Revoir le fonctionnement de l’université en relation avec la réforme du système socio-éducatif

Le savoir, fondement de la richesse des Nations

Je tiens à saluer la dernière réunion du Conseil des ministres où le président de la République a décidé de revoir le statut des enseignants du supérieur, en espérant également celui du primaire et du secondaire.

1.-Cette proposition de revalorisation des salaires de l’université, que j’ai faite en 2008, lorsque la Présidence de l’époque m’avait confié le dossier de l’emploi et des salaires
( 7 volumes 680 pages), ayant proposé que le salaire du plus haut grade de l’université soit aligné sur celui de ministre, le Premier ministre de l’époque s’étant opposé à cette proposition.

Le management des connaissances s’appuie sur les leviers de succès à savoir, les connaissances incorporées dans les produits et services ; les connaissances et compétences humaines au sein de l’entreprise (le capital humain) ; les connaissances contenues dans les processus (la structure interne) ; la mémoire organisationnelle ; la mémoire transactionnelle et enfin les connaissances en tant que biens immatériels (capital intellectuel). Cette ouverture traduit la nécessaire rupture avec les formes de gouvernance centralisées, disciplinaires et mutilantes héritées de l’ère fordienne. Aussi, le capital se socialise dans différents dispositifs technico-organisationnels influant dans le rapport des individus au travail. Les enquêtes montrent clairement que cette extension des savoirs sociaux s’accompagne de nouvelles formes de segmentation (qualifiés/non qualifiés ; mobiles /immobiles; jeunes/vieux; homme/femme) et d’un partage des activités et services qui deviennent de plus en plus marchands (délocalisation avec l’informatique en Inde, l’électronique au Japon, Corée du Sud). Cette approche socioculturelle qui rend compte de la complexité de nos sociétés dont le transfert de technologie en est l’aspect apparent doit beaucoup aux importants travaux de l’économiste indien, prix Nobel, Amartya Sen qui a mis en relief l’importance des anthropologies culturelles des sociétés, existant un lien dialectique entre le transfert de technologie et la culture.

4.- La culture nationale n’étant pas figée, mais évolutive fortement marquée par l’ouverture de la société sur l’environnement englobant l’ensemble des valeurs, des mythes, des rites et des signes partagés par la majorité du corps social est un constituant essentiel de la culture d’entreprise et du transfert technologique.
Les expériences réussies du Japon, des pays émergents comme la Chine et l’Inde montrent que l’on peut assimiler la technologie sans renier sa culture. D’ailleurs le transfert est favorisé lorsqu’existe une meilleure compréhension des valeurs convergentes et divergentes qui s’établissent entre deux groupes et vouloir imposer ses propres valeurs, c’est établir une relation de domination qui limite le transfert. Aussi, la culture d’entreprise est un sous-produit de la culture nationale et par conséquent un ensemble de valeurs, de mythes, de rites, de tabous et de signes partagés par la majorité des salariés et un élément essentiel pour expliquer les choix stratégiques en renforçant les valeurs communes : exemple, les règlements de conduite, les descriptifs des postes, ainsi que par le système de récompense et de sanctions adopté afin de mobiliser les salariés, qu’ils s’identifient à leur entreprise et s’approprient son histoire. Tout cela facilite le transfert de technologie qui ne doit pas se limiter à l’aspect technique, mais également managériale, organisationnel et commercial. L’indice de développement humain ou IDH développé en 1990 par l’économiste pakistanais Mahbub ul Haq et l’économiste indien, prix Nobel d’économie Amartya Sen traduit l’importance du développement du capital humain dont l’éducation et la santé. Dans ce cadre, l’on doit mettre fin au mythe que c’est la possession d’importantes fortunes qui fait la valeur d’une personne, car la bataille de la relance économique de l’Algérie et la place dans la compétition mondiale se remportent grâce à la bonne gouvernance et notre capacité à innover. Combien de compétences avérées, formées par l’Algérie, ayant privilégié dans bon nombre de cas les relations de clientèles, fondement du système bureaucratique- rentier , au lieu des compétences se sont expatriées constituant une fuite de capitaux indirects se chiffrant en milliards de dollars. Selon une étude publiée le 26/ 09/ 2016, par By Africanews entre 1980/2015, la perte pour 500.000 ayant quitté le pays, les pays d’accueil ont économisé 300 milliards de dollars et un manque pour l’Algérie estimé pour cette période à 165 milliards de dollars. Qu’en est-il entre 2017/2023 ? Selon certaines enquêtes récentes, cela ne concerne pas seulement les médecins entre 70/ 80 %, pour des formations pointues, des ingénieurs en informatique, d’ingénieurs, biologistes, d’économistes experts dans les mécanismes financiers, quittent le pays. Uniquement pour les médecins, en 2021, on estime que 16000 médecins et spécialistes algériens exercent dans le pays européens , sans compter les autres pays, et pour 2022 environ 1200 médecins algériens, de différentes spécialités, s’apprêtaient à partir en France pour travailler dans ses hôpitaux après leurs réussite aux épreuves de vérification des connaissances -EVC.

En conclusion, le monde est à l’aube de la quatrième révolution technologique mondiale, avec le développement de l’intelligence artificielle, la transition numérique et énergétique qui préfigurent un bouleversement mondial. Concilier l’efficacité économique et une profonde justice sociale par la maîtrise du savoir, constitue le défi principal de l’Algérie. Le passage de l’État de «soutien contre la rente» à l’Etat de droit «basé sur le travail et l’intelligence» est un pari politique majeur car il implique tout simplement un nouveau contrat social entre la Nation et l’Etat.
Pr des universités,
Abderrahmane Mebtoul
(Suite et fin)