Moyens de locomotion, évocateurs de voyage

Echappées belles

En ces temps de canicule éprouvante, le rêve de chacun est de s’évader vers un ailleurs plus clément pour se détendre le corps et l’esprit.

Ce qui compte le plus, c’est d’avoir une destination agréable même si l’on doit s’y rendre par le plus vieux train qui nous fait remonter loin dans le temps, mais avec un plaisir immense. Lorsque ce train démarre avec un bruit infernal, on a tout de même l’impression d’être arraché à un univers tristement monochrome. Et que d’imprévus heureux ou malheureux peuvent survenir au cours d’une marche tumultueuse et rythmée.
Le meilleur moyen de locomotion qui procure de la joie
Quelques-uns vous diront qu’avec ces chaleurs cuisantes, le train qui roule avec les portes et fenêtres ouvertes pour faire circuler l’air est nettement meilleur surtout avec le moins possible de voyageurs. D’autres pensent tous ceux qui dans les siècles passés ont parcouru des centaines de kilomètres pour atteindre des destinations lointaines. Le poète Si Mouh ou M’hand allait à pied jusqu’à Tunis où son frère travaillait comme marchand de beignets, il l’aidait sitôt remis de la fatigue de ce long voyage, à répondre à une clientèle abondante quand il ne faisait pas écrivain public. Celui qui nous revient comme grand marchand, c’est Ibn Khaldoun qui disait qu’on pouvait longer les pays du Maghreb en suivant l’ombre des arbres. On ne peut pas ne pas penser à nos ancêtres des siècles passés qui se rendaient d’Algérie aux Lieux Saints pour accomplir le pèlerinage.
Cela devait leur demander deux ans aux dires de ceux qui ont conservé dans leur mémoire quelques péripéties de leur récit de voyage long et difficile. Ils en sont revenus heureux d’avoir accompli un devoir sacré, en gardant intactes leurs convictions religieuses. Parmi les anciens voyageurs passionnés d’aventure, ceux qui avaient appris à écrire ont laissé derrière eux des récits merveilleux de leurs pérégrinations qui les avaient conduits d’un continent à un autre. Composés dans un style bien travaillé, leurs textes appelés «Relations de voyage» sont à classer dans la littérature fantastique ce fut le cas d’Ibn Battûta ou d’El Wartilani. Et que de situations aléatoires aujourd’hui !
Que de chemins parcourus pour arriver aux moyens de locomotion modernes comme l’avion qui a transformé le monde en village. On peut joindre deux villes situées aux antipodes en quelques heures. Mais soyons clairs, en raison du coût des voyages, les moyens ultra-modernes de locomotion ne sont pas à la portée de tout le monde. Même le train n’est pas accommodant et le retour aux bêtes de somme est impossible. Et à défaut d’autobus qui s’arrêtent partout en nous faisant courir le risque d’arriver en retard au lieu de la destination, on a tendance à préférer le train malgré le prix du ticket, en cette saison des grandes chaleurs, les wagons sont conçus pour rendre le voyage agréable, la vitesse est convenable et la climatisation est impeccablement réglée. Cependant, chez nous, le train a ses caprices insupportables. Au cours du mois de juillet 2011, on en a eu la preuve. D’abord, personne n’a pu savoir pourquoi il n’y a pas eu de rames de 8 à 10h au point où les gares se sont remplies. Puis vers 10 h50, un train à deux wagons seulement arrive à quai et plein à craquer si bien que les voyageurs dont le nombre peut correspondre à deux fois ce que peuvent contenir ces deux wagons sont rentrés miraculeusement sans marcher sur les pieds de ceux qui s’y trouvaient et qui avaient du mal à retrouver un espace pour se tenir debout sur les orteils. Ensuite, ce fut le démarrage en apparence normal de l’extérieur. Il fallait être dedans pour témoigner d’une situation catastrophique. On ne pouvait pas faire le moindre mouvement sans gêner les autres. Au bout de quelques minutes, la chaleur excessive dehors s’était répercutée sur la température ambiante devenant ainsi de plus en plus insupportable, voire même étouffante. L’étouffement allait crescendo quand des voyageurs inondés de sueur et de santé fragile avaient commencé à se sentir mal en point. Les portes et les fenêtres fermées hermétiquement augmentaient le risque de tomber évanoui, d’autant plus que la climatisation, selon les connaisseurs, s’était transformée en chauffage. La chaleur était telle que même les pantalons se chargeaient de sueur.
Heureusement que de temps à autre, lorsque le train s’arrêtait pour laisser s’ouvrir les portes, quelques bouffées d’air arrivaient de l’extérieur pour apporter des signes de survie. Ceux qui ont programmé cet enfermement comme dans une cocotte ne doivent rien savoir sur les capacités de résistance d’un être humain, même bien portant, lorsqu’il est mis dans un espace réduit au maximum et sans aération. On ne sait pas non plus que les voyageurs sont faits de diversité : les uns sont vieux, malades chroniques, cardiaques, d’autres souffrent de phobiclaustration, de sueurs, de manque d’air et peuvent devenir hypertendus. Chacun est dans un état de santé imprévisible. Mais on n’y pense jamais et la vie continue aléatoirement.