Nouveau contexte géostratégique mondial

Sommet Russie-Afrique

La superficie de l’Afrique est de 30.415.873 km2 avec les îles, ce qui en fait la troisième mondiale si l’on compte l’Amérique comme un seul continent. De 100 millions d’habitants en 1900, la population de l’Afrique est passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990 et à 1,4 milliard en 2022 soit 18 % de la population mondiale est le deuxième continent le plus peuplé après l’Asie. Avec des richesses colossales inexploitées, objet de convoitises des grandes puissances et de certains pays émergents.

C’est dans ce cadre que s’est tenue après Sotchi en 2019, la deuxième édition du sommet Russie-Afrique, les 27 et 28 juillet 2023 à Saint-Pétersbourg qui, selon l’agence russe, ont vu la présence de 49 Etats africains sur les 54. Le débat était dominé par la crise alimentaire en Afrique, effet du conflit en Ukraine, Russie et Ukraine représentant 33% des exportations mondiales. Le président russe a promis dans les mois à venir de livrer gratuitement 25.000 à 50.000 tonnes de céréales au Burkina Faso, au Zimbabwe, au Mali, à la Somalie, à la République centrafricaine et à l’Érythrée.
Le sommet Russie-Afrique est à situer dans le nouveau contexte géostratégique mondial, avec des tensions à plusieurs niveaux interdépendants à la fois militaires politiques et sociaux économiques ne devant pas oublier un facteur déterminant du XXIème siècle: le facteur culturel qui influe à terme sur les décisions politiques et les échanges économiques. A l’approche de la réunion des BRICS en Afrique du Sud courant août 2023, la Russie, membre fondateur, entend jouer un rôle important en rappelant que le PIB des BRICS est le suivant par ordre décroissant : la Chine 19 911 milliards de dollars pour un 1,41 milliard d’habitant, l’Inde 3 534 milliards de dollars pour 1,428 milliard d’habitants, soit le pays le plus peuplé du monde ; le Brésil 1 833 milliards de dollars, pour 219 millions d’habitants ; la Russie 1 829 milliards de dollars pour 146 millions d’habitants et l ’Afrique du Sud 420 milliards de dollars pour 61,5 millions d’habitants.
Quant au continent Afrique, ce serait une erreur politique de la considérer comme un ensemble homogène. Il n’existe pas une Afrique mais des Afriques avec des spécificités économiques et culturelles inter et intra-régionales du fait du poids de l’histoire, expliquant certains conflits ethniques et des frontières souvent tracées par les anciennes puissances coloniales. Nous avons l’Afrique du Nord ; l’Afrique subsaharienne où près de 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 2 USD par jour, l’Afrique de l’Ouest ; l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe. L’Afrique totalise 1,4 milliard d’habitants en 2022 soit 18 % de la population mondiale. Mais avec des disparités : Nigeria près de 212 millions, l’Egypte 102 millions, l’Afrique du Sud 61 millions, Ethiopie 99,7 millions, Algérie 45 millions, Maroc 36,3 millions, le Mali 21 millions et la Libye seulement 6 millions.
Concernant les prévisions continentales de la Banque mondiale, le PIB de l’Afrique devrait passer de 2 980,11 milliards de dollars en 2022 à 4288milliards de dollars en 2027. A comparer aux USA avec 25.000 milliards de dollars de PIB et et à la Chine pour 19 100 milliards de dollars en 2022. Ces projections de croissance du FMI pour l’Afrique dépendent d’une série d’hypothèses qui peuvent se réaliser ou pas, bonne gouvernance dont la lutte contre la corruption, réformes, sous intégrations régionales, et stabilité politique et d’autres facteurs internes et externes.

Qu’en est-il des échanges économiques ?
Les échanges du continent avec la Russie ont été de 14 milliards de dollars entre 2021/2022, environ 2% des échanges de l’Afrique ) et sur les 786 milliards de dollars d’échange de commerce extérieur russe pour l’Afrique subsaharienne entre 2011 et 2021, le volume d’échange a été de 4,9 milliards de dollars cumulés avec le Nigéria, son premier partenaire en Afrique de l’Ouest, devant le Sénégal 3,7 milliards de dollars d’échanges cumulés. La Russie représente moins de 1% des investissements directs étrangers IDE en Afrique et sur ces 1%, environ 90% sont destinés aux industries d’extraction minière, les exportations livraisons d’armes représentant 30 à 40% des exportations totales selon le directeur du Service russe de coopération militaire et technique, renforçant sa présence militaire grâce à la Milice Wagner.
La Russie est le principal fournisseur de matériel militaire aux pays africains, où SIPRI, 44 % des armes vendues sur le continent sur la période 2017-2021 étaient russes, cette proportion était de 49 % en 2015-2019. Ils demeurent aussi très inégaux puisque la Russie exporte sept fois plus qu’elle importe d’Afrique et 70 % de ces échanges concernent quatre pays, c’est-à-dire l’Égypte, l’Algérie, le Maroc et l’Afrique du Sud. Or, l’Union européenne reste le premier partenaire multilatéral du continent, avec des échanges commerciaux qui ont augmenté entre 2016 et 2022 pour atteindre 295 milliards de dollars et au niveau bilatéral, la Chine garde la première place du classement avec un volume commercial de 254 milliards de dollars en 2021.
Les échanges commerciaux entre les Etats Unis et l’Afrique qui entend à l’avenir 2024/2030, massivement en Afrique, sont passés de 142 milliards de dollars US en 2008 à 65 milliards en 2022 qui ces années n’ont cessé de se réduire au profit de la Chine en n’oubliant pas selon l’agence chinoise des douanes les échanges avec le monde arabe en 2021 de 330 milliards de dollars, extrapolé entre 2023/205 à 500 milliards de dollars . Des pays font une percée en Afrique comme la Turquie où le volume des échanges environ 45 milliards de dollars en 2022. Face à cette faiblesse de la coopération économique avec l’Afrique, les slogans politiques étant insensibles à la dure réalité économique, la Russie qui a des réserves de change dépassant en 2022 600 milliards de dollars, lors de cette rencontre la Russie sur le plan économique a promis de doubler voire de tripler les échanges avec l’Afrique : tels que l’avantage comparatif dans des domaines comme l’industrie pharmaceutique, la santé, l’éducation, l’agriculture, les technologies numériques et spatiales dans des minéraux essentiels pour l’énergie propre comme le raffinage et le traitement du lithium, du cobalt et du nickel.

Quelles perspectives pour l’Afrique ?
Pour la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), le continent abrite 54 % des réserves mondiales de platine, 78 % de diamants, 40 % de chrome et 28 % de manganèse, 30 % des réserves mondiales en pétrole, en gaz et en minéraux, les réserves minérales constituant une large part des recettes gouvernementales Ainsi, pour ne prendre qu’un seul exemple, selon le Financial Times, la Guinée est dotée de « certaines des réserves de minéraux les plus convoités de la planète dont 40 milliards de tonnes de bauxite, la plus grande réserve du monde, plus de 20 milliards de tonnes de minerai de fer, des diamants, de l’or et des quantités indéterminées d’uranium.
C’est dans ce cadre , que nous avons assisté depuis la dernière décennie à plusieurs rencontres : Etats-Unis Afrique, Chine Afrique, Europe Afrique, Russie Afrique, Japon Afrique, Turquie/Afrique montrant que le continent constitue un enjeu stratégique en ce XXIème siècle. Le commerce mondial a augmenté de 25% en rythme annuel en 2021 pour atteindre un record de 28.500 milliards de dollars et même si les exportations africaines de biens et services ont enregistré une croissance particulièrement rapide au cours des dix dernières années, elles représentent à peine 3 % du commerce mondial, loin de ses importantes potentialités. L’Afrique est caractérisée par la faiblesse de son intégration qui est de l’ordre de 11/12 % alors que le flux des échanges entre pays européens est de plus de 60 %. Il est utopique pour l’instant de parler d’intégration de tout le continent Afrique, mais de sous intégrations régionales, l’important est de dynamiser des effets économiques la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf afin de stimuler la croissance, de réduire la pauvreté et d’élargir l’inclusion économique dans les pays concernés. Selon des simulations reposant sur l’amélioration de l’efficacité des marchés des produits et du travail, de dégrèvements tarifaires progressifs, supposant des entreprises concurrentielles en termes de coût /qualité s’alignant sur les normes internationales, la mise en œuvre de la zone de libre échange permettrait selon un rapport de l’OUA : de sortir 30 millions d’Africains de l’extrême pauvreté, d’augmenter les revenus de près de 68 millions d’autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour ; d’augmenter les revenus de l’Afrique de 450 milliards de dollars d’ici à 2035 (soit une progression de 7 %), mais sous réserve du renforcement des mesures de facilitation des échanges , de lever les freins bureaucratiques et simplifier les procédures douanières ce qui permettrait d’accroître de 560 milliards de dollars les exportations africaines.

En conclusion, en ce début du 21ème siècle, des disparités de niveau de vie criantes font de notre planète un monde particulièrement cruel et dangereusement déséquilibré, l’injustice au niveau mondial étant due à une répartition inéquitable des richesses au niveau mondial, mais aussi à la gouvernance, des plus discutables, qu’exercent les élites politiques de certains pays du tiers-monde. Tout cela renvoie à des enjeux géostratégiques de première importance où l’abondance et l’opulence y côtoient d’une manière absolument insupportable la pauvreté et le dénuement concernant une grande partie du continent Afrique . La majorité des pays d’Afrique ont adopté une position de neutralité dans les conflits mondiaux, préconisant le dialogue et le respect du droit international, entretenant des relations dans le cadre du respect mutuel avec les USA , la Chine et la Russie, pour ne citer que ces qui pays Le devenir de l’Afrique dont celle de l’Algérie, devant défendre ses intérêts propres, continent pivot du XXIème siècle, d’où les rivalités tant des grandes puissances que des nations émergentes, avec un monde instable devant connaître de profonds bouleversements géostratégiques, sera de que les Africains voudront qu’il soit.
Abderrahmane Mebtoul Pr des universités, docteur d’Etat en sciences économiques