses lors de la bataille de Sidi Brahim engagée par le colonel Montagnac. En décembre 1847, Abd El Kader se rend aux spahis (nomades des régions steppiques de l’Algérie). Placé en résidence surveillée pendant quatre ans en France, l’émir fut libéré par Napoléon III, visita plusieurs villes de la métropole avant de rejoindre Damas et résida le restant de sa vie en Syrie. Le 11 décembre 1848 la Constitution de 1848 proclame l’Algérie partie intégrante du territoire français. Bône, (Annaba actuellement) Oran, Alger deviennent les préfectures de trois départements français. Les musulmans et juifs d’Algérie deviennent « sujets français » sous le régime de l’indigénat. Le territoire de l’ex-Régence d’Alger est donc officiellement annexé par la France, mais la région de la Kabylie qui ne reconnaît pas l’autorité française résiste encore.
L’armée française contrôle alors tout le nord-ouest de l’Algérie. Les succès remportés par l’armée française sur la résistance d’Abd el-Kader, renforcent la confiance française, et permettent de décréter, après débats, la conquête de la Kabylie qui doit intervenir à l’issue de la guerre de Crimée (1853 -1856) qui mobilise une partie des troupes françaises. C’est à cette époque que Fatma N’soumer la femme rebelle marqua une grande résistance. Née en 1830, l’année même de l’occupation française d’Algérie, en 1853, elle avait 23 ans dans son Djurdjura natal. Elle est arrêtée le 27 juillet 1857 dans le village de Takhliit Ath Atsou près de Tirourda. Placée ensuite en résidence surveillée à Béni Slimane, elle y meurt en 1863, à l’âge de trente-trois ans, éprouvée par son incarcération. En mars 1871, profitant de l’affaiblissement du pouvoir colonial à la suite de la défaite française lors de la guerre franco-prussienne (1870-1871), une partie de la Kabylie se soulève favorisée par plusieurs années de sécheresse et de fléaux. Elle débute au mois de janvier avec l’affaire des Spahis et en mars avec l’entrée en dissidence de Mohamed El Mokrani qui fait appel au Cheikh Haddad, le grand maître de la confrérie des Rahmaniya. La révolte échoue et une répression est organisée par les Français pour «pacifier» la Kabylie avec des déportations. À la suite d’un ordre qui a été donné par l’armée de les envoyer en France, les Spahis se soulèvent fin janvier 1871 à Moudjebeur et à Ain-Guettar, dans l’Est algérien à la frontière avec la Tunisie. Le mouvement est rapidement réprimé. Dès lors le seul moyen de prévenir les révoltes, c’est d’introduire une population européenne nombreuse, de la grouper sur les routes et les lignes stratégiques de façon à morceler le territoire en zones qui ne pourront pas à un moment donné se rejoindre. La loi du 21 juin 1871 (révisée par les décrets des 15 juillet 1874 et 30 septembre 1878) attribue 100 000 hectares de terres en Algérie aux immigrants d’Alsace-Lorraine. De 1871 à 1898 les colons acquièrent 1 000 000 d’hectares, alors que de 1830 à 1870 ils en avaient acquis 481.000. Le 26 juillet 1873 est promulguée la loi Warnier visant à franciser les terres algériennes et à délivrer aux indigènes des titres de propriété. Cette loi donne lieu à divers abus et une nouvelle loi la complétera en 1887. Son application sera suspendue en 1890. Le Code de l’Indigénat est adopté le 28 juin 1881 distinguant deux catégories de citoyens : les citoyens français (de souche métropolitaine) et les sujets français, c’est-à-dire les Africains noirs, les Malgaches, les Algériens, les Antillais, les Mélanésiens. Le Code était assorti de toutes sortes d’interdictions dont les délits étaient passibles d’emprisonnement ou de déportation. Après la loi du 7 mai 1946 abolissant le Code de l’indigénat, les autochtones sont autorisés à circuler librement, de jour comme de nuit, et récupérer le droit de résider où ils voulaient et de travailler librement. Cependant, les autorités françaises réussirent à faire perdurer le Code de l’indigénat en Algérie jusqu’à l’indépendance en maintenant le statut musulman et en appliquant par exemple le principe de responsabilité collective qui consistait à punir tout un village pour l’infraction d’un seul de ses membres. L’Algérie possède un nouveau statut en 1900 : elle bénéficie d’un budget spécial, d’un gouverneur général qui détient tous les pouvoirs civils et militaires.

4. Du nationalisme algérien, à la révolution 1954/1962 et à l’indépendance politique
Si l’Emir Abdelkader est considéré comme le précurseur de la fondation de l’Etat algérien, Messali Hadj est considéré comme un des fondateurs du nationalisme algérien. Ainsi Messali Hadj dès 1927 réclame l’indépendance de l’Algérie ayant été le fondateur du Parti du peuple algérien (PPA), du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques et du Mouvement national algérien (MNA). Cependant, bien que la résistance ait toujours existé depuis toutes les invasions, ce sont les guerres mondiales qui permirent une prise de conscience plus forte de l’injustice qui frappait la majorité des Algériens souvent analphabètes et travaillant à des salaires de misère. Pour faire face aux pertes humaines de la Grande Guerre, la France mobilisa les habitants des départements français d’Algérie : musulmans, Juifs et Européens. 249.000 Algériens furent mobilisés (73.000 mobilisés dans la population française, et 176. 000 dans la population «indigène» avec 38.000 à 48.000 des leurs sur les champs de bataille d’Orient et d’Occident durant la Première Guerre mondiale. Durant la seconde guerre mondiale, en Algérie, la conscription engage 123 000 musulmans Algériens et 93. 000 Européens d’Algérie (Pieds-Noirs) dans l’armée française; 2.600 des premiers, et 2.700 des seconds furent tués dans les combats de 1940. En 1942, (appel du général de Gaulle le 08 novembre 1942) et dans le cadre de l’opération Torch (débarquement des Anglo-Américains à Oran, Alger, Annaba) de nombreux Algériens furent engagés dans les forces alliées au sein de l’armé française de la Libération et engagés sur les fronts italiens et français. Entre 1942/1943, les effectifs mobilisés en Algérie s’élèvent sur la période à 304.000 Algériens (dont 134.000 « musulmans », et 170.000 « européens ») Ils sont engagés en Tunisie de novembre 1942 à mai 1943, en Italie de novembre 1943 à juillet 1944, et enfin en France et en Allemagne d’août 1944 à juin 1945. Nous trouvons Ahmed Ben Bella, Mohammed Boudiaf, Mostefa Ben Boulaïd, Krim Belkacem. La guerre d’Indochine (1946-1954) absorbe les cadres militaires et fait combattre les volontaires et soldats de métiers, légionnaires et les troupes coloniales dont 35 000 maghrébins (Marocains & Algériens) qui comptent pour 1/4 de l’effectif du corps expéditionnaire. Le 08 mai 1945 alors que la seconde guerre mondiale prend fin en Europe, en Algérie, des manifestations nationalistes algériennes sont réprimées par l’armée française à Sétif et Guelma. On dénombre 103 Européens tués, selon la source officielle française 10 000 algériens et selon la source algérienne 45000. Suite au Manifeste du peuple algérien de Ferhat Abbas en 1943, les élections législatives de 1946 sont un succès pour l’Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA). Son parti remporte onze des treize sièges réservés à l’Algérie à l’Assemblée nationale. La loi sur le statut de l’Algérie est promulguée en septembre 1947 : l’Algérie reste composée de trois départements et le pouvoir est représenté par un gouverneur général nommé par le gouvernement français. Une Assemblée algérienne est créée, composée de deux collèges de 60 représentants chacun. Le premier sera élu par les Européens et une élite algérienne (diplômés, fonctionnaires…) et le second par le reste de la population algérienne. Enfin l’article 2 précise «l’égalité effective est proclamée entre tous les citoyens français». En octobre 1947, le MTLD de Messali Hadj obtient une large victoire lors des élections municipales entraînant la répression des autorités françaises. En 1948 trente-six des 59 candidats du MLTD sont arrêtés. Il est utile de préciser qu’au début du XX siècle plusieurs leaders algériens revendiquent le droit à l’égalité ou à l’indépendance. Plusieurs partis vont être créés et plusieurs pamphlets seront écrits pour défendre les droits des Algériens. Plusieurs penseurs algériens vont vilipender les plus importantes personnalités du régime colonial français. La plupart des figures du mouvement algérien vont être surveillées de près par les services policiers français, d’autres seront exilées vers d’autres pays comme l’a été l’émir Khaled El Hassani Ben El Hachemi en Égypte puis en Syrie. Nous avons des figures et sans être exhaustif, Messali Hadj, Malek Bennabi, Mohamed Hamouda Bensai, Ben Badis, Mohamed Bachir El Brahimi, Larbi Tebessi, Ferhat Abbas, Omar Ouezggane etc.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul
(A suivre)