Verrouillage des réseaux sociaux pour museler les dissidents

France

Ce vendredi 30 juin 2023, Emmanuel Macron, à l’issue de la énième cellule de crise, a accusé les réseaux sociaux et les jeux vidéo de favoriser le climat d’émeute, d’alimenter les violences.

D’emblée, il convient de remarquer la stratégie d’amnésie et d’amnistie déployée par Macron. Amnésie, car il feint d’oublier curieusement l’origine des émeutes, des violences : le meurtre d’un adolescent par un policier sûr de son bon droit et agissant sur des réflexes racistes et néocoloniaux ancrés dans l’appareil répressif étatique de la France. Par cette volontaire omission, il procède à une subreptice amnistie du coupable, à l’absolution du crime. Par ce subterfuge communicationnel, le locataire de l’Élysée détourne l’attention de l’opinion publique : il porte la focale sur les réseaux sociaux, accusés de répandre le chaos, d’inciter au crime. Par ce tour de prestidigitation présidentielle, il disculpe sa politique antisociale chaotique et ses fonctionnaires de police mis en examen pour homicide volontaire, c’est-à-dire meurtre. Ainsi, Macron travestit délibérément la réalité en accusant les réseaux virtuels.

Le régime aux abois de Macron en proie à la fièvre obsidionale
Comble du cynisme, le président Macron a estimé que certains émeutiers sont « sortis du réel » avec un sentiment qu’ils « vivent dans la rue, les jeux vidéo, qui les ont intoxiqués ». Pour neutraliser « la nuisible influence des réseaux sociaux », il a annoncé qu’il allait demander « aux plateformes, notamment Snapchat, Tiktok et d’autres », de « retirer les contenus les plus sensibles ». Pour rappel, au nom de la défense de la démocratie, le gouvernement français et les médias mainstream avaient fustigé les autorités égyptiennes et iraniennes pour avoir procédé à la coupure d’Internet, respectivement en 2011 et en 2022.
Le pouvoir macronien sombre-t-il dans la paranoïa gouvernementale ? En tout cas, tétanisé et apeuré par l’ampleur des émeutes, le régime aux abois de Macron est en proie à la fièvre obsidionale.
Et ce n’est pas la première fois que le gouvernement Macron accuse les réseaux sociaux de propager la subversion, de promouvoir la dissidence.Déjà, en 2021, en pleine pandémie de Covid-19, confronté au mouvement de contestation anti-vax et anti-pass, il avait accusé les plateformes de contribuer à la diffusion des « théories complotistes ». Pour endiguer la propagation de ce « virus de liberté numérique », il avait décidé d’instituer, en septembre 2021, une commission intitulée « Les Lumières à l’ère numérique », en vue de redonner de l’éclat à sa gouvernance ternie par l’imposture sanitaire et gouvernée par l’opacité.
Pour rappel, lors de la pandémie de Covid-19, cette opacité fut incarnée deux ans durant par l’occulte Conseil de défense, véritable cabinet noir au sein duquel siégeaient de ténébreux ministres et généraux animés de sombres projets, à observer l’interdiction faite aux membres de divulguer quelque information relative aux délibérations soumises au secret défense. Et dire que Macron accuse les Français de complotisme.
Sans nul doute, ces dernières années, la classe dirigeante française a succombé à ses vieux démons par sa politique de l’inquisition, pour éprouver le besoin méphistophélique de contrôler et de surveiller internet aux fins de museler la dissidence protéiforme française.
Dans le prolongement du durcissement autoritaire imprimé à sa gouvernance, sur fond de la militarisation de la société soumise à la terreur policière, en vue de verrouiller la dissidence, étouffer toute contestation amplifiée par le concours d’internet, le régime oligarchique macronien avait décidé, en septembre 2021, d’installer une commission chargée de rédiger un rapport sur « l’état des désordres informationnels » occasionnés à la société par l’usage des réseaux sociaux, sur les perturbations « de la vie démocratique » engendrées par les flux numériques. Un rapport, par ailleurs, assorti de recommandations pour neutraliser la déflagration de cette bombe numérique aux impacts informationnels dissidents subversifs. Plus clairement, pour verrouiller cet espace numérique de liberté, jugé trop indépendant et dérangeant par le pouvoir établi.
Selon l’Élysée, cette commission devait se charger de « mesurer les dangers du numérique sur la cohésion nationale et nos institutions afin de mieux y faire face », avec comme objectif la fixation d’un canevas épistémologique du raisonnable et du vrai. (On croirait lire une prédication civique rédigée par un obscur missionnaire laïc en guerre contre les « forces du mal » menaçant la foi républicaine française bourgeoise).

Des pistes de réflexion pour converger vers les réflexions pistées
La vérité surgit toujours de l’obscurité dans laquelle les puissants s’efforcent malaisément de la cantonner pour lui éviter d’éclater au jour. En quelques petits mots anodins, le gouvernement Macron dévoile l’objectif de cette commission : protéger la cohésion nationale et les institutions des dangers… de la dissidence, contestation, subversion, de l’insurrection, des émeutes, toutes entrées en activité volcanique dans une éruption sociale subversive, ces dernières années, illustrées par le mouvement des Gilets jaunes et des anti-pass, celui de la contestation de la réforme des retraites, et par les violentes émeutes actuelles.
À la vérité, cette commission n’a aucune vocation pédagogique. C’est un instrument inquisitorial destiné à l’endiguement du déferlement des vagues de dissidence enregistrées sur tous les fronts de la vie sociale, notamment médiatique numérique.
Pour ce faire, cet organe d’État de contrôle de la pensée aura pour mission de préparer « des propositions complètes dans le champ de l’éducation, de la régulation de la lutte contre les diffuseurs de la désinformation en ligne ». En résumé, cette commission a pour dessein de proposer des pistes de réflexion pour converger vers les réflexions pistées, autrement dit au contrôle de la pensée, à la pensée contrôlée.
Cette entité inquisitoriale est composée de 13 « scientifiques », pour qui la science acquiert sa véracité et l’information conquiert sa validité exclusivement de l’État, autrement dit du gouvernement Macron, le tout puissant omniscient et omnipotent président jupitérien, qui n’est pas un simple Dieu, mais le roi des dieux en matière de gouvernance et de connaissance, en fait d’instruction pédagogique et numérique.

Radicalisation et fanatisation de Macron
À cet effet, l’Ayatollah Macron en voie de radicalisation, fanatiquement mobilisé dans une opération d’éradication de toute pensée politique dissidente, pour protéger son tyrannique régime oligarco-policier, a fixé quatre objectifs à ses pasdarans, ces Gardiens de la République bourgeoise laïque et impérialiste française, en charge de la défense de l’orthodoxie économique libérale dégénérée.
Le premier vise à « définir un consensus scientifique […] sur l’impact d’Internet dans nos vies ». Le second consiste à « formuler des propositions » touchant à la fois à l’éducation, à la prévention, à la régulation et à la judiciarisation des « entrepreneurs de haine » en ligne (entendre : haine antisystème, qu’il faut donc museler. Car la haine raciste, notamment anti-arabe et antimusulmane, actuellement virulente sur plusieurs plateaux télé, n’est nullement visée. Aussi, continuera-t-elle, dans cette France officielle enivrée, de nouveau, d’esprit de Vichy qui innerve idéologiquement les nostalgiques néocolonialistes et pogromistes, à être diffusée librement sur les chaînes de télévision et les ondes des radios françaises, et bien évidemment les réseaux sociaux).
Troisième objectif : « proposer de nouveaux espaces communs » en ligne promouvant « la démocratie », « la citoyenneté » et le « collectif ». (Promouvoir la démocratie, la citoyenneté ? Je me retiens de m’escalffer de rire devant tant d’impostures. Macron, l’enfant gâté de la bourgeoisie, intoxiqué par le jeu du pouvoir totalitaire bâti à sa démesure, est vraiment « sorti du réel » : il vit dans un monde virtuel)
Enfin, marche forcée vers la guerre généralisée oblige, la commission élyséenne devra « développer une analyse historique et géopolitique » des menaces internationales auxquelles la France est exposée sur Internet (c’est-à-dire débusquer les ennemis intérieurs).
D’aucuns, non sans ironie, ont baptisé cette Commission « ministère de la Vérité », en référence au chef-œuvre 1984, rédigé par le romancier George Orwell. Car, sous couvert de lutter contre le complotisme, le « déviationnisme politique » et la corruption civique, l’objectif de la commission consiste à imposer La Vérité officielle conçue par les élites politiques, médiatiques et intellectuelles d’obédience macronienne, c’est-à-dire la Macronie bourgeoise, cette orthodoxie décatie du capitalisme français décadent, qui ne souffre aucun schisme politique, hérésie économique, hétérodoxie scientifique, dissidence informationnelle (taxée de complotisme), et schisme numérique (jugé corrupteur de la jeunesse adepte des réseaux sociaux).
La République laïque bourgeoise française ressemble à ces religions dont les temples hissent encore leurs splendeurs architecturales, mais dont le culte se réduit à des incantations proférées dans le désert, faute de base sociale religieuse disparue du fait de l’extinction de la foi. En vrai, plus aucun prolétaire français (85% des personnes en activité professionnelle sont salariés, donc prolétaires, encore moins les prolétaires sans activité et leurs enfants) n’adhère à l’idéologie rancie re-poubelle-icaine française prêchée par une classe dirigeante moralement corrompue, politiquement décadente, économiquement défaillante, et historiquement périmée.
De fait, par l’institutionnalisation de cette commission, cela revient à considérer la population française comme une masse inculte ayant besoin d’être éclairée par un aéropage d’esprits « cultivés » triés sur le volet par le brillantissime pouvoir macronien, renommé pour être composé d’éminents intellectuels mondialement reconnus pour leur érudition encyclopédique et leur indépendance d’esprit.
Globalement, cette instance épistémologique moralisatrice sera chargée de départager le vrai du faux, autrement dit de dicter Sa vérité scientifique et informationnelle fondée sur l’indiscuté et indiscutable paradigme gouvernemental macronien, réputé pour son éthique en politique (cette science des mœurs républicaines œuvrant à l’adoucissement des comportements et à la perfection des conduites civiques, en d’autres termes à la chloroformisation des consciences) et pour sa morale économique philanthropique (œuvrant, comme tout le monde le sait, pour le bonheur de l’humanité, les 1% de la population mondiale, ces Élus de Dieu-capital, amis et parrains de Macron, au profit desquels il gouverne – spolie – la France).
Khider Mesloub
A suivre …