La source de la poésie est l’oralité

Littérature populaire

Elle est incontestablement d’origine orale, en tant que genre littéraire oral, elle remonte à la nuit des temps, celui des meddah, des aèdes et des griots africains. On peut ajouter que la poésie a commencé depuis que l’invention du langage articulé ; il y avait alors des hommes et des femmes qui arrivaient à communiquer et d’autres, ceux ou celles qui particulièrement, avaient une maitrise parfaite de la langue, s’exprimaient en versifiant. Ainsi, s’exprimer en vers, c’est une question de goût et de moyens. Il faut aimer s’exprimer dans une forme esthétique et pour cela, on doit avoir un bon niveau de langue comme faisaient jadis nos aînés.

C’est une question de savoir bien parler pour être écouté. Et il fut un temps où les gens qui parlaient aisément et avec élégance étaient admirés. Ce qu’ils disaient, n’étaient du bavardage, mais des paroles sensées. Bavarder, c’est trop parler pour ne rien dire ou pour ne dire que des banalités. Ceux qui avaient donné naissance à la poésie, avaient la maîtrise de la langue au point de pouvoir parler en vers ou en prose, ils passaient aisément d’une forme à l’autre. La plupart de ceux qui étaient éloquents, étaient pour la plupart des gens qui ne savaient ni lire, ni écrire. Ils n’avaient pas laissé d’œuvres écrites, c’est le cas du plus ancien fabuliste, Homère qui allaient de place publique en place publique, déclamer des vers qu’il avait lui-même composés ou rapportait des légendes anciennes comme l’Iliade et l’odyssée d’Ulysse. Homère était non seulement maître de la poésie orale, mais aussi fabuliste qui parlait le langage naturel, celui que tout le monde comprenait et dans lequel il racontait se fables, il faut rappeler que cet aède ne savait ni lire, ni écrire comme le grand philosophe Socrate, de la Grèce antique qui ne s’exprimait que par voie orale. Si nous connaissons son œuvre orale, c’est grâce à Platon, son élève qui l’avait transcrite.

La plupart des poètes, chez nous, étaient de culture orale
L’inconvénient de l’oralité, c’est que même les noms des auteurs de poésies disparaissaient, s’ils étaient oraux, ils étaient gardés par ceux qui apprenaient les poésies anciennes, puis ils s’effaçaient des mémoires. C’est de la poésie religieuse comme les histoires de Sidna Youcef et Sidna Moussa composées en vers bien rimés. Celui de Sidna Youcef sont composés de plus de 350 vers rimés dont on ne connait pas le nom d’auteur. L’histoire originale de Sidna Youcef est unen sourate du Coran et au fil du temps, quelqu’un avait eu l’idée de mettre les péripéties de la vie de Youcef en vers classiques pour être destinés a l’apprentissage par cœur et en tamazight. Beaucoup ont essayé d’apprendre par cœur et ils ont réussi à mémoriser le poème entier d’environ 350 vers pour le réciter devant un public émerveillé. On a connu un vieillard qui récitait sidna Youcef, sans se tromper et sans s’arrêter jusqu’à la fin, il avait appris le poème quand il était jeune et il l’a gardé jusqu’à la vieillesse, et pour le réciter, il lui fallait près de trois quarts d’heure. Les vieux se souviennent d’un meddah aveugle qui connaissait par cœur le poème de sidna Youcef et qu’il récitait sur la place publique pour recevoir quelques sous des gens présents intéressés. La tradition orale voulait que le meddah qui passait dans une place publique pour chanter ou pour déclamer des vers anciens, recevait du public quelques centimes de chacun des présents, vieux ou jeunes par récompense de l’avoir entendu chanter ou déclamer des vers.
Dans l’ancien temps, ceux qui avaient le don de composer oralement des vers, entraient dans une sorte de compétition avec les autres du même rang, c’était à qui pouvait faire entendre les meilleurs vers pour mériter les applaudissements du public intéressé. Ainsi tout le monde était encouragé à composer des vers, mais très peu réussissait, c’est une question de niveau de langue et ceux qui étaient à l’aise dans la langue, arrivaient plus ou moins bien à versifier et à participer au concours oral et chacun de donner son jugement sur sa valeur, en public.
Les meilleurs réussissaient à se faire admirer et laissaient leurs œuvres comme modèles méritant d’être appris par les autres. Les meilleures productions entraient dans le patrimoine commun. Pour les plus vieux, la compétition avait lieu dans la boutique de l’artisan, qui étaient la mémoire du peuple et qui était aussi un participant actif tout en étant artisan du bois ou du fer et artisan du verbe. En tant qu’artisan, depuis qu’il a commencé à travailler, il a discuté avec des gens venus d’un peu partout et qui avaient la magie du verbe. Il a appris à se mesurer avec chacun de ceux qui étaient venu chez lui. La boutique de l’artisan est devenue un espace d’échange entre les hommes qui aimaient se mesurer. Ils échangeaient des joutes oratoires, jeu spectaculaire où chacun essaie de montrer qu’il a plus de talent que son compétiteur sur le plan du langage poétique.

Indiscutablement, la poésie a d’abord appartenu à la littérature orale
Avant de rentrer en littérature écrite, elle était depuis la nuit des temps partie intégrante de la littérature orale. Avec l’invention de l’écriture, elle est devenue presque méconnaissable surtout en devenant classique, elle a changé de forme par le rythme, la rime parallèle. On a fait des pièces de théâtre en poésie classique. En devenant surréaliste, elle a totalement changé et on a jugé inutile la ponctuation. On a du mal à reconnaitre la poésie quand elle avait pris la forme de calligrammes. On dit que la poésie, c’est la quintessence de tous les arts, cela veut dire la beauté et tous les arts en sont porteurs.
L’art d’écrire en prose poétique, c’est de la prose qui se sert des plus belles images métaphoriques pour se rapprocher de l’esthétique de l’écriture avec toutes les qualités que cela suppose, un langage à multiples connotations et riche en sonorités. Et ce qui rapproche le beau texte d’un tableau de peinture que tout le monde admire, c’est la beauté dans la forme et le pouvoir expressif de chaque élément qui composent l’œuvre écrite et picturale. La poésie orale est celle qui est véhiculée par l’oralité, c’est-à-dire de bouche à oreille, elle transmet l’information par des moyens langagiers : vers rimés et riches en sonorités pour faciliter une écoute attentive.
Ce qui rapproche la poésie de l’oralité, c’est le fait qu’on n’arrive pas à la dissocier de la musique, de la chanson et du rythme.
La poésie se prête beaucoup à la chanson, elle a toutes les qualités pour être chantée : rimes riches, rythme et thème. Beaucoup de chanteurs ont chanté la poésie bien faite, c’est le cas de Jean Ferrat, qui a chanté les poèmes du poète Aragon. Chez nous, les poèmes de Si Mohand ont été choisis par bien des chanteurs pour ses paroles parfaitement adaptées au rythme de la chanson. La plupart des chanteurs utilisent les paroles des autres, poètes ou paroliers pour chanter, c’est plus facile et il suffit de lui adapter une musique. On parle d’un écrivain de chez nous qui a découvert un ancien texte qu’il a pris soin de le confier à un grand chanteur pour lui demander de bien vouloir le chanter et cet artiste en a fait une très belle chanson d’actualité, il s’agit de l’amour d’une mère que les enfants aiment tendrement parce que celle-ci n’a jamais failli à ses sentiments affectifs, on regrette souvent de ne pas l’avoir aimé lorsqu’elle disparait. La plupart des belles chansons populaires s’appuient beaucoup mieux sur la poésie orale qui parle des sentiments humains. On lui trouve facilement une musique parce qu’elle a un rythme musical.
Cette chanson populaire est un lieu de partage, de rencontre, d’échange. C’est un lieu de partage pour tous ceux qui l’admirent et qui répond bien à leurs aspirations, la chanson unit les individus qui se sentent comme faite pour eux ; c’est pourquoi ils la considèrent aussi comme un lieu de rencontre et quand elle est chantée, ils se sentent vibrer au rythme de la chanson qui traitent d’un thème qui touchent la sensibilité de chacun. La poésie chantée permet de réinventer le langage, le langage commun que tout le monde parle se trouve amélioré par la poésie chantée qui est d’un niveau relevé parce que l’auteur parle une langue qui exprime mieux ce qu’on ressent intérieurement, c’est pour cela qu’on dit que la poésie est une vitamine d’émotion et qu’elle a un côté kinésithérapeute indiscutable et par la chanson qui a ses vertus curatives. Ce qu’on appelle la musicothérapie, ou la thérapie par la musique.
Abed Boumediene