Un moyen de communication le plus primitif

Grafitti

Contrairement à une communication directe et plus naturelle par la voix, certains ont préféré le graffiti comme moyen de communication avec des supports et des outils de fortune.
Que faut-il pour communiquer par graffitis interposés ? Des moyens rudimentaires juste suffisants pour reproduire des objets formes humaines ou animales, situations rocambolesques destinés à un public virtuel.
Les différences majeures avec les autres moyens de communication, c’est la liberté de dire tout ce qu’on veut et l’anonymat.
Le graffiti pour un dialogue intergénérationnel On peut considérer les peintures rupestres, dessins gravés dans la pierre dans les temps primitifs comme source d’inspiration des graffitis, compte tenu du fait que les peintures rupestres expriment la volonté des premiers hommes de perpétuer des messages importants dans le temps et l’espace. Et qu’y a-t-il comme différence entre les hiéroglyphes parfois réalisés en multicolore, les gravures sur pierre et les graffitis des temps modernes ?
Tous ces moyens pictographiques accompagnés ou non d’une autre forme d’écriture traduisent chez leurs auteurs l’idée de volonté de faire part aux autres des préoccupations personnalisées qu’on ne dit pas en direct pour des raisons diverses : tabous, peur de la censure, pudeur. Les signes pictographiques représentant des animaux, des objets de toutes sortes ou des personnages vêtus à l’ancienne, toutes sortes de signes symboliques donnés au décryptage selon les méthodes des égyptologues, montrent bien un désir majeur de l’homme : celui de transmettre à ses semblables des messages ou de s’extérioriser parce que le monde dans lequel on vit impose des frustrations, sinon des tabous éprouvants. C’est ce que nous tirons comme conclusion au vu des dessins faits aujourd’hui sur des murs, bancs publics, portes, tables, bref tout support public ne pouvant pas échapper à l’attention des gens.
Parmi les auteurs de graffitis, on trouve des psychopathes, déséquilibrés psychologiques incapables de communiquer avec les autres, sinon trop pudiques pour faire part de leurs sentiments. On les côtoie au quotidien comme les individus qui n’arrivent pas à se libérer de leur timidité maladive qui les handicape à vie. Parmi ceux qui écrivent et dessinent sur les murs, il y a les obsédés de toutes catégories, sinon des effrontés invétérés ou des oisifs qui manient les mots et les couleurs sur une diversité de sujets pour se moquer, tuer le temps, menacer, adresser des messages anonymes. Lorsqu’on se donne la peine d’examiner leurs chefs-d’œuvre, on finit par se rendre compte qu’il y a parmi eux des perfectionnistes de bon aloi qui ont raté leur vocation de caricaturistes de presse quotidienne ou de bandes dessinées.

Une lecture pour se détendre
Lorsqu’on parcourt tous les lieux publics donnant à voir des graffitis, on se rend compte que la plupart de ces messages iconiques et linguistiques, faits souvent en un temps réduit pour ne pas être pris en flagrant délit, sont d’une lecture à la fois ludique et enrichissante. Les vrais psychologues y trouvent un terrain qui leur donne des exemples concrets pouvant les éclairer dans leurs théories trop abstraites pour être admises. Les dessins accompagnés souvent de messages écrits expriment des sentiments forts de joie ou de tristesse. Il y a là des preuves certaines que les auteurs de graffitis ont beaucoup de choses à raconter ou qu’ils ont des envies difficiles à canaliser.
Certains dessins réalisés avec soin rappellent les fresques indiennes fondées sur des situations insolites avec des personnages animaux. En lisant sur les murs, quelquefois du n’importe quoi, on peut tomber sur des travaux dignes des grands artistes sachant traduire des préoccupations sociales ou d’individus insolites. Cela montre bien que les graffitis sont variables, selon les personnes versées en la matière ou les cultures. Il y a des graffitis dans tous les pays du monde, sauf qu’on ne les voit que dans certains lieux isolés ici ou là pour des raisons d’interdictions strictes qu’on respecte par civisme, alors qu’ailleurs les inscriptions sont n’importe où, y compris sur le bureau du directeur.
L’idéal serait de faire un travail de comparaison entre graffitis d’origines diverses c’est-à-dire de pays développés et sous-développés où la manière de penser ou de manier la dérision et l’autodérision ne sont pas les mêmes. Quant à nous, nous pouvons nous régaler si nous faisons l’effort de lire ce qui est écrit, depuis des générations, sur nos murs. Beaucoup de messages doutent d’il y a des décennies, quelquefois le lecteur a des repères temporels qui l’aident à comprendre qu’il y a une évolution dans l’écriture au sens de production, indicateur d’une évolution des mentalités ou de la situation matérielle de la majorité silencieuse. Un professeur de linguistique habitué à parcourir les murs, tables chargés d’inscriptions, a proposé à son collègue qui l’accompagnait, de faire un travail de recherches sur les inscriptions murales indicateurs de niveaux et des motivations de leurs auteurs.
Les deux compères ont eu en lisant sur les quatre murs couverts de haut en bas et en longueur de graffitis, qu’il y a là une matière inépuisable à exploiter d’un point de vue linguistique et psychologique. On croit savoir qu’ils sont tous les deux des psycholinguistes en mal de textes émanant d’individus atypiques ou marginalisés.
Abed Boumediene