« Le Mali et le Sahel sont des prolongements de l’Algérie, c’est elle que nous voulions »

L’analyste et journaliste malien, Ousmane Mohamed Touré à La Nouvelle République :

Douze ans après sa dernière visite effectuée à Alger, l’analyste politique malien et directeur de publication de l’hebdomadaire malien «Le Coup de poing», Ousmane Mohamed Touré, est à nouveau en Algérie, dans un voyage-éclair, où le journaliste malien avéré et aguerri tente, à travers cet entretien accordé au quotidien national La Nouvelle République, d’expliquer la situation géopolitique qui prévaut au Sahel au lendemain des coups d’Etat au Mali, Niger, Tchad et Burkina Faso, et à l’aube d’une nouvelle ère dans cette vaste région du monde, remplie de ressources minières et de richesses naturelles.

Un grand changement géopolitique est en train de se forger au Sahel après les nombreux coups d’Etat exécutés par des militaires putschistes dans de nombreuses capitales des pays subsahariens, des militaires putschistes à la recherche d’une place pour leurs pays et dans le nouvel ordre mondial. Le cap a, désormais, changé de direction, c’est plutôt vers le chemin de la paix, du progrès et de la sécurité que, les pays du Sahel, veulent concrétiser leurs rêves. L’époque de l’ingérence française dans la région du Sahel, où l’insécurité, le terrorisme et le sous-développement jusqu’à même créer des mouvements de réfugiés, par millions, et d’immigration clandestine, est révolue.
Ces «symboles» de l’ingérence étrangère, de la présence et du grand échec français au Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad et bien d’autres pays subsahariens, resteront à jamais gravés dans la mémoire des peuples du Sahel. Révoltés à cause d’un terrorisme qui n’en finit jamais et d’une situation économique chaotique, les peuples subsahariens, sont sortis dans les rues des grandes villes des pays du Sahel, réclamant le départ de la France et commençant déjà à bâtir leur demain. Un avenir très prometteur sans la France, selon le directeur de publication de l’hebdomadaire malien «Le Coup de poing» et analyste politique malien, Ousmane Mohamed Touré, qui est, depuis douze ans, journaliste avéré et aguerri, un intellectuel défenseur chevronné lorsqu’il s’agit de défendre son pays, le Mali, mais également un communicateur engagé pour la bonne cause et pour le progrès des peuples des pays subsahariens. Dans cet interview accordé au quotidien national, La Nouvelle République, le représentant digne de la presse malienne nous a livré ses impressions sur la situation sécuritaire, politique et économique qui prévaut au Sahel, notamment au Mali, au Niger et au Burkina Faso, à l’aube et à l’épreuve des géopolitiques mondiales. Il a aussi parlé des coups d’Etat qui ont secoué et qui continuent a touché les pays subsahariens, l’un après l’autre, tout comme il est revenu, à travers cet entretien, sur la présence française et son avenir au Sahel, sur son support marocain et comment Rabat s’est enrichi sur le dos et par les richesses des pays du Sahel. Ousmane Mohamed Touré a, également, revenu sur le rôle incontournable, décisif et nécessaire de l’Algérie, considéré par l’analyste malien, comme étant le seul pays capable de porter le Mali, voire la région du Sahel, vers la voie du salut et le progrès, où l’homme malien a rappelé les relations, toujours excellentes, sincères et fraternelles, qui relient entre les deux pays, l’Algérie et le Mali, depuis des lustres et à travers l’histoire. Ecoutons-le à travers cet entretien impulsif, explicite et exclusif d’Ousmane Mohamed Touré.

La Nouvelle République : Qu’en est-il actuellement de la situation géopolitique dans la région du Sahel ?

Ousmane Mohamed Touré : Il y a un grand changement qui se fait, actuellement, dans la région du Sahel. Que ce soit au Mali, Niger ou encore au Burkina Faso et Tchad, ici des coups d’Etat et tentatives similaires, presque simultanés, ont eu lieux à Bamako, Ouagadougou, N’Djamena et récemment Niamey, annonçant le début d’une nouvelle donne géopolitique au Sahel, et les peuples de cette vaste région sahélienne se sont soulevés contre les ingérences étrangères, notamment française, réclamant le départ des envahisseurs étrangers et la fin de toute une époque d’opprimassions des peuples et de pompage de leurs richesses et ressources naturelles. Au Mali, le colonel Aissimi Goita, qui gouverne actuellement le pays, a hautement et pleinement décrypté l’avenir de la France dans la région, en déclarant «Basta» à son ingérence militaire et géopolitique. A Bamako, les Maliens sont sortis dans les rues pour dire stop et basta à l’ingérence française et pour dénoncer le vol des richesses maliennes, une ingérence de trop qui dure depuis plus de dix ans, voire depuis le débarquement et l’envahissement de l’armée française en 2013 au Mali, pour soi-disant lutter contre les groupes djihadistes qui peuplaient une bonne partie du pays. L’opération Serval de l’armée française a été catastrophique sur tous les plans, elle a engendré une situation chaotique au Mali, des millions de réfugiés, des milliers de morts, entre-autres la montée du terrorisme, la chute de l’économie nationale et, surtout, le dépouillement des richesses et ressources naturelles. Une situation qui n’a fait que trop durée et qui a fini par pousser les peuples du Sahel à se soulever pour réclamer le départ de la France.

Durant sa longue présence au Mali et Niger, la France a été complice avec le Maroc dans le dépouillement des richesses naturelles des pays du Sahel, expliquez-nous davantage ?

Vous savez, nous les Maliens on a beaucoup soufferts de l’ingérence française sur notre propre sol et son accaparation et son exploitation de nos propres richesses naturelles et minières, elle a même fait venir le Maroc jusqu’à Bamako, en lui donnant l’accès à des secteurs vitaux du pays, tels que les finances et la téléphonie mobile. Des multinationales sous la coupole de la France ont vu le jour depuis le débarquement de l’armée française au Mali, ces multinationales ont réalisé des bénéfices incroyables au détriment du peuple malien, où l’insécurité à travers le terrorisme lui a été imposé en contrepartie. Les milliers de soldats français qui avaient débarqués au Mali et enrôlés dans les opérations Serval et Berkane depuis 2013, étaient présents pour défendre les intérêts de la France beaucoup plus que lutter contre les Djihadistes. Alors que le Maroc, lui, a bâti au Mali deux Banques tout en créant un opérateur de la téléphonie mobile pour pomper l’argent des maliens. C’est dire combien la complicité était très étroite entre Paris et Rabat pour exploiter tout ce qui est à prendre au Mali, voire dans l’ensemble de la région du Sahel. Encore pire, l’or malien n’a pas échappé à la règle des nouveaux colonisateurs, sur 12.000 tonnes de l’or extrais des mines maliennes, seulement 18% revient au Mali et au peuple malien, tandis que les 88% sont exploités par la France et le Maroc. C’est tout un mécanisme frauduleux qui a été installé par la France depuis son ingérence au Mali, voilà plus d’une décennie déjà. Aujourd’hui, nous ne voulons plus de la présence de la France au Mali, voire au Sahel, les Maliens disent ça suffit à la France.

Aujourd’hui, la présence de la France au Sahel et à travers les pays subsahariens n’est plus la bienvenue, elle est même bannie par les peuples subsahariens, qu’en est-il de l’Algérie ?

A l’époque du Président Modibo Keita, qui remonte dans les années 1960, l’Algérie était considérée plus qu’un pays voisin, ami et frère, Modibo avait toujours dit que le Mali est le prolongement de l’Algérie, car depuis cette époque, la confiance envers l’Algérie était tenace. L’Algérie n’a jamais fait de mal au Mali ni à un autre pays du Sahel, bien au contraire, elle a toujours contribué pour la paix, sécurité, prospérité et stabilité de la région du Sahel. Un pays frère fidèle, incontournable et fiable dans la considération des pays sahéliens. Et aujourd’hui, les pays du Sahel veulent une forte implication de l’Algérie dans leur région, parce que c’est le pays qui nous ressemble et à qui on accorde une confiance totale, voire aveugle, du fait de son glorieux passé pour les droits des peuples opprimés et en raison de sa défense des droits des pays au développement et à la non-ingérence étrangère. L’Algérie sera notre solution et j’en suis très persuadé. C’est le moment pour que l’Algérie joue pleinement son rôle au Sahel, une région qui est en attente d’une prise en main de la part d’Alger pour concrétiser le rêve des peuples sahéliens. L’Algérie a largement et suffisamment les moyens, la puissance et l’expérience pour conduire le Sahel vers une voie sécurisée et vers le développement de l’économie des pays du Sahel. C’est un vœu cher pour chaque malien et je prie Dieu le tout-puissant que cela arrive un jour, voire bientôt.
Sofiane Abi