La vérité est que l’art doit être l’écriture de la vie

Formes artistiques

Si on devait réunir toutes les créations artistiques depuis que les arts existent, on obtiendrait une immense encyclopédie qui ferait honneur à tous les producteurs, des origines à nos jours.

Ce qui a été dit pour les formes artistiques dans tous leurs états est bien plus important que ce qui a été dit par la parole ou l’écriture. Et si on pouvait interpréter tous les tableaux de peinture, les œuvres musicales et sculpturales, on se rendrait compte que les arts sont prolifiques. D’ailleurs les modes d’expression artistiques sont bien plus anciens que les formes écrites. Les premiers hommes se sont exprimé au moyen de peintures rupestres, dessins multiformes et la première écriture au monde appelée l’écriture sumérienne doit être issue des formes artistiques anciennes.
Les premiers artistes se sont efforcés de raconter tout leur vécu au moyen des formes, ce que les contemporains n’arrêtent pas de raconter par tous les moyens artistiquement expressifs. Ce que les artistes musicaux ont dit depuis que la chanson existe est inimaginable. Et si on devait tenir compte de toutes les formes musicales, on découvre un monde merveilleusement vaste et richement varié. Imaginez par le nombre de genres musicaux et que chaque chanteur a le sien propre et étant donné que chaque artiste a parlé de la vie à sa manière, la richesse thématique est telle qu’il faut mobiliser beaucoup de critiques d’art pour arriver à faire un travail exhaustif d’analyse qui aiderait à comprendre le contenu de l’œuvre musicale de chaque artiste. Quand l’artiste chante, nous comprenons plus ou moins ses paroles, le code utilisé, c’est le langage oral, mais là où ça devient difficile, c’est lorsqu’on communique dans un code où tout doit être interprété intelligemment à partir des formes et des couleurs qui sont une forme d’écriture comme le dessin et la peinture.

Le dessin et la peinture sont des formes d’écriture de la forme et des couleurs
Le dessin est une forme d’écriture dont les signifiants sont des lignes et des formes que le dessinateur a choisies pour s’exprimer, ou bien de sons musicaux ou de signes d’écriture ou sculpturaux et que le lecteur doit savoir interpréter globalement mais en tenant compte de chaque trait significatif. Et le plus simple des dessins comme un dessin d’enfant a un sens profond qu’il faut savoir décrypter avec beaucoup d’habileté. On a souvent tort de rire à la vue d’un dessin d’enfant qui a consacré beaucoup d’efforts, surtout d’imagination et de réflexion pour sa mise au point. Imaginons un enfant qui dessine une maison au milieu d’un espace de verdure avec à côté un petit enfant roulant à bicyclette. Evidemment le dessin ressemble plus à une caricature qu’à un dessin tant il y a de maladresses, mais le travail de l’enfant nous donne à lire beaucoup de choses. Il a dessiné maladroitement une maison, en s’appliquant bien de manière à imaginer tout ce dont les enfants pourraient avoir besoin.
Au lieu de rire, il faut encourager l’enfant à faire mieux. Comment il faut lire le dessin, c’est en essayant de comprendre pourquoi le dessin d’une maison dans un espace de verdure, il signifie un désir ou un rêve d’enfant qui dessine ce qu’il n’a pas. Pour l’adulte, ce qu’il dessine en tant que dessinateur artistique qui en fait un moyen d’expression, il peut fait une œuvre prémonitoire ou une œuvre réaliste qui reproduit avec exactitude ce qu’il veut, et dans tous les cas de figure, l’artiste essaie du mieux qu’il peut d’exprimer les soucis du quotidien ainsi que les émotions, le bonheur éprouvé par chacun dans les moments difficiles, les difficultés qu’ont la plupart d’accéder à leurs désirs et cela moyennant des dessins appropriés, exactement comme le dessin du petit enfant qui rêve d’avoir une maison au milieu d’un espace de verdure.
Le dessin peut être aussi réalisé par un grand spécialiste capable de se mettre dans la peau de tous ceux qui éprouvent des besoins dans leur lutte contre les difficultés de la vie. Un dessin en noir et blanc, vrai travail d’artiste, est capable de reconstituer un personnage important tel qu’il fut, à un moment donné de son histoire, sinon un espace reconnaissable par les stigmates d’un temps, d’une histoire.
Le crayon bien taillé est capable de reconstituer des souvenirs, avec minutie, de marques d’évènements vécus par tous les habitants ou de phénomènes naturels comme la tornade ou une secousse sismique. Le dessinateur émérite qui a travaillé avec talent a ainsi réalisé un vrai tableau de maître digne d’admiration. Et que dire d’un langage pictural réalisé par les mains d’artiste connus pour ses chefs d’œuvre inimitables. Pour lire le langage pictural, il faut beaucoup de dextérité car il faut tenir compte d’un ensemble de détails qui peuvent sembler mineurs alors qu’ils sont d’une importance non négligeable pour comprendre la totalité de l’œuvre.
Un exemple important d’œuvre véhiculant un langage historique, le tableau du peintre de la colonisation française. Il raconte en langage pictural subjectif, l’affrontement de l’armée de l’émir Abdelkader avec l’armée coloniale où chaque couleur est un ensemble de signifiants qu’il faut savoir décrypter en partant du fait qu’il s’agit de batailles de la guerre de colonisation française que l’artiste Delacroix, venu de France pour mettre en valeur l’œuvre colonisatrice de l’Algérie et qui dans ses tableaux subjectifs a essayé de montrer la supériorité de l’armée coloniale. Mais en servant son histoire, il a servi la nôtre en montrant nos valeureux combattants face à la férocité de l’armée coloniale. Pour le langage pictural, il s’agit d’un moment de notre histoire rapportée par l’ennemi parlant en langage subjectif et qu’il faut savoir décrypter en le plaçant dans son contexte historique.

Langage par la voie des sons musicaux et de l’écriture
Qui dit sons musicaux dit chanteurs qui chantent sur toutes sortes de thèmes et sur des tons et rythmes différents. La plupart d’entre eux sont chanteurs compositeurs, ils chantent des chansons qu’ils ont eux –mêmes composées, après avoir choisi leurs thèmes. Ce qu’ils ont chanté, c’est la vie dans tous ses états et c’est la vie telle que les autres la vivent dans l’aisance, dans les pires des frustrations ou dans la douleur et l’émotion.
En chantant, ils nous lisent cette vie dans toute sa diversité à haute voix pour que tout le monde comprenne bien qu’il y a des gens qui souffrent, qui pleurent ou qui s’impatientent et qui attendent. C’est merveilleux d’entendre chanter, sur tous les tons, l’état d’âme de chacun et c’est aussi une manière d’écrire sur la vie des autres, une vie bien marquée par les vicissitudes de l’existence et la caractéristique essentielle de chaque individu est de ne pas être comme les autres par les idées, la manière de concevoir la vie, l’état d’esprit, ses rapports avec les artistes en général et les chanteurs en particulier. Ils aiment les chanteurs parce qu’ils savent parler de leurs émotions et de toutes leurs préoccupations et même leur musique vocale et instrumentale qui apaisent les sentiments, exercent une certaine satisfaction intérieure. Il s’agit d’une euphorie qui satisfait pleinement et redonne de l’espoir. La musique a quelque de magique qu’on ne peut pas expliquer, elle est se fonde sur un texte poétique, adaptée à la chanson et procure beaucoup de plaisir à tous ceux qui lui accordent un temps d’écoute pour se rendre compte que les sons harmonieux font partie d’une écriture particulièrement originale qui demande beaucoup de savoir faire pour arriver à décrypter le contenu.
En fait, il s’agit d’une écriture sur une écriture, sinon un langage sur un langage, c’est ce qu’on appelle le métalangage. Dans son roman historique intitulé « Salammbô », Gustave Flaubert, romancier du 19ème siècle, a fait un travail de reconstitution de l’empire romain. Pour cela, il a visité tous les sites romains du bord sud de la Méditerranée, depuis Carthage jusqu’en Palestine, il a visité tous les lieux où il y avait des ruines romaines. Et ce qu’il avait fait de plus beau, c’est la reconstitution d’un champ de bataille lors d’une guerre punique, entre les Carthaginois et les romains. Une description avec un nombre incalculable de couleurs très nuancées, pour décrire le champ de bataille avec ses couleurs saisonnières, les soldats des deux camps, morts ou blessés allongés sur le sol. Et c’est le soir, un peu avant le coucher du soleil avec ses couleurs et ses réverbérations.
Flaubert qui n’était pourtant pas peintre, avait réussi un beau tableau de maître en polychrome, avec des mots. Un travail merveilleux digne d’un maître des couleurs méticuleux où le coucher de soleil, avec ses réverbérations sur le paysage, donne à voir, grâce à des mots bien choisis pour la description, quelque chose qui s’apparente à un très beau tableau de peinture qu’on lirait comme une écriture pour peu que l’on doué pour le langage des couleurs.
Abed Boumediene