Alger et Ryad semblent s’affronter géopolitiquement pour le trône arabe

Syrie, Yémen, Soudan, Chine, BRICS, Russie et le grand projet arabe

S’accaparant des efforts et initiatives réalisés par l’Algérie pour le retour de la Syrie à la Ligue arabe, invitant personnellement et sans prendre l’avis des dirigeants arabes le Président ukrainien Vladimir Zelenski au 32e Sommet de Djeddah, ou bien avant s’abstenant au 31e Sommet arabe organisé en novembre 2022 à Alger, le Prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salmane semble défier, géopolitiquement parlant, l’Algérie et sa puissance pour le trône arabe.

Tout a commencé le 26 février 2020, le jour où le chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune avait effectué une visite urgente, voire sa première visite officielle dans un pays arabe, le Royaume de l’Arabie saoudite, suite à l’invitation mystérieuse envoyée par le Serviteur des deux Lieux Saints de l’Islam, le Roi saoudien Salmane Ben Abdelaziz Al-Saoud, où le Président algérien avait été chaleureusement accueilli, à bras ouvert, par le Roi saoudien et son fils, le Prince héritier, Mohamed Ben Salmane, à Ryad, capitale du Royaume de l’Arabie saoudite.
Un voyage plein d’énigmes du moment que le Président Tebboune avait été fraîchement élu à la tête du pays, voire seulement deux mois après son investiture à la tête de l’Etat, et une visite faite dans la précipitation vue l’urgence et la grande importance des raisons de l’invitation du Roi saoudien.
L’Algérie aurait été sollicitée à un grand projet saoudien mais, aucun commentaire n’avait été dévoilé jusqu’à présent sur cette première visite du Président Tebboune en Arabie saoudite. S’entretenant longuement en tête-à-tête et pendant des heures à sa résidence à Riyad, avec le prince héritier du Royaume d’Arabie saoudite, l’Emir Mohamed Ben Salmane Ben Abdelaziz Al-Saoud, vice Premier ministre et ministre de la Défense, le Président algérien avait, de ce fait, été informé et appris des raisons de son invitation par la famille Al-Saoud. Officiellement, et dans un communiqué de la Présidence, rendu public pendant les trois jours de la visite du chef de l’Etat à Ryad, le voyage officielle effectué par le président de la République concernait le développement des relations bilatérales entre les deux pays, l’Algérie et l’Arabie saoudite, sans donner plus de détails. Mais, dans le fond, les raisons de cette visite restent inconnues bien quelles soient purement géopolitiques et géostratégiques.

Une visite d’Etat et un bras de fer s’installe
Cependant et depuis cette visite d’Etat du président de la République effectuée en Arabie saoudite en février 2020, les deux dirigeants les plus puissants du monde arabe, d’un côté le Président Tebboune et de l’autre le Prince héritier Mohamed Ben Salmane, semblent entrés dans un désaccord géopolitique et géostratégique total concernant les grands dossiers de la Nation arabe et la manière de leurs traitements.
Cela avait été flagrant lors de l’organisation en novembre 2022, par l’Algérie, du 31e Sommet de la Ligue arabe, regroupant de nombreux chefs et dirigeants arabes sauf le Prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salmane, qui avait brillé par son abstention du Sommet d’Alger, pourtant se déroulant dans une conjoncture mondiale chargée par de grands défis et remplie par des dangers pour le monde arabe. Une absence officiellement commentée par le Royaume de l’Arabie saoudite sur l’état de santé du Prince héritier, où MBS avait pris une grippe l’empêchant de faire le voyage en Algérie, selon Ryad.
Une absence du Prince héritier au Sommet d’Alger qui avait soulevé et suscité une grande polémique sur les médias internationaux, notamment sur les relations entre l’Algérie et l’Arabie saoudite, allant
jusqu’à même interpréter l’abstention du MBS au Sommet d’Alger d’une crise politique ouverte entre Alger et Ryad sur le retour de la Syrie à la Ligue arabe. Un retour syrien souhaité, planifié et préparé par l’Algérie face à un refus abject saoudien, tel était le motif réel de l’absence du Prince héritier au 31e Sommet d’Alger qui, quelques jours seulement après son absence au Sommet d’Alger, avait apparu en Egypte, lors de sa participation au Sommet sur le climat mondial, souriant et en pleine forme au côté des dirigeants du monde entier.
Alors qu’en vérité, le Prince saoudien, Mohamed Ben Salmane, voulait garder le retour de la Syrie à la Ligue arabe pour le 32e Sommet de Djeddah, pour lui et pour son pays. Un titre qui va permettre à l’Arabie saoudite de signer un exploit et, de ce fait, de sortir de l’engrenage géopolitique mondial qui s’abat sur elle, alors que pour le Prince héritier, le nom lui semble le plus important, car il va lui permettre de gagner de la notoriété et d’un respect de la part de la Nation arabe, de l’Afrique même et du monde musulman.
Une opportunité en or à saisir et à ne pas rater pour le Prince héritier qui, de ce fait, aura la chance d’imprimer son nom sur la scène internationale et, plus loin, devenir le dirigeant idole et idéal pour le monde de demain. Un projet géopolitique malhonnête, une concurrence politique illégale et une sortie saoudienne scandaleuse, faits sur le dos de l’Algérie, et qui divulguent, aussi, des aspirations géopolitiques troublantes du Prince saoudien pendant son règne à la Ligue arabe.

Un Prince héritier à la recherche
d’une célébrité mondiale
En annonçant le retour de la Syrie à la maison arabe, à partir de Djeddah et lors du 32e Sommet de la Ligue arabe, MBS se présente comme le nouveau maître du monde arabe. La soif du trône arabe va pousser le Prince saoudien de chercher à solutionner d’autres crises arabes, même si cela va coûter des milliards de dollars au Royaume saoudien, d’ailleurs, sur ce plan, l’Arabie saoudite a promis de verser quatre milliards de dollars pour la reconstruction du Soudan, voire de l’après-guerre. Une grande somme pareille n’a fait qu’augmenter les gourmandises des deux généraux rivaux soudanais, Abdel Fattah Al-Burhan et Mohamed Hamdane Daglo, qui finiront par accepter la condition très alléchante saoudienne, par baisser les armes et arrêter la guerre rivale qui n’a fait qu’aggraver la vie du peuple soudanais, tuant près de mille parmi eux.
Durant son mandat à la Ligue arabe, Mohamed Ben Salmane va, sans aucun doute, exercer tous son poids pour arriver à faire taire les armes au Soudan, pour réaliser le retour à la vie normale dans ce pays frère, même s’il doit débourser beaucoup d’argent pour arriver à ses fins. Pour le Prince héritier, le mandat arabe doit impérativement être accompagné par des exploits qui vont décorer son parcours à la Ligue arabe. Une opportunité pour imprimer son nom et celui de l’Arabie saoudite mais, à quel prix et par quelles voies ? L’invitation officielle du Président ukrainien, Vladimir Zelenski, au 32e Sommet arabe à Djeddah, envoyée par l’Arabie saoudite, une première dans l’histoire de la Ligue arabe, risque d’être l’un des nouveaux changements géopolitiques imposés par le Royaume saoudien aux pays arabes, alors que la Ligue arabe avait été toujours et dans l’histoire, pris la position de non-alignée dans les différents conflits géopolitiques qui avaient traversé l’histoire de l’humanité. Voilà ce que l’Arabie saoudite tente d’imposer durant son mandat à la Ligue arabe, un jeu dangereux et troublant auquel joue MBS, où le risque de se faire brûler est fortement consentis et engagé. Le Prince héritier se présente comme un futur Roi moderne, célèbre, puissant et imbattable.

Les déclines imposantes du Président Tebboune
En devenant le huitième président de la République algérienne en décembre 2019, le chef de l’Etat s’est engagé dans la politique d’égal à égal et la réciproque, quelle que soit la taille de l’antagoniste, quelle soit petite, moyenne ou même grande, «l’Algérie n’a peur de personne et capable de répondre à toute tentative, menace ou agression contre ses intérêts», avait déjà averti le Président Tebboune lors de ses déclarations multiples.
Cette politique s’applique parfaitement sur l’absence du Prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salmane, au Sommet des dirigeants arabes d’Alger en 2020, un désintérêt du prince saoudien qui a été répliquée par des déclines réciproques du Président algérien, Abdelmadjid Tebboune.
Absent durant le Sommet Chine-Etats arabes organisé à Ryad en décembre 2022, puis lors du 32e Sommet arabe tenu récemment à Djeddah, le Président Abdelmadjid Tebboune, a, de ce fait, fortement répliqué en répondant par la réciproque au désistement du Mohamed Ben Salmane de participer au Sommet arabe d’Alger.
Le Président Tebboune qui est en connaissance parfaite des raisons et des enjeux de la non-visite de MBS en Algérie et de sa résignation du Sommet d’Alger, applique la même politique à l’égard du Prince saoudien.
Même si les deux dirigeants paraissaient souriants lors d’une photo prise au Qatar, lors du mondial footballistique du décembre 2022, toutefois et dans la réalité, une rivalité semble s’installer entre les deux puissants dirigeants arabes.
Une rivalité qui va s’amplifier, sans aucun doute, en raison des prochaines importantes échéances régionales et internationales, cruciales surtout, auxquelles l’Algérie et sous l’ère du Président Tebboune va démontrer toute sa classe diplomatique, sa force géopolitique, sa puissance militaire et sa grandeur historique. L’Algérie saura comment défendre ses intérêts et obtenir le grand respect dans le monde.
L’Algérie qui est sur la voie d’avoir une place sélective parmi les pays de BRICS, qui représente l’un des principaux pays arabes en matière d’échange commercial pour la Chine et pour la Russie, compte, tout comme l’Arabie saoudite, être le pays le plus dynamique en matière du commerce régional, continental et international, le plus solide en matière de l’économie nationale et régionale, et le plus robuste sur le plan géopolitique et militaire. Un autre front de rivalité s’annonce.
Sofiane Abi