Un modèle économique pour ne pas faire l’économie du modèle

La presse algérienne mérite une attention à 360°

La guerre qui est livrée contre notre pays ces dernières années et dont les hostilités déclarées trouvent leurs tenants dans des inimitiés régionales historiques et au sein de lobbies pro-sionistes et autres promoteurs de la «nost-Algérie», remettent la presse algérienne au cœur du dispositif défensif national et la révèlent comme une arme indispensable dans le combat salutaire qui se mène pour prémunir notre pays de ses ennemis de l’intérieur et de l’extérieur.Force est de constater, et cela ne date pas d’hier – car porté dans un programme électoral dont tous les points ont été scrupuleusement mis en œuvre à la lettre – que jamais volonté politique de réhabiliter la corporation et la profession ne s’est faite aussi forte et aussi déterminée.
Parée qu’elle était d’une vision à la fois rigoureusement implacable et humainement bienveillante, dont l’horizon, au double aboutissant, est d’une part de discipliner éthiquement une corporation qui a souvent été portée par ses excès et qui a aussi eu ses brebis galeuses et ses poissons pourris, et d’autre part et de réhabiliter le journalisme comme métier aux pratiques professionnelles altruistes et par-dessus tout patriotiques.
Il est admis aujourd’hui, et cela a pris aux journalistes trois décennies pour commencer à le comprendre grâce à une approche d’Etat qui a permis à tout le monde d’ouvrir les yeux sur cela, que lorsqu’il est question de l’intérêt du pays, de sa réputation, des causes qu’il promeut et défend à l’international, des combats qu’il livre pour la justice, la parole journalistique doit être, quels que soient les angles d’attaque des journalistes, une parole consensuelle et rassembleuses. Elle doit s’articuler autour des enjeux qui structurent ces intérêts et mènent à leur préservation. En cela, le chemin parcouru en quelques années est un exploit auquel il faut applaudir.

Un paysage enfin structuré
Né du chaos créatif du pluralisme médiatique à la veille des années de braise, le paysage éponyme a dû mûrir dans le tumulte de la violence terroriste porté par de grands élans patriotiques qui ont inscrit dans l’histoire de notre pays ses moments de grandeur. Des moments qui ont occulté, sous le voile des sacrifices consentis, les aberrations que la presse incorporait comme autant de normes qui fondaient son identité culturelle, intellectuelle, politique et corporatiste.
Aujourd’hui, la rigueur imposée aidant, le paysage médiatique se structure et les textes autrefois relégués dans les tiroirs de l’oubli font désormais force de loi, ouvrant de nouveaux horizons en matière de gestion de la relation des médias avec les organismes de régulation qui avaient à cœur de pouvoir jouer leur rôle dans un paysage médiatique en devenir. Un paysage qui risquait, à défaut de balises et de garde-fous, de prendre, de nouveau, de mauvais plis dans un sens ou un autre qui ne soit pas celui du professionnalisme.
Y compris concernant le paysage audiovisuel qui avait besoin d’une très forte régulation en matière éthique et d’un recadrage technique qui lui fasse reconsidérer, par voie de texte, ses options de diffusion depuis l’étranger, fortement coûteuses en devises fortes pour le pays et pour son modèle économique basé sur l’argent de l’informel.
Cela, quand, par ailleurs, des solutions locales existent et s’avèrent optimum et de moindre coût même en dinars en attendant un modèle économique pérenne.
Des acquis en matière de dialogue
Ce qui donne énormément d’espoir, en dépit des questions qui restent à ce jour pendantes, c’est l’existence de couloirs de communication dynamiques entre les institutions en charge et la corporation, avec un regain d’écoute parfois endogène, parfois impulsé par une volonté politique supérieure. Ces portes ouvertes, en ces moments de transition de la corporation vers son devenir numérique, sont propices à une très bonne gestion, une gestion surtout vivable, de cette transition de sorte qu’elle soit porteuse de vie pour le journalisme et la vie médiatique en général, et moins mortifère comme le laisserait penser sa réalité économique dont il convient de dire qu’elle est loin d’être aussi reluisante que sa conduite éthique, désormais, acquise et bien comprise.
Des attentes en matière économique
Quitte à manipuler des chiffres qui donnent le vertige aux lecteurs, nous ne ferons pas l’économie de dire que la presse algérienne qui compte, selon des sources fiables, quelque 130 titres privés, outre les 6 titres publics, brasse près de 1.000 milliards de centimes par an à travers la manne publicitaire publique, dont la moitié échoit, de bon droit, aux grands titres que sont les journaux publics, dont la présence nationale et la masse salariale sont conséquentes.
Il reste 500 milliards de centimes pour la presse privée. Une manne dont il faudrait défalquer la part de l’IBS qui est de l’ordre de 26%, soit près de 130 milliards de centimes. Si l’on retranche de ce qui reste les charges salariales, parafiscales et des frais de fonctionnement, il ne reste pas grand-chose pour permettre à un fiscaliste d’oser prétendre regarder la presse comme une niche fiscale.
Loin s’en faut. Quand un homme politique voit, à juste titre, dans la presse un relais important du débat national dans la marche vers le développement et dans les positions patriotiques de défenses multiformes des intérêts supérieurs du pays, c’est un argument prégnant qui devrait pousser le gestionnaire de la chose économique à ne pas regarder l’activité journalistique comme un secteur commercial ou une source de fiscalité.
Il serait, pour l’exemple, plus juste et un tant soit peu viabilisant que la TVA de la publicité institutionnelle, qui ne recherche nulle rentabilité à travers sa diffusion, soit à 7 et non à 19%.

Quelles chances pour la transition ?
A l’ère de la 4G et de la 5G, dans un pays où il existe pas moins de 49 millions de smartphones, pour une population de 44 ou 45 millions d’habitants, où la numérisation est menée à marche forcée, la presse papier devra un jour ou l’autre faire le saut pour trouver une seconde vie dans l’existence digitale afin d’y poursuivre ses missions. Ses missions d’information, de ré-information, de sensibilisation, d’instruction scientifique et culturelle, de divertissement et, surtout, de promotion d’une idée certaine de l’Algérie, de la République, de son histoire, de sa culture, de son patrimoine, etc. Autant de choses que seuls des journaux aguerris aux enjeux nationaux peuvent porter, avec justesse, vers les espaces digitaux, tout en demeurant, dans cette démarche transformationnelle, des acteurs de l’information professionnelle et éthique au service du pays.
Ce qui pourrait donner ses chances de réussir à cette transition, c’est un modèle économique dont il faut penser la structure, le mode d’articulation, ainsi que le système de gestion. La pérennité d’une certaine idée républicaine du pluralisme médiatique est à ce prix.
Par Ahmed Rehani

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