Au Paradis, tous les Algériens parleront tamazight

Identité

Au premier jour fut le verbe. Et jusqu’au dernier jour sera la verve. Cette verve berbériste mise au service de la revendication linguistique. De la lutte pour la langue tamazight. Cette langue des premiers temps de la vie sur terre en Algérie. Des premiers hominidés établis en « Berbérie ». Cette atavique langue inscrite dans nos gènes pour l’éternité, selon nos gardiens de la mémoire culturelle berbériste. Cette langue tamazight que l’histoire n’a point altérée. Qui coule dans les « veines neuronales » de chaque Algérien.

Que chaque Algérien porte avec lui comme un viatique culturel. Cette langue, mémorable, vénérable, immuable, est gravée sur la terre de l’Algérie (comme les tables de la loi divine salafistes sont plantées dans chaque cerveau algérien, selon les islamistes, frères jumeaux des berbéristes). Cette langue tamazight que l’histoire n’a pas déracinée, dégradée, remplacée, effacée, selon nos illuminés berbéristes, adeptes de l’invariance culturelle et du statisme linguistique. En dépit de l’évidence historique et sociologique attestant que plus de 85% des Algériens ont depuis des siècles l’arabe comme langue maternelle. Et comme héritage civilisationnel, la culture arabo-musulmane. L’aveuglement du berbérisme n’a d’égal que son absence de vision historique éclairée par une connaissance objective et étincelante. Il est vrai que le berbérisme, culturel ou sécessionniste, continue à éclairer ses connaissances ou plutôt ses potins historiques à la lanterne pastorale ancestrale, autrement dit à la lueur pâlissante du kanoun des contes de nuits, ces « timuchouha » qui berçaient la vie des berbères, accompagnées par les rituels formules d’introduction : « A macaho, tellem chao », « Que mon conte soit beau et se déroule comme une tresse de laine ! Que celui qui l’entend à jamais se souvienne ! ». Le berbérisme est un succédané des contes de faits imaginaires, autrement dit un construit idéologique, une fiction politique aux relents ethnico-linguistiques. Une mixtion ethnico-linguistique toxique concoctée par les colons français, devenue le nouvel opium des passéistes berbérisants.
Cette langue tamazight que l’histoire n’a point altérée, nous disions. Cette langue tamazight, j’allais écrire divine, aux pouvoirs imputrescibles, au destin insubmersible, à la richesse littéraire millénaire, au génie intellectuel prolifique, aux dispositions scientifiques prodigieuses, aux vertus incantatoires miraculeuses, aux facultés thaumaturgiques, cette langue donc est vouée à devenir notre pierre philosophale algérienne. Cette langue est capable de transformer le plomb en or par ses seules vertus langagières. De changer notre vil pays en nation opulente. Par conséquent, mon cher Algérien, embrasse cette légendaire langue tamazight et ta misérable vie se muera en une existence emplie de félicité. Épouse la précieuse langue tamazight, mon cher Algérien, et tu répudieras ta vile existence. Convertis-toi au nouvel idiome et te voilà moins idiot. Mets-toi à prier en langue tamazight, et tu seras assuré de gagner le paradis, toi qui perds ta vie dans cet enfer de l’Algérie arabisée. Tu seras même assuré de parler la langue tamazight au paradis. Car c’est la langue du paradis, selon les fondamentalistes berbéristes qui se livrent à un prosélytisme militant pour convertir les Algériens au nouveau dogme linguistique : Tamazight ! Applique-toi à apprendre ce dialecte antique, et tu recouvreras ta personnalité authentique. Car, selon les puristes racialistes berbéristes, tu es affligé d’une fallacieuse identité, greffée par la force de la conversion arabo-islamique sur une terre linguistiquement immaculée éternellement berbère. Voilà le remède miracle censé guérir l’Algérie de ses maux, la sauver de sa crise. Grâce à l’élixir de jouvence linguistique amazighe, l’Algérie est assurée de recouvrer une santé culturelle et intellectuelle juvénile. De se transformer en Paradis langagier. En grande puissance linguistique. « Consommer la langue tamazight sans modération », tel est le conseil médicinal de nos nutritionnistes linguistiques et culturalistes berbéristes, destiné aux Algériens réduits au régime sec forcé. Grâce à la consommation immodérée de la langue tamazight, vous êtes assurés de voir disparaître toutes vos souffrances : sociales, économiques, financières, politiques, (et même sentimentales, car vous pourrez ainsi épouser une belle kabyle blonde aux yeux bleus, il va de soi, puisque tous les Kabyles sont clairs de peau comme les Roumis, ou un beau kabyle aux cheveux jaune, selon les stéréotypes répandus par les berbéristes occidentalisés ou, plutôt, intoxidentalisés).
La maladie de l’Algérie n’est pas sociale, économique, politique, mais linguistique, culturelle. L’Algérie ne souffre pas de multiples pénuries alimentaires. Mais de malnutrition linguistique, de privation langagière amazighe.
Les Algériens ne souffrent pas de manque de denrées alimentaires induites par la baisse drastique de leur pouvoir d’achat et le renchérissement des prix, mais d’inanité culturelle, pour s’être nourris d’insanités arabes, selon les idéologues berbéristes repus, ces élites privilégiées majoritairement établis en Europe, comme leur président autoproclamé de la Kabylie, Ferhat Mehenni. L’islamiste nous enjoignait de dévorer avidement le Coran pour nous guérir de nos malheurs, le berbériste nous prescrit de nous mettre à l’étude de tamazight pour renouer avec le Bonheur. Retrouver notre innocence enfantine, notre pureté culturelle. Pour nous réconcilier avec nos racines. Cultiver notre délicieuse langue. Pour permettre à notre organe buccal d’épurer son palais locutif, mais en demeurant logé dans le même insalubre appartement locatif. Curieusement, dans les deux programmes proposés, les berbéristes comme les islamistes oublient de nous prescrire l’ordonnance politique pour nourrir notre principal organe vital : le ventre.
Il est vrai qu’il s’agit là de préoccupations bassement matérielles, d’occupations affreusement terrestres, et non point célestes ou linguistico-culturelles.
Enfin, grâce à la généralisation de la langue tamazight, on vaincra assurément le chômage. Cette marque déposée made in Algeria. Cette usine de chômage à ciel ouvert dans laquelle nous produisons en série nos vacuités existentielles ruminées en arabe, mais bientôt purifiées en tamazight par son seul apprentissage, sa miraculeuse récitation comme une litanie cathartique.
Que la langue tamazight soit enfin notre porte-bonheur ! Notre amulette nationale ! Notre nouveau totem patriotique !
« Le paradis est le plus court chemin vers l’enfer », notait l’écrivain canadien Yvon Rivard. Une chose est sûre : le paradis berbériste promis aux Algériens ne les extirpera pas de leur vie sociale infernale actuelle. Les idéologues posent le berbérisme comme la miraculeuse solution aux problèmes posés à l’Algérie, pour dispenser le peuple algérien de résoudre les vrais problèmes.

Khider Mesloub