La lutte contre le réchauffement climatique et le développement durable : quels impacts pour l’Afrique ?

Réunion de chefs d’Etat, de Gouvernements, du secrétaire général de l’ONU et des organisations internationales

Le Sommet s’est tenu les 22 et 23 juin 2023 à Paris, co-organisé avec l’Inde, qui occupe la présidence du G20 cette année, la préparation du Sommet étant assurée par un comité composé d’États et d’organisations internationales incluant la France, la Barbade, l’Afrique du Sud, l’Allemagne, le Brésil, la Chine, les Émirats arabes unis, les États-Unis, l’Inde, le Japon, le Royaume-Uni, le Sénégal, la Commission européenne, le secrétariat général des Nations unies, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l’OCDE.Selon les organisateurs, une centaines d’organisations et plusieurs chefs d’Etat et de gouvernements seront présents dont Mia Mottley, Première ministre de la Barbade, Olaf Scholz, chancelier de l’Allemagne, Filipe Nyusi, président du Mozambique, Luis Inacio Lula Da Silva, président du Brésil, et bien d’autres. De nombreux représentants d’organisations internationales, philanthropes et activistes seront également présents : Ajay Banga, président de la Banque mondiale, Antonio Guterres, Secrétaire Général des Nations unies, Ursula Von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, Vanessa Nakate, activiste et ambassadrice de bonne volonté des Nations unies, Melinda French Gates, philanthrope et co-fondatrice de la Fondation Bill & Melinda Gates, etc. Les débats et surtout les solutions tourneront autour de six axes
premièrement, comment faire évoluer le modèle des banques multilatérales de développement pour répondre aux défis du XXIe siècle ;
deuxièmement, mettre en place une nouvelle méthode pour le développement durable ;
troisièmement favoriser les partenariats pour une croissance verte » ;
quatrièmement imaginer d’autres instruments et des financements innovants face aux nouveaux enjeux de vulnérabilité ;
cinquièmement garantir des informations et des données plus fiables et comparables
et sixièmement créer un environnement propice au secteur privé (infrastructures durables, financement des PME) D’une manière générale, le monde est appelé à changer de modèle de consommation, économie d’énergie fossile classique et surtout des biens consommables qui économisent l’eau dont la pénurie sera un enjeu stratégique au XXIème siècle. L’Afrique où le secrétaire général de l’ONU lors d’une conférence de bailleurs de fonds à New York le 24 mai 2023, a annoncé le montant d’un besoin de 7 milliards de dollars pour palier à la menace de millions de personnes dans la Corne de l’Afrique durement touchée par les impacts du réchauffement climatique

1.-Nous assistons en ce début du XXIème siècle, à des disparités de niveau de vie criantes qui font de notre planète un monde cruel et dangereusement déséquilibré. L’abondance et l’opulence y côtoient d’une manière absolument insupportable la pauvreté et le dénuement. La lutte contre le réchauffement climatique engage la sécurité du monde où les rapports de l’ONU prévoient une sécheresse sans pareille entre 2025/2030 avec une pénurie d’eau douce et donc une crise alimentaire. Fondamentalement, si nous échouons à passer à un monde à faible émission de carbone, c’est l’intégrité globale de l’économie mondiale qui sera menacée, et en premier lieu l’Afrique, car le climat mondial est un vaste système interconnecté. Selon la Banque mondiale, l’Afrique n’est responsable que de 3,8 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde et pourtant, du Sahel à la corne de l’Afrique, et jusqu’au sud du continent, les pays africains subissent de plein fouet les effets dévastateurs de sécheresses et d’inondations de plus en plus sévères avec des conséquences dramatiques sur l’agriculture et son soubassement l’eau douce, sur la production de nourriture où l’agriculture est le moyen de subsistance de 80 % de la population du continent. (voir le débat Pr Abderrahmane Mebtoul Radio Beur/Fm Paris le 30/10/2022 17h sur les enjeux géostratégiques et TV- LCP chaîne parlementaire sur le réchauffement climatique et la sécurité mondiale 31 octobre 2022 Paris France en présence de plusieurs experts disponible sur YouTube). Par conséquent, on ne peut ignorer le lien évident entre l’agriculture et la sécurité alimentaire lorsqu’on évoque le changement climatique. Depuis 1850, notre planète s’est réchauffée en moyenne de 1,1°C et selon le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), le réchauffement planétaire en cours pourrait atteindre 1,5°C à 4,4°C d’ici 2100. Les experts du Giec indiquent que le réchauffement climatique devrait être contenu à +1,5°C au maximum d’ici 2100 pour éviter que notre climat ne s’emballe. Cette limitation sera hors de portée à moins de réductions immédiates, rapides et massives des émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

2.-Le réchauffement climatique a sept (07) effets négatifs qui menacent la sécurité mondiale.
Premièrement, pour la hausse du niveau des mers, le constat est la hausse moyenne des températures qui provoque une fonte des glaces continentales (glaciers, icebergs, etc.). Le volume de glace fondue vient s’ajouter à celui de l’océan, ce qui entraîne une élévation du niveau des mers. Près de 30% de cette élévation est due à la dilatation causée par l’augmentation de la température de l’eau. Le taux moyen d’élévation du niveau marin s’accélère, était de près d’1,3 mm par an entre 1901 et 1971, d’environ d’1,9 mm par an entre 1971 et 2006, et il atteint près de 3,7 mm par an entre 2006 et 2020, le GIEC estimant que le niveau des mers pourrait augmenter de 1,1 m d’ici 2100. Comme impact, les zones côtières seront confrontées à des inondations dans les zones de faible altitude plus fréquentes et plus violentes et à l’augmentation de l’érosion du littoral.
Deuxièmement, la modification des océans qui absorbent naturellement du gaz carbonique, en excès dans les océans, acidifie le milieu sous-marin, ce qui provoque la disparition de certaines espèces, notamment des végétaux et des animaux tels que les huîtres ou les coraux. En plus de son acidification, la modification des océans entraîne une baisse de sa teneur en oxygène, réchauffement et augmentation de la fréquence des vagues de chaleur, affectant les écosystèmes marins et les populations qui en dépendent.
Troisièmement, l’amplification des phénomènes météorologiques extrêmes provoque l’évaporation de l’eau, ce qui modifie le régime des pluies plus intenses, avec les inondations qui les accompagnent dans certaines régions, et des sécheresses plus intenses et plus fréquentes dans de nombreuses autres régions. En effet, lors de pluies violentes, les sols ne peuvent pas fixer l’eau, s’écoulant alors directement vers les cours d’eau plutôt que de s’infiltrer, les nappes d’eau souterraines ne pouvant se reconstituer. Le réchauffement planétaire entraîne le dérèglement des saisons et le déplacement des masses d’air qui pourraient, à long terme, accroître le nombre d’événements climatiques extrêmes: tempêtes, ouragans, cyclones, inondations, vagues de chaleur, sécheresses, incendies.
Quatrièmement, le réchauffement climatique est une menace sur les plantes et les animaux car les cycles de croissance des végétaux sauvages et cultivés sont modifiés: gelées tardives, fruits précoces, chute des feuilles tardives, etc. Beaucoup d’espèces ne supporteront pas les nouvelles conditions climatiques et l’agriculture devra s’adapter en choisissant des espèces précoces.. Les comportements de nombreuses espèces animales sont perturbés et devront migrer ou s’adapter sous menace d’extinction.
Cinquièmement, l’impact du réchauffement climatique bouleverse les conditions de vie humaine. Certains de ces effets sont irréversibles où selon le rapport du Giec, environ 3,3 à 3,6 milliards de personnes vivent dans des habitats très vulnérables au changement climatique.. Si le niveau des mers augmente d’1,1 m d’ici 2100, près de 100 millions de personnes seront contraintes de changer de lieu d’habitation, et certaines terres côtières ne seront plus cultivables et en plus, le changement climatique accroît les risques sanitaires: vagues de chaleur, cyclones, inondations, sécheresses, propagation facilitée de maladies.
Sixièmement, les dérèglements climatiques perturbent la distribution des ressources naturelles, leur quantité et leur qualité. De plus, les rendements agricoles et des activités de pêche sont impactés. Les rendements agricoles pourraient baisser d’environ 2% tous les 10 ans tout au long du XXIe siècle, avec des fluctuations chaque année.
Septièmement, les impacts sur les coûts. Ainsi, l’AIE les engagements gouvernementaux actuels ne permettraient d’atteindre que 20% des réductions d’émissions d’ici 2030 et devant investir chaque année jusqu’à 4000 milliards de dollars /an au cours de la prochaine décennie,. La priorité est de diriger la majorité de ces investissements vers les économies en voie développement, et vers de nouveaux investissements : les véhicules électriques, l’hydrogène, le captage / stockage du carbone et biocarburants, sur l’efficacité énergétique dont le transport de l’énergie, le Btph, l’industrie sans compter d’autres secteurs comme la santé , l’agriculture et les loisirs avec un nouveau mode du tourisme ce qui nécessite la réforme du système financier mondial du fait que les obligations vertes représentent en 2021 seulement 2% de la valeur du marché obligataire mondial. Sans changement de trajectoire, les prévisions du Nges, qui s’appuient sur la simple mise en place des politiques actuelles, envisagent une perte de production équivalant à environ 5% du PIB mondial d’ici 2050, et jusqu’à 13% d’ici 2100.

3.-C’est dans ce cadre que rentre les défis de l’Afrique. Les sujets tels que l’intensification de l’inflation, du chômage, de l’endettement , de la pauvreté reflet sous-développement des pays africains ainsi que la constante marginalisation de l’Afrique nécessitent une nouvelle intervention radicale, menée par des leaders africains, qui aurait une nouvelle vision garantissant la régénération de l’Afrique, où face aux rivalités des grandes puissances et de certaines pays émergents, expliquant les différents conflits qui minent son développement, en dernière date au Soudan, dont le devenir sera ce que les citoyens et leurs dirigeants voudront qu’elle soit. afin de supprimer la pauvreté et de placer l’Afrique sur la voie d’ un développement. Il s’agit de renforcer la participation de l’Afrique dans le commerce mondial, (entre 12 et 16%) par des sous intégrations régionales , car existant des Afriques et non une Afrique Il s’agit de concrétiser la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) qui permettrait de mener à bien les réformes de fond nécessaires pour stimuler la croissance à moyen et long terme. La création d’un marché unique à l’échelle du continent pour les biens et les services, les affaires et les investissements pourrait permettre de restructurer les économies africaines afin que le continent horizon 2030 puisse peser dans le commerce mondial, le PIB global étant modeste évalué par la Banque mondiale à 2 980,11 milliards de dollars en 2022 , l’équivalent d’un seul pays européen la France, alors que l’UA est composé de 55 États membres représentant l’ensemble des pays pour une population estimée en 2021 à 1,4 milliard d’habitants fin 2022, avec une prévision de 4 288,08 milliards de dollars en 2027 et la part de l’Afrique dans le commerce mondial selon la CNUCED est passé de 4 % en 1980 à moins 2 ,8% fin 2021. Selon un rapport de l’OUA, la ZLECAf pourrait permettre aux pays africains de faire sortir de l’extrême pauvreté 30 millions d’habitants et d’accroître le revenu de 68 millions d’autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour. Sur les 450 milliards de dollars de gains potentiels, environ 300 milliards proviendraient des mesures de facilitation du commerce visant à lever les freins bureaucratiques et à simplifier les procédures douanières. Le champ d’application de la ZLECAf est vaste. L’accord réduira les droits de douane entre les pays membres et traitera d’aspects de politique générale liés notamment à la facilitation des échanges et aux services, tout en englobant des dispositions réglementaires telles que les normes sanitaires et les barrières techniques au commerce. La mise en œuvre de la ZLECAf permettrait de réorganiser les marchés et les économies de la région et de stimuler la production dans les secteurs des services, de l’industrie manufacturière et des ressources naturelles…

En conclusion, le réchauffement climatique est une question de sécurité mondiale car si l’Afrique, l’Asie dont la Chine et l’Inde plus de 4 milliards d’habitants sur les 8 milliards d’habitants que compte notre planète depuis janvier 2023, avaient le même modèle de consommation énergétique que l’Europe et les USA, moins d’un milliard d’habitants pour un PIB mondial dépassant les 40%, en 2022, il faudrait selon les experts trois à quatre fois la planète terre. Le monde connaît un bouleversement inégal depuis des siècles, d’un côté pluies diluviennes, inondations de l’autre côté, sécheresse et incendies. Pour réduire les coûts, impossible à supporter par un seul Etat, Il s’agira d’accélérer la coopération internationale et la transition énergétique (l’efficacité et sobriété énergétique, développement des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert). Il devient impératif pour les pays développés et pour l’intérêt de l’humanité qu’à une vision strictement marchande se substitue un co-développement pour une richesse partagée. L’enjeu du XXIe siècle est celui d’une véritable politique écologique tenant compte de la protection de l’environnement et du cadre de vie, impliquant une réorientation de la politique agricole, industrielle et énergétique. Le dialogue des civilisations et la tolérance sont des éléments plus que jamais nécessaires à la cohabitation entre les peuples et les nations.

Professeur des universités, expert international Abderrahmane Mebtoul