La médiacratie ne règne plus sur l’esprit des peuples

Basculement du rapport à l’information

De nos jours, les médias mainstream, autrement dit les complaisants médias propagateurs et défenseurs de la « vérité étatique et capitalistique », sont concurrencés par les réseaux sociaux animés directement par des femmes et hommes du peuple, porteurs d’informations alternatives, par ailleurs inscrits dans une dynamique de purification idéologique et de démystification médiatique.
La croyance en la toute puissante et hypnotisante parole médiatique s’est effondrée. Les gens, depuis longtemps vaccinés contre la propagande étatique, sont désormais, également, immunisés contre le virus médiatique. La médiacratie ne règne plus sur l’esprit des peuples, extirpés de leur torpeur politique, léthargie intellectuelle et atonie combative.

Assurément, avec l’introduction d’internet, en général, et la généralisation des réseaux sociaux, en particulier, nous sommes entrés dans l’ère de la défiance systématique à l’égard de la pensée dominante et du discours journalistique idéologique vénal. Selon les gouvernants, décontenancés par l’expansion de « l’incroyance médiatique », cette nouvelle impiété salutaire populaire, illustrée par le rejet de la parole journalistique longtemps divinisée, il s’agit d’une véritable « crise de la connaissance », nommée par certains spécialistes l’ère de la « post-vérité ». En d’autres termes, l’ère de la mort de la vérité officielle de la classe dominante en déclin.

« Dès lors qu’on considère que nos gouvernants sont des marionnettes à la solde de puissances obscures (la Finance, l’Oligarchie…), que la démocratie est un théâtre d’ombres et que la réalité du pouvoir se trouve ailleurs, dans les coulisses, on en arrive fatalement à remettre en cause la validité du système qui rend cela possible, à savoir la démocratie libérale ». « La question de la défiance envers les élus et les médias est l’une des explications de ces phénomènes du complotisme », souligne Rudy Reichstadt, qui se présente comme « politologue de formation », « directeur de Conspiracy Watch, l’observatoire du conspirationnisme » et « membre de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès ». Autrement dit, deux entités liées aux puissants. Ainsi, selon cet agent du capital, adopter une posture de défiance à l’endroit des dirigeants et des médias bourgeois relèverait du complotisme.Omniprésent dans les médias, l’autoproclamé expert es complotismes, qui s’ingénie à confondre le complotisme et le scepticisme aux fins de mieux amplifier le phénomène qu’il étudie et, surtout, lui assure ses revenus, Rudy Reichstadt, pour tenter de sortir de ce qu’il nomme « théorie du complot », préconise, en inquisiteur de la bourgeoisie en voie de radicalisation (dont le sens signifie « virage vers l’action violente »), détentrice exclusive de la « vérité scientifique et journalistique » : « La possibilité de se constituer partie civile et de porter en justice des infractions à l’article 27 de la loi sur la liberté de la presse de 1880, c’est-à-dire de poursuivre des gens qui sciemment relaient, notamment sur le Net, des informations fausses », c’est-à-dire des informations alternatives. Dans une interview, cet agent du capital, adoubé par l’État impérialiste français, déplorait la fin de la domination totalitaire des médias. Il accuse ce qu’il nomme le nouveau « écosystème informationnel » d’être responsable de la propagation du complotisme, qui mettrait, selon lui, la démocratie en danger. Traduction : le pouvoir de la bourgeoise en péril, car elle ne contrôle plus de manière totalitaire les moyens de communication. L’éclosion et le développement de l’information alternative, favorisée par internet, expression d’une réelle démocratisation des instruments de communication, serait source non pas d’une émancipation des « citoyens », mais de leur dévoiement (car ils ne s’informent pas à la même fontaine médiatique diffusée par les grands médias officiels contrôlés par les groupes financiers). Dès lors que les « citoyens », par méfiance et défiance, s’éloignent de ces médias officiels bourgeois, ils sont taxés de complotistes par Rudy Reichstadt, porte-voix de ses maîtres, pris d’inquiétude depuis la perte de leur influence, de leur pouvoir de conditionnement des esprits, du façonnement de l’opinion publique.« L’écosystème informationnel dans lequel nous baignons depuis le début du millénaire a démultiplié d’une façon inédite la capacité du complotisme à influencer notre imaginaire collectif. Avec des conséquences éminemment préoccupantes sur notre capacité à continuer à vivre en démocratie (entendre : sous domination de la bourgeoisie, note de l’auteur, NDA). Car c’est bien cela qui est en jeu aujourd’hui : si nous ne partageons plus de « monde commun » (l’idéologie bourgeoisie dominante, NDA), alors le débat démocratique se condamne à être un dialogue de sourds », avait déclaré Rudy Reichstadt. En effet, les « citoyens » sont désormais sourds au discours dominant. Mais ils ne sont plus muets.Aujourd’hui, « on en est au point où le conspirationnisme est un risque systémique », avait-il soutenu, sur un ton alarmiste. « Le complotisme est le signe inquiétant d’un dérèglement de la démocratie », avait-il ajouté.« Comment expliquer autrement que les premiers à vomir « les médias » – en bloc et sans aucun sens de la nuance – soient aussi généralement les meilleurs clients des vrais mensonges de sites «alternatifs» dits de «réinformation» ?, s’insurgeait-il contre les nouveaux Dissidents de l’Occident décadent. Un Occident en butte à des contestations subversives populaires récurrentes, à une désaffection et délégitimation des institutions bourgeoises inédites.Ce suppôt du système, Rudy Reichstadt, accuse certains journalistes (en vrai les authentiques journalistes indépendants), d’adopter une « posture faussement héroïque en vertu de laquelle informer supposerait d’entretenir une suspicion de principe à l’égard d’un Pouvoir – politique, économique, industriel, etc. » Car, selon lui (et ses congénères dégénérés), cette posture professionnelle de distanciation critique vis-à-vis de ces instances informationnelles dominantes alimenterait le complotisme. Autrement dit, le bon journaliste, selon cet agent du capital, est celui qui encense les Pouvoirs politique, économique, industriel, culturel, etc. Celui qui se met sous l’égide des pouvoirs établis. Au vrai, l’accusation de « complotisme » est utilisée par la bourgeoisie et ses suppôts « intellectuels » pour faire taire toute critique du système dominant. C’est une arme rhétorique d’autodéfense employée abondamment par les supplétifs des puissants, en perte de crédibilité.
Plus inquiétant encore, en amateur de l’amalgamisme, Rudy Reichstadt assimile le complotisme à une forme d’antisémitisme. Tout est résumé dans cette allégation. Nous savions, selon les médias dominants sous contrôle, que l’antisionisme « serait le paravent de l’antisémitisme ». Nous découvrons que le complotisme serait également l’écran de l’antisémitisme. Comme l’antisémitisme est moralement blâmable et judiciairement condamnable, le complotisme tomberait ainsi sous les mêmes chefs d’accusation.
Cela étant, le complotisme serait, selon la bourgeoisie dont Rudy Reichstadt se fait le porte-voix, « le signe d’une insolente crédulité ». Le fait que huit Français sur dix (en, particulier les jeunes) croient à ce que la bourgeoisie nomme théorie du complot serait un signe inquiétant. En effet, selon une enquête de l’Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et l’observatoire Conspiracy Watch, « les jeunes sont plus sensibles aux théories du complot » (entendre : plus méfiants à l’égard du discours dominant, notamment médiatique. En l’espèce, le scepticisme de la nouvelle génération est assimilé au complotisme par la bourgeoisie).« L’écart générationnel est très important », note Rudy Reichstadt. Selon lui, cette différence entre l’ancienne et la nouvelle génération est inquiétante. « Les jeunes sont moins immunisés face à ces théories et les générations risquent d’avancer sans qu’il y ait un reflux. Cela pose des questions pour l’avenir », dit-il. D’après cette étude, concernant la confiance dans les médias et leur crédibilité, seules 25% des personnes interrogées jugent que « globalement, les médias restituent correctement l’information et sont capables de se corriger quand ils ont fait une erreur ». En outre, 36% trouvent que « leur marge de manœuvre est limitée et ils ne peuvent pas traiter comme ils le voudraient certains sujets, car ils sont « largement soumis aux pressions du pouvoir politique et de l’argent ».
Pour contrer la flambée d’impiété médiatique des jeunes, régulièrement, le gouvernement français, inquiet pour la « santé intellectuelle » des élèves, c’est-à-dire pour leur « incroyance informationnelle », organise dans les établissements scolaires des journées d’étude sur le thème : « Réagir face aux théories du complot », animées par des « chercheurs, des professeurs et des psychiatres », appelés en renfort pour endiguer ce phénomène d’incrédulité médiatique pandémique. « Un sceptique est un type qui, s’il rencontrait Dieu, lui demanderait ses papiers », a dit un auteur américain. À notre époque caractérisée par l’irréligiosité, en particulier en France, les jeunes, devant toute information publiée par les canaux officiels, exigent des médias, y compris des gouvernants et du président, de vérifier la source. Une chose est sûre : le scepticisme est le premier pas vers la vérité. Autrement dit, vers la démystification du mensonge, la démythification du discours dominant sacralisé. Honoré de Balzac notait que « Les sceptiques sont les hommes les plus consciencieux. »Cela étant, curieusement, la seule mouvance accusée systématiquement de complotisme est d’obédience de gauche et d’extrême-gauche. L’ancien dirigeant du parti travailliste, Jeremy Corbyn, est, par exemple, accusé de « liens avec la mouvance conspirationniste ». Jean Ziegler, sociologue et vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, aurait un « tropisme conspirationniste ». Jean-Luc Mélenchon et son parti, la NUPES, leurs conceptions de politique étrangère sont jugées également « conspirationnistes », du fait de leur soutien supposé des régimes russe et iranien.Pareillement, la sphère universitaire, animée par des professeurs de la gauche dite critique, est accusée de complotisme.Dorénavant, en France toute pensée dissidente est incriminée, anathématisée, excommuniée, judiciarisée. Voire pathologisée.Sans conteste, en Occident en général, et en France en particulier, la société est entrée dans l’ère de la mort de la vérité officielle de la classe dominante en déclin.
Or, la mort de cette « vérité bourgeoise » catégorielle est assimilée par les médias à la mort de la vérité ontologique universelle. Comme la mort de la croyance en Dieu en Occident fut associée à la fin de l’humanité par les anciennes classes féodales et les hommes d’Église. Au contraire, elle marqua la Renaissance des humanités, donc de l’homme nouveau moderne libre, producteur de sa vie et créateur de ses œuvres.La « crise de la connaissance » et de la « vérité officielle » actuelle sonnent le glas de la société bourgeoise occidentale vérolée. Une classe régnante en déclin assimile toujours la fin de son monde à la fin du Monde. Or, il n’en est rien. La fin du monde bourgeois que nous entrevoyons actuellement marque la naissance du nouveau monde porté par l’humble humanité prolétarienne en pleine effervescence sociale et conscientisation politique, notamment en France, épicentre de l’éruption de la Révolution, animée par le doute systématique et la défiance absolue à l’égard de la contemporaine société bourgeoise mortifère, doublée de l’assurance en sa force militante combative pour édifier sa future société sans classe, fondée sur des rapports sociaux égalitaires authentiquement humains, expurgée des impostures gouvernementales et des mensonges médiatiques.
Khider Mesloub
(Suite et fin)