La mère et la grand-mère dans la tradition

Us et coutumes

Deux membres irremplaçables dans une famille traditionnelle travaillant pour une œuvre commune, malgré leurs différences du point de vue caractère et rôle. La mère, depuis la nuit des temps, est la gardienne du feu sacré pour son rôle de protectrice des enfants chargée aussi de donner pour chacun d’eux beaucoup d’affection dont ils ont besoin pour leur épanouissement.

Quant à la grand-mère, elle est la patronne qui gère les biens de consommation ainsi que toutes les affaires concernant les relations avec l’extérieur et la bonne marche de la famille. Il s’agit là de la mère du mari. Ainsi la mère et la grand-mère a chacune ses attributions et pour que tout fonctionne bien, il ne faut pas que l’une d’elle entre dans le rôle de l’autre, cela peut déclencher un conflit de famille parfois insoluble. Mais il arrive que ces deux membres importants dans une famille soient d’une correction exemplaire, elles ont compris que tout repose sur elles pour que tout se passe bien. La mère fait l’effort de bien faire tout ce qui relève de ses responsabilités, la cuisine, la corvée d’eau et tous les travaux saisonniers importants pour la vie de tous dans la famille.
La grand-mère, à condition qu’elle ne soit pas instigatrice des problèmes graves qui font le malheur de chacun, et qu’elle comprenne bien qu’elle a un rôle important et que pour cela, elle doit être très compréhensive vis-à-vis de sa belle fille et qu’elle comprenne normalement le devoir de l’aider dans ses tâches quotidiennes. La grand-mère peut faire la méchante en refusant de n’apporter aucune aide, préférant voir trimer sa belle fille que de l’assister. Il ne faut oublier de rappeler que la grand-mère peut aller jusqu’à détester les enfants de son fils et de n’aimer que les enfants de ses filles, c’est un phénomène naturel ancien, heureusement que ce n’est le cas de toutes les grands-mères.
A côté des méchantes, il y a des vieilles sensées et intelligentes cherchant à faire du bien à tous et sans distinction. Elles n’ont pas le temps de faire des histoires à leur bru, préférant consacrer leurs heures de loisir à innover dans la cuisine et dans la médecine de grand-mère et à transmettre son savoir faire aux jeunes filles. Mais à côté de grand-mère paternelle, il y a la grand-mère maternelle, quelquefois en très bons termes, et souvent en situation conflictuelle.

La mère dans la tradition
Elle a un rôle déterminant dans la famille. C’est elle qui s’occupe pendant de longues années des tâches les plus ingrates, comme la cuisine le matin et le soir avec des moyens presque minimes, faire de façon que personne ne trouve rien à redire et qui n’est pas chose facile. Une autre tâche dure à accomplir, il s’agit de l’eau qu’il faut aller chercher et sur le dos, et parfois en allant au loin. Elle doit s’occuper aussi du bétail, une famille traditionnelle possède au minimum un âne pour le transport, une chèvre ou deux pour avoir du bon lait frais tous les jours. C’est elle qui doit donner à manger et qui doit traire chaque jour, sans jamais faillir. Et s’il y a quelqu’un qui n’a pas droit à l’erreur, c’est bien la maman, tout le monde a quelque chose à lui reprocher, le fils d’avoir oublié de lui coudre un bouton, la fille de n’avoir pas apprêté le manger à temps. C’est une femme qui trime dans l’ombre, personne ne la voit à l’œuvre tant chacun est affairé. Elle mérite largement qu’on lui applique la citation d’un auteur russe très célèbre, Tchékhov qui dit dans une de ses nouvelles : « Nous travaillons pour les autres jusqu’à notre vieillesse. Et lorsque notre heure viendra, nous mourrons sans murmure et nous dirons dans l’autre monde que nous avons souffert, que nous avons pleuré, que nous avons vécu de longues années d’amertume et Dieu aura pitié de nous ».
De plus, quand la grand-mère est méchante, elle doit subir en se taisant, les critiques de sa belle mère. Mais, il y a deux sortes de grand-mère, il y a celle qui aime voir sa belle fille trimer comme une galérienne en jurant de ne jamais faire le moindre mouvement pour l’aider, c’est un plaisir pour elle de la voir dans cet état par jalousie maladive, parce qu’elle lui a pris son fils. Il y a une autre catégorie de grand-mère qui n’a jamais l’intention de créer des problèmes à sa belle fille, au contraire, elle entretient de bonnes relations avec elle parce que c’est une belle mère intelligente, très dévouée à la cause de sa famille en leur apportant assistance médicale, réconfort moral par ses connaissances acquises en littérature orale, en cuisine traditionnelle, en médecine de grand-mère apprise par transmission.

Il y a deux sortes de grand-mère
Il y a celle qui cherche des histoires à sa belle fille, parfois elle en fait son ennemie jurée si bien qu’elle passe son temps à la réprimander pour le plaisir de l’ennuyer, lui trouvant tous les faux prétextes possibles de lui faire des remarques en tous genres : l’eau de la jarre n’est pas bonne, qu’est ce tu as mis dedans, j’ai trouvé plein de mouches dans le couscoussier, personne ne l’a couvert et la machine infernale continue parce que la belle mère n’a rien à faire. Et il y a beaucoup de vieilles de ce genre, certaines d’entre elles poussent leur méchanceté jusqu’à obtenir même le divorce, faisant croire à leurs fils qu’il y a mieux comme femme. Elle cherche une autre femme, et si elle la trouve de sa convenance, elle marie son fils une deuxième fois, même s’il a eu des enfants avec la première, elle ne se rend pas compte que tout le monde devient malheureux. Il y a des vieilles qui réussissent ainsi à faire divorcer plusieurs fois, mais quand le fils a une logique, il envoie paitre sa mère en refusant de l’écouter, surtout s’il a des enfants. Cependant, il existe des belles mères intelligentes qui laissent le couple marié et les enfants en paix, surtout quand elle trouve que son fils vit en parfaite harmonie et qu’ils des enfants à bien élever. Ces belles mères intelligentes jouent pleinement le rôle de grand- mères férues de connaissances en médecine traditionnelle et en cuisine. Elles passent leur vie à chercher les meilleures recettes médicales qui guérissent des maladies surtout infantiles. La plupart d’entre elles découvrent les vertus curatives des plantes médicinales. Par exemple, pour soigner le paludisme qui a longtemps sévi dans les campagnes, on s’est servi des infusions de centaurée, plante à petites fleurs multicolores qui pousse en milieu humide. On boit l’infusion cinq jour de suite et à jeun et vous êtes guéris définitivement.
Les cataplasmes variables selon les maladies sont encore de grand- mère comme tous les procédés ingénieux consistant à mélanger des plantes médicinales et qui ont donné par le passé des résultats probants pour les fièvres, les plaies infectées, les maux de tête, les maux d’estomac, la constipation, la diarrhée ; ce sont là des pathologies courantes et qui reviennent souvent. Ces grands –mères passent des années à faire de la recherche sans discontinuer, c’est une passion pour elles et elles possèdent par transmission orale les bagages acquis par leurs aînées dans le même domaine. Leurs plaisirs c’est d’aller à la découverte de nouvelles recettes médicales ou culinaires. Quant à la cuisine, on assiste à un véritable renouveau perpétuel et par leur esprit inventif, la grand-mère est capable de vous faire un plat appétissant, vous mangez bien sans vous rendre compte du fait qu’il est à base d’ingrédients les plus simples, des plantes sauvages qu’elles connaissent parfaitement pour leur valeur nutritive et qu’elles ont découvertes dans la nature. Associées aux aliments courants, ces plantes permettent d’arriver à un bon équilibre nutritionnel. Il faut parler du don qu’ont ces braves vieilles femmes d’improviser de bons petits plats à base d’œufs et de pommes de terre, surtout pour les petits enfants qui pleurent parce qu’ils ont faim. Ceux qui ont eu la chance d’avoir une grand-mère, ont connu ses bienfaits et son savoir faire immense dans divers domaines : traditions médicales, gastronomie et tissage. Revenons à l’art culinaire pour voir de quoi grand- mère est capable et avec des moyens rudimentaires. Elle vous fait une soupe de plantes sauvages qu’elle va cueillir elle- même dans les coins les plus humides de la nature, elle s’est tellement familiarisée qu’elle sait où les trouver, comme par exemple une variété d’ortie, le pourpier, la mélisse, la menthe sauvage, la mauve et une dizaine d’autres dont on ne se souvient même pas du nom. Elle vous fait une soupe riche en vitamines, magnésium, potassium, fibres et que d’éléments nutritifs. De plus, elle a une parfaite maîtrise des plats traditionnels : toutes les variétés de préparation du couscous et de tchekhtchoukha, particulièrement celle qui se mange avec un bouillon de petits pois fondants à la cuisson, différentes galettes dont celle qui se fait à l’oignon et qui est excellente quand elle est consommée avec l’huile d’olive.

Bienheureux ceux qui ont vécu avec leur grand-mère sachant tout faire en médecine et en cuisine traditionnelle
Ils ont eu la chance de se connaitre la couverture en laine épaisse et qui les protège du froid pendant les longues nuits d’hiver. C’est grand-mère qui a dressé les métiers à tisser pour faire couvertures et burnous indispensables à la vie campagnarde. C’est grand-mère, quand elle est férue de littérature orale, qui a déclamé de beaux vers, et qui a raconté des histoires fantastiques et des contes merveilleux qu’elle a mémorisés depuis de longues années et qu’elle éprouve maintenant le plaisir de transmettre à ses petits- enfants qui apprennent bien et dans la joie tout le savoir et le savoir de grand- mère avant d’aller à l’école.

Boumediene Abed