Urgence d’une mutualisation des dépenses miliaires et d’une large coopération internationale

Face à l’instabilité régionale au Sahel

Cette contribution est une synthèse remaniée de six (6) interventions : la première à l’invitation des fondations Bill Gates – Rockefeller, New York-USA, en novembre 2012 sur USA/Maghreb-Afrique. La seconde à Malte, à l’invitation de la Commission européenne, avril 2014 sur «les enjeux géostratégiques en méditerranée» ; la troisième en mars 2015 au sénat français à l’invitation de Jean Pierre Chevènement sur «les relations Maghreb-Europe» ; la quatrièm, de l’Association internationale africaine (ARGA), en mai 2015 sur «les enjeux du développement de l’Afrique» ; la cinquième à l’invitation de l’Institut militaire de documentation et de prospective ministère de la Défense nationale (IMDEP), en octobre 2019 sur «les enjeux au Sahel et le trafic aux frontières» et la sixième à l’invitation au siège de l’ambassade de l’Union européenne à Alger en 2021, où étaient présents la majorité des ambassades étrangères accréditées à Alger sur les enjeux énergétiques mondiaux.

1.-L’instabilité du Niger risque d’avoir une répercussion sur toute la stabilité régionale, pays situé en Afrique Occidentale se classe à l’échelle a une position stratégique au Sahel étant un carrefour d’échanges entre l’Afrique du Nord et l’Afrique du Sud au Sahara. Le Niger s’étend sur 1 267 000 km2. et se classe 6e à l’échelle continentale (après le Soudan, l’Algérie, le Congo, la Libye et le Tchad étant limité par le Burkina Faso, et le Mali à l’ouest, et la Libye au nord, le Tchad et le Bénin au Sud.
Face à la situation au Niger, le sommet de la Cédéao qui a gelé toute coopération économique bien que privilégiant le dialogue, avant toute intervention miliaire a donné un ultimatum d’une semaine aux putschistes nigériens pour rétablir à son poste le président Mohamed Bazoum, encore que cela ne fait pas l’unanimité du fait de relations complexes tribales entre une fraction de miliaires du Niger et certains pays de la Cédéao, l’Algérie ayant mis en garde contre toute intervention miliaire qui pourrait conduire à une escalade incontrôlée dans l’ensemble de la région. Dans un communiqué commun le Burkina Faso, le Mali et la Guinée ont affirmé qu’une intervention militaire au Niger, serait considérée comme une déclaration de guerre à leurs pays. Dans ce contexte, selon la sous-secrétaire général adjointe de l’ONU aux affaires humanitaires, 2,9 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire en 2020, une augmentation de 26% par rapport à 2019, la situation sociale restant précaire avec un taux de pauvreté extrême d’environ 42 % en 2021, soit plus de 10 millions d’habitants.
Entre 1991 et 2021, le budget de la dette du Niger a varié entre 478,0 millions et 5,5 milliards d’euros et en 2021, dernière année évaluée, le montant a été de 5,46 milliards d’euros le plus élevé des 30 dernières années et rapporté au nombre d’habitants, cela correspond au Niger à un endettement de 216 euros par personne. En réaction, la France principal pourvoyeur de fonds a décidé de suspendre son aide au développement et pour le chef de la diplomatie de l’Union européenne toutes les actions de coopération sont suspendues. Paradoxe le Niger recèle d’importantes richesses.
Les quatre principales provinces métallogéniques sont : AIR (or, étain, coltan, le cuivre, le vanadium, le titane et les pierres précieuses, l’uranium), Liptako (Or, argent, le platine, le nickel, le lithium, le plomb, le zinc, le cuivre, le molybdène, le manganèse, le vanadium, chrome), Sud Maradi et Damagaram- Monio (or, argent, cuivre, plomb, zinc) et les bassins de lllumenden (uranium, charbon, le gypse, le calcaire, le sel, les phosphates, fer, cuivre, argent). Or, c’est un des pays avec 10 autres les plus pauvres du monde avec un produit intérieure brut PIB de 14,91 milliards de dollars en 2021 pour une population de 25,25 millions d’habitants et selon le rapport du PNUD de 2022, en 2021, le Niger est à la dernière place mondiale selon l’Indice de développement humain (IDH), le PIB à parité de pouvoir d’achat (PPA) par habitant étant de 761 de dollars. Cependant l’instabilité du Niger est à replacer dans le contexte géostratégique turbulent de la région. Dans une note du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l’OCDE, il est mis en relief que l’arc sahélien,sans compter le reste du continent, est riche en ressources, sel, or, pétrole, gaz, fer, phosphate, cuivre, étain et uranium autant de richesses nourrissant les convoitises de puissances. Ce qui explique les sommets réguliers, USA/Afrique, Chine/ Afrique, Europe/Afrique, Japon/Afrique Turquie/Afrique. C’est que les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent la communauté internationale qui doit être attentive aux tensions en Afrique subsaharienne qui connaît une misère inégalée où seulement en trois ans, 2020/2022, le nombre de personnes qui se rapprochent de la famine est passé de 3,6 millions à 10,5 millions dans cinq pays – le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger avec un flux migratoire selon le PAM de 400%. Nous avons assisté dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen avec des conséquences pour la région.
De plus en plus nombreux, des migrants subsahariens s’installent désormais dans les pays du Maghreb avec l’intensification de la contrebande. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi, le Sahel est l’un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu, des centaines de milliers d’armes, dont 15 000 missiles sol-air qui étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée et dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel.
2.-Pourtant l’Afrique possède d’importantes potentialités et il faut éviter le tout sinistrose. Selon les prévisions continentales de la Banque mondiale, le PIB de l’Afrique devrait passer de 2980 milliards de dollars en 2022 à 4288 en 2027 soit une hausse de 43,89%, ces projections de croissance du FMI pour l’Afrique dépendent d’une série d’hypothèses qui peuvent se réaliser ou pas , bonne gouvernance dont la lutte contre la corruption, réformes, sous intégrations régionales, et stabilité politique.

Pr des universités, expert international, docteur d’Etat Abderrahmane Mebtoul
(A suivre…)