Éviter un nouveau recul

Notre place dans un monde qui bouge

En quoi le projet de Monsieur Tebboune est intéressant et quelle garantie nous avons pour sa pérennité, au-delà des hommes ?
Il faudra finir par reconnaître à Monsieur Tebboune, que l’on ait voté pour lui ou non, que l’on partage son projet pour l’Algérie ou non, sa cohérence. Oui… sa cohérence dans le respect de l’engagement pris envers le peuple algérien. Ces trois années passées à la tête de l’Etat n’ont pas été sans difficulté : Covid-19, puis guerre occidentale. Bien qu’il se soit fixé comme objectif le développement économique, la moralisation de la politique et de la vie publique, il reste néanmoins la question sociétale, ou plutôt les questions sociétales, l’autre défi existentiel. Nous remarquons que l’Etat algérien tente d’apporter une réponse aux maux sociaux ; une réponse nécessaire à la finalisation des projets en cours.
L’ancien Président Monsieur Bouteflika bien que l’on puisse lui reconnaître sa qualité d’homme historique de l’Algérie contemporaine, sa gouvernance a été cependant très néfaste sur le plan sociétal notamment la question des valeurs, de l’éducation et des relations interpersonnelles. Je me permets ce parallèle pour rappeler qu’il ne faudrait pas commettre les mêmes erreurs.

Le risque aujourd’hui est de passer d’un dogme à un autre ; c’est là où réside l’erreur fatale. Effectivement, ni les tours, qui n’ont jamais conduit sur la Lune, ni les routes, qui n’ont jamais conduit vers la réussite, construites sous son règne (qui au passage ont permis à certains de s’enrichir de façon illégale) n’ont pu répondre à la question sociétale à laquelle l’Algérie était confrontée. Nonobstant ces réalisations, que les Algériens reconnaissent à l’ancien Président, les conséquences post-traumatiques liées à la décennie noire, subies par l’Algérie dans sa globalité n’ont pas étaient suffisamment pris en compte, et dont la seule réponse a été l’activité économique. Penser le contraire c’est ignorer la nature de la société algérienne et une négation des conséquences de cette blessure sur les individus ; difficultés au retour dans la famille ou la vie civile, de parler ou partager la violence vécue ou ressentie.

Cette période a «dynamité» la cellule familiale algérienne, dont l’impact est visible chez les jeunes générations. C’est ce phénomène, qui a été ignoré délibérément ou par méconnaissance, qui entrave quelque peu l’accélération de l’avancée du pays. En effet, «rééduquer» cette jungle sociétale, qui favorise l’individualisme, le gain facile et la fainéantise, la corruption et l’absence totale de l’intérêt général dans la société algérienne, est une tâche que le Président actuel tente de résoudre avec ses moyens. Il faudrait apporter des réponses tangibles mais cette réponse ne peut être réalisable que lorsque la société algérienne dans sa globalité appréhende cette vision et corrige elle aussi les mauvaises habitudes de ces 30 ou 40 dernières années. Les volontés affichées aujourd’hui pour résoudre ces difficultés structurelles ont le mérite d’exister, notamment ce grand chantier en filagramme de la réintroduction «de la culture algérienne».
La dernière instruction du ministère de la Culture relative à l’interdiction «de la programmation et de la diffusion des chansons vulgaires lors d’évènement culturels» n’est qu’un acte parmi d’autre de ce réajustement entamé depuis trois ans en Algérie. Nous allons entendre d’ici et là des voix biberonnées par les anti-société algérienne nous dire que la prochaine étape serait l’interdiction de «penser».

Si être «vulgaire» et sans plus-value pour la société à laquelle on appartient et équivalent «à penser», j’ai envie de dire que nous n’avons pas besoin de ce type de pensée. Certes, l’Algérie a besoin de créativité, de dynamisme, d’imagination, de prospective pour se hisser à la place qui lui revient de droit, et pas l’inverse. Elle a aussi besoin de liberté de pensée et d’expression et non la liberté, vous m’excusez, d’«expression outrageante et diffamatoire». Il est surprenant de constater que nous n’avons pas entendu ce type de réaction lorsque ce ministère était, avant 2019, dirigé par une colonisée, qui n’a pas cessé d’appliquer à la société algérienne des valeurs et cultures venues d’ailleurs. La question que je me pose et que je partage avec «VOUS»….. ce «VOUS» c’est le peuple, le Président, l’Armée populaire et tous ceux qui constituent l’âme de cette nation. Comment faire perdurer cette dynamique, au-delà des imprévus bien sûr, après le départ de ceux qui sont à l’initiative ?

Je pose cette question car dans notre histoire récente, nous avons vécu une période (de 1965 à 1978) pendant laquelle une nation forte était née. Un exemple récent et très instructif. Nous avons l’expérience donc de comment construire un Etat puissant, mais l’inconnu c’est comment le transmettre et le consolider. Nous avons échoué dans cela. C’est pour l’ensemble de ces raisons, qu’il conviendrait dès à présent de mettre en place les garanties nécessaires pour éviter à la société algérienne de subir une nouvelle fois un recul qu’il lui coûtera très cher dans un monde qui bouge et qui bouge très vite.
A. Tadj