Nous irons à Rabat-Salé

C’est l’été. La ville de Rabat nous accueille sous un soleil de plomb. L’atmosphère y est bon enfant, les rues grouillantes de monde et les rutilantes américaines par ailleurs très bien entretenues occupent majestueusement les stations de taxi. La découverte de Rabat fait oublier la fatigue de la veille engendrée par ce voyage effectué par route entre Tanger et la capitale marocaine.
La traversée du détroit de Gibraltar fut un merveilleux voyage qui ne se déroula pas sans émotions fortes. Le souvenir de ce petrolier géant fonçant vers nous, le bruit des sirenes du navire sur lequel nous étions ainsi que ce terrible accident évité miraculeusement resteront gravés dans nos mémoires. Nous qui pensions naïvement que la mer était immense et qu’il y avait de la place pour tout le monde.
La découverte de Rabat fut remplie de bonnes surprises et l’inévitable visite au mausolée du Roi Mohamed V fut au rendez-vous et accomplie. Mais le meilleur était à venir. Nous fumes quasiment kidnappés de l‘hôtel où nous résidions par une famille marocaine venue de Salé, cette ville qui fait face à l’Atlantique. Cette famille nous convia à séjourner chez elle. Composée de marocains ayant longtemps vécu en Algérie, ces derniers qui furent d’excellents travailleurs agricoles dans les terres fertiles de Blida nous rappelérent leurs inoubliables souvenirs. Et le sel partagé ici et là donna encore plus de saveur à un succulent repas déjà bien épicé. Après avoir séjourné deux nuits à Rabat – Salé, nous continuâmes notre route pour rejoindre les frontières algériennes sans avoir au préalable rendu visite à la sublime vieille ville de Fès. Oui il y a ici et là des souvenirs qui vous font presque oublier que la relation algéro-marocaine ne fut jamais un long fleuve de tranquille mais plutôt jalonnée d’agressions et de provocations ininterrompues. C’était l’été 1975. Quelques mois plus tard, les évènements d’Amgalla scellèrent pour toujours le sort de la relation algéro-marocaine qui malgré le sel partagé ne résista pas à cette séquence tragique d’une nombreuse série dont la plus grave fut sans aucun doute l’inoubliable guerre des sables et l’agression marocaine contre l’Algérie, nouvellement indépendante et pansant encore ses blessures, de 1963.n