S’adapter aux nouvelles mutations en évitant un modèle périmé des années 1980/2010

Importation de voitures de moins de trois ans et signature du protocole d’Accord entre le groupe Stellantis

La population algérienne a assisté à de nombreuses promesses de ministres, sans concrétisation depuis des années où les prix des voitures d’occasion ont plus que doublé avec une pénurie de pièces détachées dont le prix a plus que triplé. Face à cette situation, je constate depuis quelques temps beaucoup de discours et de fausses analyses, s’assimilant à des slogans, sur les importations de voitures d’occasion de moins de trois ans dont il faudra attendre les modalités de la loi de Finances 2023, pour une appréciation objective, notamment l’ importation au cours officiel du dinar ou au cours sur le marché parallèle, qui risque de flamber et quel sera par catégories les taxes à la Douane. Selon nos calculs au cours du marché parallèle, 214,5 dinars un euro, cours vente le 15/10/2022, avec le coût du transport, et les taxes douanières qui s‘appliquent à la valeur dinar au port, une bonne voiture d’occasion, moyenne, pas moins de 15.000 euros, dépassera les 400 millions de centimes en dinars, pour 20.000 euros 500 millions de centimes, donc inabordable pour la majorité des algériens, plus de 80% : donc attention à l’euphorie. Quant à l’éventualité d’installation d’usines de voitures en Algérie par des groupes étrangers, en vue de l’exportation et pas seulement pour le marché intérieur afin de couvrir les sorties de devises des composants, notamment la signature du protocole d’Accord entre le groupe Stellantis pour des voitures Fiat, le 12 octobre 2022 , il y a lieu d’abord de voir si le prix s’adapte au pouvoir d’achat de la majorité des algériens et surtout de ne pas renouveler les erreurs du passé, les scandales financiers où ces usines de montage de faibles capacités sans véritable intégration, servaient de boîtes de transferts illicites de devises.

Premièrement, avec le retour de l’inflation qui sera de longue durée par rapport au pouvoir d’achat réel, (alimentaires, habillement notamment plus les frais de loyer et téléphone) et avec le nivellement par le bas des couches moyennes, principaux clients que restera-t-il pour acheter une voiture?
Deuxièmement, comment ne pas renouveler les erreurs du passé avec les risques de surfacturation et de transfert indirect de devises, le marché local a -t-il les capacités d’absorption et ces opérateurs, seront-ils capables d’exporter pour couvrir la partie sortie de devises et donc quelle sera la balance devises des unités projetées ? D’autant plus que la majorité des inputs (coûtant plus cher avec le dérapage du dinar officiel tant par rapport à l’euro que du dollar entre 2000/2021, plus de 100% selon l’indice d l’ONS) avec une accélération entre 2022/2024 selon le projet de la loi de Finances 2022, seront presque importés devant inclure le coût de transport, également la formation adaptée aux nouvelles technologies et les coûts salariaux.
Troisièmement, la comptabilité analytique distingue les coûts fixes des coûts variables quel est donc le seuil de rentabilité pour avoir un coût compétitif par rapport aux normes internationales et aux nouvelles mutations de cette filière ? La carcasse représentant moins de 20/30% du coût total c’est comme un ordinateur, le coût ce n’est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80%, ces mini-projets seront-ils concurrentiels dans le cadre de la logique des valeurs internationales. On construit actuellement une usine de voitures non pour un marché local, l’objectif du management stratégique de toute entreprise est régional et mondial afin de garantir la rentabilité financière cette filière étant internationalisée avec des sous segments s’imbriquent au niveau mondial où le taux d’intégration local varie entre 30/50%?
Quatrièmement, quelle est la situation de la sous-traitance en Algérie pour réaliser un taux d’intégration acceptable qui puisse réduire les coûts où la part du secteur industriel représente moins de 6% du PIB en 2021 dont plus de 95% des micro unités familiales ou Sarl peu innovantes et comment dès lors ces micro-unités souvent orientés vers le marché intérieur, réaliseront le taux d’intégration prévue de 40/50% au bout d’environ trois à cinq années?
Cinquièmement, selon une vision cohérente de la politique industrielle, ne faut il pas par commencer de sélectionner deux au maximum trois constructeurs avec un partenariat étranger gagnant/gagnant maîtrisant les circuits internationaux avec un cahier des charges précis leur donnant des avantages fiscaux et financiers en fonctions de leur capacité, devant leur fixer un seuil de production afin d’éviter que durant cette période certains opérateurs soient tentés dans une logique de rente, d’accroître là, la facture d’importation en devises des composants.
Sixièmement, selon une étude de Transport et Environnement (T&E) publiée en 2020 le marché du véhicule électrique en Europe devrait progresser jusqu’à atteindre la moitié de la production automobile totale à l’horizon 2030. Aussi, ces voitures fonctionnent-elles à l’essence, au diesel, au GPLC, au Bupro, hybride ou au solaire, renvoyant d’ailleurs à la politique des subventions généralisées dans les carburants qui faussent l’allocation optimale des ressources. Les nanotechnologies (la recherche dans l’infiniment petit) pouvant révolutionner le stockage de l’énergie, l’avenir appartenant au moteur alimenté par de l’hydrogène gazeux.

En conclusion, selon la majorité des experts, étant un marché oligopolistique, le seuil de rentabilité implique une production entre 250.000/300.000 voitures par an pour tenir compte de la forte concurrence.
Je ne rappellerai jamais assez que le moteur de tout processus de développement réside dans la recherche développement, que le capital argent n’est qu’un moyen et que sans bonne gouvernance centrale et locale, l’intégration de l’économie de la connaissance, aucune politique économique n’a d’avenir. C’est l’entreprise sans aucune distinction, entreprises publiques, privées nationales et internationales dans le cadre des valeurs internationales, épaulée par le savoir permettant l’innovation permanente, qui crée la richesse.
L’industrie automobile doit s’inscrire dans le cadre d’une véritable planification stratégique où cette filière connaît une profonde restructuration au niveau mondial, où les exportations dominantes entre 2025/ 2030 seront les voitures hybrides et électriques, et au-delà de 2030 fonctionnant à l’hydrogène, où les nouvelles technologies influent sur les chaînes de production, les tours à programmation numérique éliminant les emplois intermédiaires où le nombre d’emplois directs et indirects créés devient marginal. Aussi, le gouvernement devra éviter de perpétuer un modèle périmé des années 1980/2010, largement déconnectées des réalités mondiales.
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur
des universités, expert international
(Suite et fin)