La détermination des Moudjahidine était plus forte que le déluge de feu

Opération Jumelles

La détermination des moudjahidine à poursuivre la Révolution jusqu’au recouvrement de l’indépendance nationale a permis de faire face à l’opération Jumelles, un véritable déluge de feu enclenché par l’armée coloniale française le 22 juillet 1959 dans la wilaya III historique dans la perspective d’anéantir l’Armée de libération nationale (ALN) dans les maquis de la région, a indiqué à l’APS l’ancien Moudjahid Amar Otmani.
Rencontré chez lui à Tizi-Ouzou, cet ancien agent de liaison entre les wilayas III et IV historiques, aujourd’hui âgé de 92 ans, se rappelle, «comme si l’évènement datait d’hier», de cette étape de la Révolution.
«Jamais nous n’avions vu un déploiement aussi important de forces terrestres, aériennes et maritimes et en simultané», a-t-il dit, ajoutant que «passé l’effet de surprise, les moudjahidine, loin d’être démoralisés, se sont armés de courage, de leur expérience et maîtrise du terrain et de leur connaissance de l’ennemi, pour continuer la lutte armée».
A propos des renforts ennemis dépêchés dans la région, il se souvient que les forces armées coloniales étaient déployées, durant l’opération Jumelles, de Si Mustapha (Boumerdes) jusqu’aux limites de la wilaya de Sétif. Pour y faire face et se donner du courage, les moudjahidine s’identifiaient à leurs chefs et leaders militaires.
Chacun se disait : «Je suis Amirouche (tombé au champ d’honneur quelques mois avant l’opération jumelles) ou un tel autre chef ALN pour se donner du courage et continuer», a-t-il dit.
Durant cette étape de la Révolution, Amar dit avoir poursuivi sa mission. Il était hors de question pour lui de baisser les armes.
«Nous étions déterminés et prêts à mourir pour notre cause, l’indépendance de l’Algérie, donc nous n’avions pas peur de la mort, l’opération Jumelles, en dépit des pertes énormes parmi nos frères combattants, ne nous a pas dissuadé».
Face à la déferlante des forces de l’armée coloniale, les moudjahidine ont continué la lutte armée, malgré la pression et le manque d’armes que subissaient déjà les maquis de la Révolution suite au déclenchement du Plan Challe (du 6 février 1959 au 6 avril 1961).
M. Otmani ajouta en souriant : «les moudjahidine ont organisé des embuscades et tué des militaires français avec des armes de l’ennemi récupérées lors de précédentes opérations militaires».
Cet ancien moudjahid qui devait, de par sa mission d’agent de liaison, faire le trajet entre les postes de commandement des deux wilayas III et IV historiques, en plein opération Jumelles, témoigne avec émotion, des conséquences de cette opération sur le déplacement des moudjahidine et sur les opérations de l’ALN qui a dû se réorganiser pour dépasser cette nouvelle offensive.

Les missions devenues plus difficiles mais pas impossibles
La mission d’agent de liaison étant importante et devant se poursuivre en toutes circonstances, M. Otmani continuait à se déplacer entre les deux wilayas historiques. «L’opération Jumelles a rendu ma mission des plus difficiles, mais pas impossible. Pour traverser la wilaya IV vers la Wilaya III et acheminer le courrier, il me fallait plus de temps. Le trajet me prenait entre deux à trois mois à cause des risques et des embuscades le long du parcours», se rappelle-t-il.
«J’avais l’habitude de me déplacer entre la wilaya III et la wilaya IV dans le cadre de mes missions, j’ai même fait partie d’un convoi d’acheminement d’armes à partir de l’étranger, et je suis tombé dans des embuscades, mais de tout mon parcours de combattant je n’ai jamais vu pareil déclenchement de forces armées, aériennes terrestres et maritimes», a-t-il ajouté. Les bombes «pleuvaient» sur la wilaya III à partir du ciel et du littoral, dont Tigzirt (Tizi-Ouzou), Dellys (Boumerdes), et Azeffoune (Tizi-Ouzou vers Bejaia).
«Le parcours était beaucoup plus dangereux lorsqu’il s’agissait de se rendre au Poste de commandement de la wilaya III dans les forêts de l’Akfadou. Il y avait un militaire français derrière chaque arbre», se souvient encore ce moudjahid qui est monté au maquis en 1955 pour rejoindre l’Armée et libération nationale (ALN).
A propos des forces déployées par l’armée coloniale à l’époque, l’ancien secrétaire du Poste de commandement (PC) de la wilaya III historique, Amara Azouaoui, rapporte dans son livre-témoignages «Jumelles, le déluge en Kabylie», que «des milliers de moyens de transport et de défenses, (Jeeps, Half-tracks, chars, mortiers à roues), des avions chasseurs, de combat, de transport de troupes, de reconnaissance), des navires de guerre, étaient déployés».
A cela s’ajoutent, selon le même témoignage, diverses divisions d’un effectif total de plus de 60.000 hommes (parachutistes, tirailleurs, légionnaires, fusiliers marins) en renfort au dispositif déjà en place dans la région, armés de mitraillettes, Mat 49, de mitrailleuses 24/29 et Robuste 30, et 12/7.
APS