«Quand ça insulte ta mère alors qu’elle est au stade…»

Karl Toko Ekambi vide son cœur :

Dans un entretien accordé au journal électronique «SO FOOT», l’international camerounais Karl Toko Ekambi qui évoluait à Rennes en provenance de l’O Lyon cet hiver, a pris de la distance avec l’OL et le Groupama Stadium. Il raconte ce qu’il a enduré.

Dans cette interview, nous retiendrons ce qui caractérise l’essentiel de sa vie privée et footballistique. Il commence par s’interroger sur le fait de ne pas avoir joué au poste d’attaquant durant une période de 3-4 ans et «On attend toujours de moi que je marque énormément, mais si on regarde bien, pour mon poste, je mets pas mal de buts, et on me parle toujours de marquer». Poursuivant sa déclaration, il fera remarquer «Je suis loin des buts, je n’ai pas été formé à ce poste-là et je suis amené à énormément défendre…Ce n’est donc pas mon objectif premier quand je commence une rencontre». Ce qui est important pour lui, c’est de concrétiser son rêve, celui d’être professionnel, d’être sur un terrain de foot, en Ligue 1. «Donc, je ne vais pas bouder parce qu’on me met sur le côté, alors qu’il y en a qui sont sur le banc».

Joueur technique ou pas ?
«Contre le PSG, tu as été maladroit sur plusieurs situations avant ton but. Trouves-tu ça injuste quand tu lis que tu n’es pas un joueur technique ? », telle est la question qui a été posée, sa réponse est tranchante, il trouve cela injuste, mais plutôt de l’incompetence. Il cite un exemple « lors du match contre Paris, je pense que j’ai été l’un des joueurs rennais qui a perdu le moins de ballons. Technique, ça veut dire quoi ? Est-ce que ce sont les dribbles, les contrôles, les passes ? Qui est le juge ?» Et de glisser «Si ça vient de gens incompétents, ça ne me dérange pas».

«J’ai rarement été remplaçant»
Dans ce club, il souffre d’une mauvaise réputation et cela semble ne pas le déranger «Moi, je fais mon travail. Allez voir mes stats de buts depuis le début de ma carrière». Il affiche une fierté d’avoir été très souvent titularisé «Je suis passé dans énormément de clubs, j’ai rarement été remplaçant. Mes entraîneurs me trouvent tous technique. Ce sont des techniciens. Ils dirigent 30 joueurs dans leur effectif et pourtant ils me mettent dans le onze». A une question relative au choix de Rennes, il dira qu’il n’avait pas besoin de se sentir désiré «parce que je connais mes qualités» et de faire remarquer «Si j’ai 6-7 offres concrètes sur la table, c’est que je suis un bon joueur. Il y avait Rennes le Celta Vigo, des clubs anglais et de pays plus lointains». Il quitte OL, pourquoi ? «Le club et le coach ne voulaient pas que je m’en aille».

«Quand ça insulte ta mère alors qu’elle est au stade…»
«Quand votre photo est partout dans le stade, en grand, que lorsque vous touchez un ballon vous êtes sifflé… On arrive devant le stade, la sécurité laisse les supporters passer et nous caillasser. Ça fait beaucoup. Si on prend mon cas personnel, l’impression de ne pas être soutenu par le club». L’institution ? Oui bien sûr. Les supporters, je m’en fous. Houssem Aouar est lyonnais, né dans la ville et formé au club, et pourtant il est aussi pris à partie». Il répond par dire qu’il est effectivement formé au club, mais il est autre chose aussi. Le président Aulas, je l’ai aussi eu téléphone, pas de problème…Une bande de sauvages dans les tribunes… qui insultent des mamans. J’ai perdu mon père, ça insulte mes parents alors que je suis sur un terrain de foot. Quand certains membres du club m’envoient des lettres recommandées pour me mettre une amende, m’enlever ma prime d’éthique parce que j’ai tapé dans la poubelle Ça fait deux ans que je suis sifflé. Quand ça insulte ta mère alors qu’elle est au stade, quand ça met des photos de toi dans la ville avec écrit ‘dégagez’. Quand tu te fais cambrioler, que tu demandes au club de te mettre la sécurité devant chez toi pendant les matchs et qu’il ne donne pas son accord, alors qu’il le fait pour d’autres joueurs…Malgré ça, je suis resté et je n’ai jamais rien dit».

«Le décès de mon père, j’étais sifflé»
Je vous le dis, ça a duré trop longtemps. Je n’ai jamais fait d’interviews. Est-ce que vous m’avez entendu parler ? Trois ans à Lyon, je n’ai jamais parlé. Ça arrive. Il n’y a pas que moi qui rate des occasions, on en rate tous. Mais quand c’est moi qui en rate (…)
Lors du décès de mon père, on ne m’a pas laissé de jour, on m’a dit de revenir vite…J’ai dû faire un aller-retour au Cameroun en avion privé pour aller voir le corps de mon père. Je ne suis pas là pour changer le monde du foot, mais il faut se mettre à la place des joueurs qui sont des humains».

La conclusion de l’internationale
Les footballeurs sont souvent considérés comme des privilégiés, entre leur argent, leur statut.
«La vie, c’est dur, quand tu veux obtenir quelque chose, il faut souffrir. Généralement, quand tu obtiens quelque chose facilement, c’est peut-être du vol. Je travaille, je me forge le mental, je suis déterminé, rien ne va m’arrêter et surtout pas les conneries. Le foot, c’est peut-être 10-15 ans, et après ? Après il y a autre chose, c’est pour ça qu’il ne faut pas rentrer dans la psychose. Je fais ma vie, chacun pense comme il veut, j’ai ma perception et ça ne changera pas».
Résumé de H. Hichem