Mutation de la police en milice insubordonnée et incontrôlable

France

Depuis plusieurs années, face à une crise profonde et multidimensionnelle, la bourgeoisie française, de plus en plus honnie et contestée, pour pérenniser son pouvoir fragilisé par les récurrents soulèvements populaires subversifs, s’appuie exclusivement sur la police afin de défendre l’ordre établi.
Dans une société privée de structures de socialisation et de médiation traditionnelles dorénavant inopérantes, notamment la famille, l’Éducation nationale, les organisations politiques et syndicales, pour assurer une factice cohésion sociale, autrement dit la reproduction des rapports sociaux d’exploitation et d’oppression, la police est devenue le dernier rempart de la bourgeoisie française en déclin.
Une police transformée progressivement en milice œuvrant au service exclusif de la classe dominante. Pis. Une police nationale métamorphosée en « sbires politiques privatisés » chargés de la répression de tous les mouvements de contestation sociale et du musellement de la dissidence à caractère politique, sociale ou écologique. Chargés de la protection des quartiers bourgeois. De là s’explique l’abandon des quartiers populaires, livrés à la violence et à la délinquance, faute de police, convertie en milice mobilisée dorénavant au service des classes dirigeantes pour réprimer brutalement les manifestations, protéger furieusement les institutions étatiques moribondes et les résidences des possédants.
En quelque sorte, une « milice Wagner » intérieure. Pour rappel, le groupe Wagner est une organisation paramilitaire russe qui œuvre dans le but d’assurer la défense des intérêts extérieurs de la Russie. La « milice Wagner » française peut être qualifiée d’une structure quasi militaire (vu son équipement et ses techniques d’intervention musclée) œuvrant dans le dessein d’assurer la défense des intérêts intérieurs de la classe dominante.
Au demeurant, en France, ces dernières années, dans cette ère du vide marquée par l’anomie, l’État, confronté à la perte d’autorité, ne cesse de demander à la police de pallier par la répression les carences de socialisation. Voire, faute d’instances de médiation, d’incarner l’État dans certains quartiers populaires. Aussi, la police, ce « détachement spécial d’hommes en arme », est devenue de facto un État dans l’État. Un « État » qui a acquis une telle prépondérance au sein de l’Exécutif qu’il a échappé à son autorité. Pis. Il lui dicte et lui impose dorénavant ses volontés. Il parasite et paralyse son action et sa souveraineté. De nos jours, c’est l’unique et dominant corps étatique que la population et les jeunes côtoient dans la violence. Ne détient-il pas le monopole de la violence légitime, comme l’a martelé brutalement Gérard Darmanin.

La police française exhibe une arrogance de caste supérieure intouchable

Cela étant, en France américanisée, par sa dégaine, le policier crâneur contemporain rappelle le cow-boy du Far West, ce franc-tireur qui faisait régner la terreur dans les villes avec son pistolet colt. Il avait surtout la gâchette facile. En France, de nos jours, à peine intégrés dans ce corps de métier surprotégé, les nouvelles recrues adoptent une prestance guindée doublée d’une arrogance de caste supérieure intouchable.
Conscients de la prééminence de leur fonction, renforcée par plusieurs privilèges pécuniaires et prérogatives juridiques, assortis d’une garantie d’impunité pénale, ces policiers sont dorénavant dans la toute-puissance. Voire, eu égard à la délégitimation et de la faiblesse de l’État, ils sont persuadés d’être l’unique Puissance. Au-dessus de l’État. Donc au-dessus des lois.
Le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, ne vient-il pas de contester une décision de justice, sans soulever la moindre protestation du gouvernement. Ni encourir la moindre sanction. Tant il représente une institution répressive qui terrorise non seulement la population mais également les ministres et le chef de l’État.
« L’exécutif craint-il de recadrer l’institution policière ? », s’interroge le journal Libération. Tout porte à le croire.
Dans une interview accordée au journal Le Parisien, ce chef de la police a estimé qu’un policier n’avait pas à faire l’objet d’une détention provisoire, pourtant mesure légale destinée à faciliter la manifestation de la vérité.
En effet, assuré de sa toute puissance et impunité conférées à sa corporation policière désormais intouchable, il a déclaré sans détour : « un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a commis des fautes graves ». Il a ajouté qu’il est favorable à la libération de l’agent de la BAC détenu dans le cadre d’une enquête sur des violences policières à Marseille. Pour rappel, soupçonnés d’avoir roué de coups un jeune homme en marge de la révolte des jeunes début juillet, quatre policiers ont été mis en examen. L’un d’eux a été placé en détention provisoire. Une décision qui a suscité aussitôt la colère des syndicats et de la hiérarchie de la police. Suivie d’un mouvement de « mutinerie » au sein des commissariats marseillais pour exiger la libération de l’agent de la BAC. Plusieurs centaines de policiers marseillais se sont mis en arrêt maladie pour exiger sa libération. Quant au syndicat Unité SGP Police FO, il a appelé les policiers sur tout le territoire à se mettre en « code 562 », c’est-à-dire à faire la grève du zèle, pour revendiquer des mesures d’impunité élargies. Notamment un « statut spécifique de policier mis en cause ou en examen », mais également « l’anonymisation totale des procédures en début de carrière, des magistrats spécialisés en usage des armes pour les forces de l’ordre ».

Khider Mesloub
A suivre …