Un patron de la Fifa imperméable aux critiques

Gianni Infantino

Face aux polémiques suscitées par la Coupe du monde de football au Qatar, le président de la Fifa Gianni Infantino a choisi un ton offensif, fustigeant le discours «hypocrite» de tous ceux qui appellent au boycott de l’évènement. Élu en 2016 avec la promesse de «restaurer l’image de la Fifa», Gianni Infantino refuse toute remise en question et défend bec et ongles le choix du Qatar pour cette Coupe du monde 2022. Les chiffres semblent lui donner raison, puisque l’audience est au rendez-vous, de même que les revenus records de cette édition. Des arguments sonnants et trébuchants qui devraient lui assurer sa reconduction à la tête de la Fifa pour un troisième mandat.
C’est une conférence de presse qui restera sans doute dans les annales de la Fifa. Nous sommes à la veille du coup d’envoi de la compétition et Gianni Infantino se lance dans un vibrant plaidoyer pour le Qatar. «Aujourd’hui, je me sens qatarien, aujourd’hui, je me sens arabe, gay, travailleur immigré», déclare le patron de la Fifa qui rappelle, pour mieux défendre le pays hôte, ses propres origines : celles d’un enfant de travailleurs italiens venus en Suisse pour y gagner leur vie. «Je pense qu’étant donné ce que nous les Européens avons fait dans le monde au cours des 3000 dernières années, lance-t-il devant un parterre de journalistes médusés… nous devrions nous excuser pour les 3 000 prochaines années au lieu de donner des leçons de morale !»
Ulcéré par les critiques formulées à l’encontre du Qatar, premier pays arabe accueillir la Coupe du monde, Gianni Infantino est à l’offensive. «Il se positionne comme un paratonnerre, comme un bouclier vis-à-vis du Qatar, décrypte Rémi Dupré, journaliste au Monde. Pour la Fifa cette Coupe du monde décidée en 2010 est un boulet et Infantino est dans une logique de défense bec et ongles de ce choix – la même logique qui lui a fait choisir le Qatar, depuis un an, comme lieu de résidence principale. C’est une manière de se placer au centre du jeu et de dire : «Voilà, je suis président de la Fifa, j’assume tout et je protège le pays hôte.»

Ancien bras droit de Platini
Aujourd’hui âgé de 52 ans, Gianni Infantino a fait toute sa carrière dans le milieu du football… non pas celui des vestiaires et des stades, mais des bureaux feutrés et confortables des institutions internationales. Juriste de formation, il devient en 2009 le bras droit de Michel Platini à la tête de l’UEFA, l’Union des associations européennes de football. Et sa carrière va prendre un tournant inattendu lorsque celle de son mentor se brise sur les affaires judiciaires. «Gianni Infantino était l’homme de confiance qui a trahi Michel Platini», rappelle Vincent Chaudel, cofondateur de l’Observatoire Sport Business. «Avec le Fifagate et la chute de Sepp Blatter et de Michel Platini, il en a profité pour briguer la présidence de la Fifa. C’est un stratège et c’est un juriste, donc c’est un homme de pouvoir. Il y a un côté évidemment machiavélique chez lui, mais la réalité des choses, c’est que jusqu’ici, il a su tirer profit de la situation pour lui comme pour l’institution.»

Un bilan mitigé
À son arrivée en 2016, la Fifa est plombée par les affaires de corruption. Gianni Infantino promet de restaurer son image et d’en faire une institution transparente et exemplaire. Mais, six ans plus tard, le bilan du patron de la Fifa est sur ce point plus que mitigé aux yeux de nombreux observateurs. «Il avait promis de restaurer la réputation de la Fifa et aujourd’hui, on a un président qui est poursuivi en Suisse pour incitation à l’abus d’autorité et pour d’autres chefs d’inculpation dans le cadre de ses rencontres secrètes avec l’ancien procureur général suisse Michael Lauber», souligne le journaliste Rémi Dupré. Reste le bilan économique du patron de la Fifa : il est florissant avec plus de 6 milliards d’euros de revenu pour les quatre dernières années ! En outre, malgré les appels au boycott, les audiences sont au rendez-vous de cette Coupe du monde qatarienne.