Les défis soulevés par l’été 2023

Changement climatique en Algérie

On parle maintenant du Fonds sur les pertes et préjudices, dont les pays développés acceptent le principe mais ne se pressent pas de le rendre opérationnel, à cause de la compensation financière qu’ils seraient amenés à verser aux pays en développement.

Le feuilleton des EnR
La canicule est un danger pour la santé de tous, avertissent les spécialistes. Pour s’en prémunir, les Algériens se sont massivement équipés de climatiseurs et ont hissé la consommation d’électricité à un niveau record dépassant pour la première fois les 18.000 mégawatts (mardi 11 juillet 2023). Face à la demande exceptionnelle en électricité, l’Algérie, suffisamment dotée en gaz naturel qui sert à produire cette énergie, n’a pas connu les situations vécues par d’autres pays, où les autorités ont dû procéder à des coupures d’électricité dans les moments de grande chaleur.
Les ressources de l’Algérie en gaz naturel, jugées « considérables », expliquent sans doute la lenteur du rythme de réalisation du programme de développement des énergies renouvelables (EnR). Le Gouvernement s’est donné comme objectif pour le quinquennat (2020-2024), 4 gigawatts en puissance installée, or, à décembre 2022, selon le bilan établi par le Cerefe, on en était à 597 MW depuis le lancement du premier programme en 2011. Pour le Pr. Noureddine Yassa, 2024 est une année charnière pour rattraper et atteindre les 4 GW.
Dans ce véritable feuilleton des énergies renouvelables en Algérie, il est bon d’avoir un résumé des épisodes précédents. Adopté en février 2011, le programme national de développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique avait pour objectif 22 GW à l’horizon 2030, dont 12 GW pour couvrir environ 40% de la production d’électricité destinée à la consommation nationale.
Le programme est mis à jour en 2015. Il consiste cette fois à « installer une puissance d’origine renouvelable de l’ordre de 22 GW à l’horizon 2030 pour le marché national, avec le maintien de l’option de l’exportation comme objectif stratégique, si les conditions du marché le permettent ». Deux différences par rapport au programme de 2011: 27% de la production d’électricité destinée à la consommation nationale, seront d’origine renouvelable (et non pas 40%) ; le programme est fortement dominé par le solaire.
Nouveau réajustement en 2020: l’objectif est ramené à 15 GW (au lieu de 22 GW) et l’échéance éloignée à 2035 (au lieu de 2030). Une nouvelle société publique, SHAEMS, initie le projet «SOLAR1000».
Des appels d’offres sont lancés en décembre 2021, mais le délai de remise des offres par les entreprises, fixé au 30 avril 2022, est prolongé, début avril 2022, de 45 jours, puis prorogé encore à la mi-juin 2022, et ensuite plus rien, jusqu’à mars 2023 quand la filiale, fraîchement créée, Sonelgaz-Energies Renouvelables du Groupe Sonelgaz, lance un appel d’offres national et international pour la réalisation du « premier projet énergies renouvelables (EnR), de grande envergure », selon les termes de son communiqué.
Il s’agit, rappelons-le, de la réalisation de 15 centrales solaires photovoltaïques, réparties sur 11 wilayas du Sud et des Hauts-Plateaux, pour une puissance totale de 2 GW. La cérémonie de remise des offres et d’ouverture des plis, initialement prévue fin mai 2023, a été reportée à la fin juin. Finalement, l’ouverture des plis a eu lieu en juillet dernier.
La commission ad-hoc a approuvé 77 offres techniques sur 90, soumises par des entreprises algériennes et étrangères.
Selon un responsable de Sonelgaz, l’opération suivante, consistant en l’étude et l’évaluation des offres techniques, devait avoir lieu «dans un ou deux mois au plus tard» (c’est-à-dire, au plus tard, à fin septembre 2023), pour «connaître les délais et le montant de réalisation ainsi que le prix du kilowatt proposé par chaque opérateur». En même temps, était annoncée pour ce mois-ci (septembre 2023), l’ouverture des plis du projet Solar1000 de la société SHAEMS, dans l’attente du lancement ultérieur d’un programme de 3 GW annoncé pour début novembre 2023, par Sonelgaz. On en est là. Dans la sphère institutionnelle concernée par les énergies renouvelables et plus largement la transition énergétique, c’est une sorte de labyrinthe. Seul invariant : le discours sur l’avantage «solaire», exprimé en heures d’ensoleillement par an, et celui de proximité par rapport aux marchés. Depuis septembre 2022, la composition du Gouvernement ne comporte pas de référence explicite à la transition énergétique alors que les énergies renouvelables ont été déplacées vers le ministère de l’Environnement qui a repris une appellation – ministère de l’Environnement et des Energies renouvelables (MEER) – apparue pour la première fois en mai 2017, jusqu’à juin 2020. Le ministère de l’Energie et des Mines apparaît comme le chef de file de la transition énergétique.
Au plan juridique, le cadre en vigueur est jugé incomplet par les professionnels et les spécialistes. L’incitation à utiliser les énergies renouvelables, notamment par les particuliers, reste faible.
Des dispositions réglementaires sont attendues dans ce sens. Les établissements publics, comme les écoles et les administrations, et les installations industrielles mais également les particuliers, devraient pouvoir alimenter le réseau de distribution de Sonelgaz et lui vendre l’électricité solaire qu’ils produisent en surplus. Le dispositif réglementaire devra lui-même être complété par un dispositif technique de contrôle qui vérifie l’origine renouvelable de cette électricité proposée à Sonelgaz. D’autres textes sont attendus pour couvrir tous les besoins en matière de réglementation dans les énergies renouvelables.

L’irruption de l’hydrogène vert
Entretemps, l’hydrogène vert fait irruption dans la politique énergétique algérienne, avec Sonatrach, comme opérateur principal, et le partenariat international, comme moyen incontournable. L’hydrogène vert obtient vite sa feuille de route et dispose d’une stratégie nationale pour son développement. Des projets-pilotes sont annoncés dans cette filière pour la production de d’hydrogène vert à partir de l’électrolyse de l’eau. Rien n’est impossible, dit-on officiellement.
En décembre 2021, un accord stratégique a été passé entre Sonatrach et son partenaire italien Eni sur un projet de développement de l’hydrogène, dont l’hydrogène vert. En mai dernier, la GIZ, agence gouvernementale allemande de coopération internationale, qui est en Algérie depuis le milieu des années 1970, a annoncé un nouveau projet dans les énergies renouvelables et l’hydrogène vert, en partenariat avec le ministère de l’Energie et des Mines.
Autre élément nouveau, révélé à la faveur de la visite du Président Abdelmadjid Tebboune en Chine en juillet 2023: le partenariat algéro-chinois s’étend maintenant aux domaines des énergies nouvelles et renouvelables, particulièrement l’énergie solaire photovoltaïque, l’hydrogène, l’énergie éolienne et la géothermie, ainsi que la fabrication des équipements et l’exploitation des ressources minérales utilisées dans l’industrie des énergies renouvelables.
(Suite et fin)
M’hamed Rebah