Les stades sont aussi des espaces de contestation politique

Maroc

Depuis près de vingt ans, les supporteurs de foot marocains chantent pour dénoncer l’occupation israélienne de la Palestine. Une démarche qui contrarie la politique suivie par les autorités du pays, deux ans après la normalisation de ses relations avec l’État hébreu.
«Nous aimons nos mères, la Palestine et le Raja», lance Simo, un supporteur de 26 ans du club de football marocain de Casablanca, en tentant d’expliquer ce qui constitue la sainte trinité des «ultras», un terme utilisé pour désigner les membres les plus passionnés des groupes de supporteurs d’une équipe de football. Simo, qui est né et a grandi à Casablanca, a décidé très tôt, dès l’âge de 6 ans, de soutenir le Raja CA plutôt que le Wydad AC, l’autre grande équipe de la ville et l’ennemi juré du Raja. C’est le genre de décision qui peut changer la vie d’un Bidaoui (Casablancais), car de l’équipe soutenue dépendent ses amitiés, ses relations amoureuses et même parfois sa carrière. Vingt ans plus tard, Simo a toujours un enthousiasme juvénile lorsqu’il parle de l’équipe. Au sein de son groupe de supporteurs, il se sent libre de s’exprimer au travers de chants de stade qui dénoncent le gouvernement, la pauvreté et la colonisation. L’un de ses chants favoris est Rajawi Filistini [«Raja Club, supporteurs de la Palestine»], l’un des chants préférés des supporteurs, devenu l’hymne de leur balcon. «Ô Gaza, nous ne t’abandonnerons jamais, même si tu es si loin de nous», s’époumonent les supporteurs aux couleurs vertes du Raja dans le stade Mohammed-V de Casablanca, qui est plein à craquer à chaque match à domicile ou presque. Ce chant propalestinien a fait ses débuts internationaux lors de la Coupe du monde au Qatar, l’année dernière, lorsqu’un groupe d’ultras a été filmé en train de chanter Rajawi Filistini, encouragé par d’autres fans de football du monde entier. Ils avaient déployé à l’époque, dans les stades du Qatar, toute leur énergie apportée du Maroc. Au football, les ultras constituent un noyau dur de supporteurs, prêts à tout pour soutenir leur équipe préférée. C’est un phénomène culturel qui est particulièrement répandu chez les jeunes de sexe masculin. S’habiller à l’identique, mémoriser religieusement tous les chants et statistiques de leur équipe, être prompt à décrier le management, tout en faisant preuve d’une loyauté infaillible à l’égard de l’équipe malgré les défaites, voilà quelques caractéristiques et valeurs partagées par les ultras.n