L’Algérie est un pays à fortes potentialités pour le développement du tourisme

Sous réserve de sa débureaucratisation

L’Algérie possède d’importantes potentialités pour le développement du tourisme, secteur longtemps laissé-pour-compte et facteur de croissance et surtout de création d’emplois, mais qui nécessite une autre approche, aussi bien au niveau des décideurs que du simple
citoyen.En 2020 selon les données internationales le pays qui arrive en tête pour le tourisme c’est la France, 117 millions de touristes avec une recette de 117,1 milliards d’euros, suivi de loin par le Mexique 51,1 millions de touristes, les Etats Unis d’Amérique 45 millions de touristes et l’Italie 38,4 millions. La pandémie a donné un coup d’arrêt brutal au tourisme international qui a mis en lumière l’importance du secteur à la fois pour les économies nationales et pour les moyens d’existence individuels avec une crise au niveau du transport notamment aérien où l’ Association du transport aérien international (IATA) prévoit que l’industrie subira des pertes nettes de 47,7 milliards $ en 2021 (marge bénéficiaire nette de -10,4 %). Cela reflète une amélioration comparativement aux pertes nettes de l’industrie de 126,4 milliards $ en 2020 (marge bénéficiaire nette de -33,9 %). La crise a eu des impacts négatifs au niveau de l’emploi, notamment dans l’hôtellerie, les services de voyages et le commerce de passage. Elle a frappé de façon disproportionnée les groupes vulnérables, comme les jeunes et les travailleurs migrants, de même que les travailleurs ayant les plus bas niveaux d’éducation et de compétences. En 2021, le tourisme mondial a progressé de 4 % par rapport à 2020 (415 millions contre 400 millions). Cependant, les arrivées de touristes internationaux (visiteurs qui passent la nuit) sont restées inférieures de 72 % à celles de 2019, l’année d’avant la pandémie, d’après les premières estimations de l’OMT. Eu égard à son poids en tant que catégorie d’exportation de premier plan (avant la pandémie, le tourisme arrivait en troisième position dans le monde, derrière les carburants et la chimie) et étant donné son rôle comme source d’emploi et de développement économique, on s’attend à ce que la reprise du secteur tire la croissance dans toutes les régions du monde. La contribution économique du tourisme en 2021 (mesurée en produit intérieur brut direct du tourisme) est estimée à 1 900 milliards d’USD, au-dessus des 1 600 milliards d’USD de 2020, mais encore bien loin des chiffres d’avant la pandémie (3 500 milliards d’USD).
Le dernier rapport sur l’impact économique du Conseil mondial du voyage et du tourisme (WTTC) note que le secteur des voyages et du tourisme sera un moteur de la reprise économique mondiale après la pandémie de Covid-19.
Le rapport prévoit que le PIB du secteur des voyages et du tourisme augmentera à un taux moyen de 5,8 % par an entre 2022 et 2032., étant prévu que l’industrie mondiale du tourisme devrait créer près de 126 millions d’emplois dans le monde entre 2022 et 2032.
L’Algérie possède un littoral de plus de 1600 kilomètres, une cité antique (Djemila) dans les Hauts-Plateaux à Sétif, un canyon à couper le souffle (Ghoufi) dans les Aurès, des ksour dans la Vallée du M’zab, le majestueux mont d’Assekrem à Tamanrasset, les gravures rupestres (Tassili n’Ajjer) à Djanet dans le Grand Sud… A première vue, l’Algérie dispose de richesses inestimables qui peuvent séduire les touristes du monde entier. Pourtant, ces derniers ne se bousculent pas pour visiter le pays.
Les quelques chiffres annoncés de temps à autre par les cadres du secteur donnent une idée de l’ampleur du retard accusé dans le développement de ce pan important de l’économie bien que les responsables du secteur ne cessent de réaffirmer la volonté des pouvoirs publics de relancer le secteur pour le développement et la diversification d’une économie trop dépendante des hydrocarbures.
Le ministère du Tourisme selon ses propres données, a approuvé le lancement de 2500 projets afin de relancer le tourisme, ce qui permettra de créer plus de 170 000 nouveaux postes d’emploi, que plus de 751 nouveaux hôtels sont en cours de réalisation, avec une capacité de 10 000 lits d’ici à 2024 et 100 projets touristiques devaient entrer en service en 2022, assurant plus de 7500 emplois , la finalisation de l’étude de 48 zones proposées et l’approbation de 38 autres plans en vue d’assurer 660 lots de terrain au profit d’investisseurs réels, en plus du réaménagement des routes et des pistes dans 9 ZET et la réalisation graduelle des travaux d’aménagement au niveau de 116 sites d’expansion touristique selon les priorités, politique articulée autour de la réalisation de cinq opérations consistant en le réaménagement et la garantie du foncier touristique, la promotion du tourisme domestique, le développement du tourisme thermal, la mise en œuvre du plan «Destination Algérie» afin d’atteindre plus de 3 millions de touristes à l’horizon 2024 et 5 millions entre 2025/2026». Cependant, existent plusieurs obstacles au développement du tourisme en Algérie qui empêchent le tourisme de décoller correctement :
premièrement, le peu d’intérêt accordé à ce secteur vu la faiblesse du budget qui lui est alloué. Ainsi, dans la loi de finances pour l’exercice 2022, le secteur du tourisme et de l’artisanat bénéficie d’un budget de 3,5 milliards de DA (environ 25 millions de dollars), bien qu’en augmentation par rapport à 2021 (3,25 milliards de DA).
Deuxièmement, les obstacles bureaucratiques et administratifs qui empêchent l’aboutissement des projets touristiques, qui constituent une source importante de devises et un excellent promoteur de la destination Algérie, car le fait d’attirer des touristes étrangers est un processus qui doit s’accompagner d’un ensemble de procédures administratives qui nécessitent une coordination étroite entre les secteurs concernés, tels que les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères, la Défense nationale, notamment dans les zones désertiques où la sécurisation des circuits touristiques doit être maximale.
Selon des experts du secteur, la réalité révèle que les procédures prévues par la législation algérienne exigent de l’investisseur qu’il effectue 14 étapes complètes avant la réalisation de son projet, sachant que l’investisseur en Tunisie et au Maroc passe par des étapes allant de 5 à 7 étapes administratives.
Troisièmement, lié à l’obstacle précédent, l’immobilier touristique est l’un des principaux obstacles auxquels se heurtent les investisseurs, qu’ils soient locaux ou étrangers, compte tenu de la complexité des procédures d’obtention de tels biens et des prix élevés de l’autre.
Quatrièmement, le manque d’infrastructures touristiques, la détérioration de l’environnement, le déficit dans la promotion de la destination Algérie, les difficultés pour l’obtention de visa pour les touristes étrangers, la cherté des tarifs pratiqués au niveau des établissements hôteliers, la cherté des prix des billets d’avion, tant au niveau national qu’au niveau international.
Cinquièmement, le développement du tourisme, ce n’est pas seulement une question de moyens, mais cela implique avant tout une culture.
Le tourisme nécessite de traiter les touristes avec honnêteté, politesse, respect et un bon esprit pour donner une bonne impression de soi d’abord et du pays en général ; il est nécessaire d’avoir une sorte de culture touristique à l’avenir et cela est presque absent dans la société algérienne.

En conclusion, le développement du tourisme en Algérie, tout autant que l’agriculture et son corollaire, une nouvelle politique de l’eau, doivent être repensés car facteurs de croissance et créateurs de nombreux emplois directs dans les activités purement touristiques : hébergement, transport, agences de voyages et tours opérateurs, et indirects dans certains transports, restaurants, des centres de loisirs et d’animations, des centres de sports et des stations thermales et des emplois induits qui correspondent à des activités non touristiques par nature, mais productrices de biens et de services qui sont consommés par les touristes : emplois dans l’agriculture, l’artisanat.
Il s’agira dans toute politique touristique cohérente de différencier plusieurs segments : le tourisme pour les étrangers où une fraction de la jeunesse accorde une importance à la biodiversité et la protection de l’environnement dû au réchauffement climatique, le tourisme pour les ménages aisés algériens, le tourisme pour les couches moyennes à revenus intermédiaires et le tourisme populaire.
D’où l’importance d’un changement radical de gouvernance central et surtout local par une réelle décentralisation, le tourisme étant par essence une activité flexible, qui ne s’accommode pas du poids de la bureaucratie.
Professeur des universités Expert
international Abderrahmane Mebtoul