L’exode des juifs israéliens s’explique par des raisons économiques plutôt qu’idéologiques « démocratiques »

Israël

L’État israélien est tiraillé entre deux forces antagonistes destructrices. Deux forces dissolvantes que l’entité ne parvient plus à faire cohabiter sereinement. En effet, d’une main l’État dit « Hébreu » construit sa légitimité sur des valeurs endogènes racistes, théologiques rétrogrades, fascistes et nationales-socialistes (Nazi) ; des forces centripètes censées rassembler (souder ensemble) les citoyens « juifs » israéliens de l’enclave et les citoyens de la diaspora « juive » en une phalange nationaliste raciste et chauvine.

De l’autre main, l’État israélien construit sa puissance multinationale sur l’idéologie impérialiste sioniste, un amalgame centrifuge de forces économiques et politiques expansionnistes. Tant que le seigneur américain conservait l’hégémonie sur l’économie politique mondiale, le vassal israélien parvenait tant bien que mal à contenir/concilier ces deux forces antagonistes. L’État israélien, dit « État juif », était tantôt sous le contrôle des forces de la gauche national-socialiste-libérale militariste, tantôt sous le contrôle de la droite fasciste- confessionnelle belliciste, dans une dynamique d’alternance propre à tous les pays bourgeois de la planète. Depuis que la puissance hégémonique américaine décline face à la puissance impérialiste chinoise émergente, l’État israélien ne parvient plus à réconcilier ces deux forces antagonistes destructrices en voie de radicalisation, animées par ailleurs réciproquement d’un esprit d’éradication.
La conjoncture internationale nous laisse croire que l’État israélien fasciste et raciste risque d’imploser. Le monde est en cours de réorganisation (« réinitialisation », dit-on dans les cercles bourgeois) économique et politique, à la faveur de la crise systémique en cours. Et l’entité israélienne ne fait pas exception.
Comme le reconnaît le conseiller des princes, très versé ordinairement dans les prophéties capitalistiques optimistes, Jacques Attali, dans un édito alarmiste publié dans Les Échos au début de l’année, le 3 février 2023 : « L’histoire humaine est remplie d’exemples de peuples et de civilisations qui, consciemment ou pas, se sont suicidés ». « C’est aujourd’hui le cas de bien des nations, et peut-être de l’humanité tout entière. Et en particulier de l’Etat d’Israël », précise-t-il. Jacques Attali achève son billet par cette confidence prémonitoire : « Shimon Pères m’avait dit un jour avec grande inquiétude : « Israël a eu successivement trois élites : les paysans, les militaires, les ingénieurs. Les deux premiers doivent leur pouvoir à la terre ; les derniers ne le doivent qu’à eux-mêmes et peuvent partir quand ils veulent». Cette leçon mérite d’être entendue ».
Cette hantise de l’exode de Shimon Pères se concrétise. En particulier depuis l’adoption partielle de la réforme judiciaire. Toutefois, cet exode n’est pas causé par la réforme. Il est utile de souligner que, contrairement à ce qui est répandu par les médias occidentaux, cette réforme ne vise pas à protéger le premier ministre Benyamin Nétanyahou d’éventuelles poursuites judiciaires, donc probable incarcération. C’est une vision policière de l’actualité. Une approche personnalisée de la politique.
En vérité, cette réforme s’inscrit dans la dynamique internationale de la majorité des pays en voie de durcissement autoritaire, pour ne pas dire de fascisation. Cette réforme vise à accroître le pouvoir de l’Exécutif, mais surtout à atrophier tous les contre-pouvoirs, notamment celui de la justice. En Israël, celui de la Cour suprême. C’est-à-dire celui des magistrats, ces « trublions » toujours prompts à invalider les mesures gouvernementales. Cette réforme judiciaire est décrétée pour deux fondamentales raisons. La première est d’ordre colonial, la seconde d’ordre social. D’une part, le mobile du musellement de la Cour suprême s’explique par la volonté du nouveau gouvernement néo-fasciste, déterminé à « régler » définitivement la « question palestinienne », d’abandonner explicitement toute solution « à deux États », en vue de réaliser, sans subir de veto de la Cour suprême, le grand rêve de la création d’un État purement juif du Jourdain à la mer. Ce projet sioniste ultraréactionnaire implique nécessairement la déportation massive de la population palestinienne. Qui peut réaliser ce projet d’expansion territoriale et d’expulsion massive des Palestiniens, sinon des partis néo-fascistes et ultrareligieux pétris d’un racisme décomplexé et animés de violence meurtrière désinhibée. Dans quel cadre juridique, sinon aucun. La Cour suprême, une fois son pouvoir de veto démantelé, ne pourra pas s’opposer aux mesures gouvernementales scélérates et à cette politique de nettoyage ethnique.
D’autre part, dans cette période marquée par l’intensification de la crise économique et l’exacerbation de la lutte des classes, et surtout par la marche forcée vers la guerre généralisée, les États capitalistes ont besoin d’un pouvoir fort. Et la bourgeoisie israélienne n’échappe pas à ce basculement totalitaire, à ce processus de durcissement autoritaire. L’État sioniste doit mettre au pas toute la société. En particulier son prolétariat de plus en plus frondeur.
Aussi, la réforme judiciaire ne peut être considérée comme l’élément déclencheur de l’exode. Mais comme l’élément accélérateur d’un phénomène larvé causé, en réalité, par l’aggravation de la crise économique. Le départ massif des juifs israéliens s’explique par des motivations économiques plutôt qu’idéologiques « démocratiques ». Comme le souligne le professeur Sergio Della Pergola : « Les indicateurs sociaux à long-terme montrent que le nombre d’émigrants d’Israël est intrinsèquement lié à la situation économique du pays ».
La révolte massive des juifs israéliens ne reflète pas leur attachement aux valeurs « démocratiques » (antinomiques avec le sionisme, leur doctrine politique, par essence coloniale et raciste) mais leur dévouement aux valeurs mercantiles, leur dévotion pour l’argent, dorénavant une substance pécuniaire en voie de raréfaction dans ce pays adorateur du Veau d’or. Après les exceptionnelles décennies d’opulence, d’insouciance et d’arrogance, s’annonce pour Israël le temps interminable des vaches maigres. Cette raréfaction de l’argent, véritable Dieu d’Israël, a transformé les israéliens sionistes en chiens enragés atteints de la rage de destruction. « Un chien n’est enragé que s’il est maigre », dit le proverbe. « Riches », les sionistes avaient commis les pires crimes. Appauvris, de quelle barbarie seront-ils capables ?
Avec l’approfondissement de la crise et la paupérisation de la population, la ruée vers la sortie d’Israël s’accélère. C’est l’Alyah à l’envers. Ocean Relocation, un organisme d’aide à l’immigration et à l’émigration en Israël, reçoit plus de 100 demandes de renseignements par jour de la part de personnes souhaitant partir pour s’installer à l’étranger. Depuis le vote partiel de la réforme judiciaire, lundi 24 juillet, près de 30% des habitants envisagent de quitter Israël.
Ces dernières semaines, des milliers d’Israéliens, en particulier dans les secteurs de la high-tech et de la médecine, ont entamé les démarches consulaires pour s’expatrier à l’étranger. Plus de 3000 médecins envisagent de quitter définitivement Israël. Une partie d’entre eux compte émigrer dans les pays du Golfe, où les salaires sont trois fois supérieurs à ceux qu’ils perçoivent actuellement en Israël.
Ainsi, les principaux mobiles qui influencent l’émigration massive sont le chômage, l’inflation et la faiblesse des salaires. Autrement dit, la dégradation accélérée des conditions de vie des israéliens.
Comme l’a souligné le professeur Sergio Della Pergola : « Tant que l’économie israélienne se portait bien, elle constituait une sorte d’aimant, retenant les citoyens chez eux et rappelant les citoyens de l’étranger». Cette observation est confirmée par le témoignage d’une retraitée israélienne qui s’apprête à émigrer en Angleterre, son pays natal, qu’elle avait quitté 50 ans plus tôt. « Ce n’est pas le pays dans lequel j’ai fait mon alyah. Il y avait toujours des choses qui n’allaient pas, toujours des choses dont les gens se plaignaient. Mais nous avions le sentiment de construire une société juste et équitable. Aujourd’hui, tout s’écroule et je ne fais pas confiance à ce gouvernement pour prendre les bonnes décisions sur quoi que ce soit ».
Ironie du sort, ces juifs sionistes abandonnent le navire israélien actuellement en plein chavirement économique et basculement totalitaire pour se réfugier dans les pays occidentaux, qui sont eux-mêmes en plein naufrage économique, politique, moral. Et, surtout, en plein durcissement autoritaire, fascisation.
Khider Mesloub