Le processus inflationniste menace la sécurité nationale et la cohésion sociale

Economie

Le président de la République lors du Conseil des ministres en date du 01 octobre 2023 a alerté sur la hausse des prix devenue intolérable pour le simple citoyen qui menace la cohésion sociale.

J’attire l’attention des pouvoirs publics après enquêtes sur le terrain, loin des bureaux de nos bureaucrates, résultante de la faiblesse de l’offre interne encourageant les actes spéculatifs que l’on ne combat pas par des mesures administratives, mais par des mécanismes de régulation transparent et par l’accroissement de l’offre, des prix exorbitants qui dépassent l’entendement humain, de certains produits : comme les légumes secs, de certains produits agricoles notamment les fruits, d’articles scolaires, des pièces détachées toutes catégories confondues, une hausse entre 100/200% pour les voitures, camions, des inputs pour les équipements de certaines unités, les produits informatiques, de certains médicaments sensibles et pour ce dernier cas, ce n’est pas une vue de l’esprit, ayant été moi-même confronté au même titre que bon nombre d’amis de l’Est, du Centre, du Sud et de l’Ouest, m’obligeant à ramener certaines médicaments de l’étranger.
Le métier d’importateur est stratégique (autant que celui de l’exportateur), en plus de l’expérience sur le terrain, enseigné dans les plus grandes écoles de management, devant connaitre les mécanismes économiques et financiers internationaux, dont les fluctuations boursières pour certains produits, la stratégie des grandes firmes qui contrôlent souvent les circuits de distribution, et souvent, reposant sur un contrat de confiance entre le fournisseur et le client. Certaines déclarations que le marché est bien fourni me fait penser à une scène de télévision de l’ENTV, vers les années 1987, où un ministre, répondant à une journaliste qui lui faisant remarquer qu’il y a pénurie de certains produits, déclarait avec assurance que que selon les données en sa possession, le marché était bien approvisionné ; la journaliste lui répliquant s’il avait fait un jour le marché.

1.- Le taux d’inflation reprenant les données de l’ONS légèrement corrigé selon Statistica International entre 2014 et fin 2022 avec des prévisions pour 2023/2024 est le suivant : 2014-2,92%, 2015 4,78%-2016 6,40%- 2017-5,59% – 2018 -4,27%- 2019- 5,60%- 2020- 6,70%- 2021-8,70% – 2022- 10,20% – 2023- -prévision 12,26%)- 2024( prévision 14,00%, soi près de 60% entre 2014 et fin 2022. Pour le FMI après correction des données algériennes tenant compte des prix réels sur le marché de de 1970 à fin 2022, la moyenne a été de 8,8% par an et durant cette période le taux d’inflation aurait été de 6969,61% où un bien de consommation qui coûtait 100 dinars en 1970, à fin décembre 2022 coûte 7069,01 dinars. A titre de comparaison selon les données officielles de la Banque d’Algérie à fin septembre 2022, la croissance de la masse monétaire M2 a été de 10,36%, la croissance de la circulation fiduciaire de 10,18%, celle du crédit à l’économie de 4,17%, le solde du compte capital de 0,681 milliards de dollars, le solde global de 11, 573 milliards de dollars, le solde extérieur de 10,892 milliards de dollars et la croissance du PIB de 2,8% et le taux d‘inflation de 9,3%. Entre 2022 et septembre 2023 le processus inflationniste a atteint un niveau intolérable : plus 100% pour les pièces détachées toutes catégories confondues, parallèlement à une pénurie de nombre de produits et donc de devant pas avoir une vision statique d’un excédent de de la balance commerciale qui provoquerait une paralysie de l’économie.
En plus des factures d’électricité, de l’eau, du loyer, on peut se demander comment un ménage entre 30.000/50.000 dinars, peut-il survivre, s’il vit seul, en dehors de la cellule familiale, qui, par le passé, grâce au revenu familial, servait de tampon social ? Mais attention à la vision populiste : doubler les salaires sans contreparties productives entraînera une dérive inflationniste, un taux supérieur à 20% qui pénaliserait les couches les plus défavorisées, l‘inflation jouant comme distributeur au profit des revenus spéculatifs. Le décret présidentiel n° 21-137 fixe le salaire national minimum garanti à 20.000 dinars mensuel depuis le 1er juin 2021, (soit au cours du marché parallèle 85 euros ) mais qui a une signification limitée car il faudrait pour avoir le salaire réel introduire le montant des subventions et des transferts sociaux : exemple avoir un logement social de 3 millions de dinars alors que le prix sur le marché est de 7/8 millions de dinars constituant une rente pour les bénéficiaires, expliquant les corruptions. Afin de préserver le caractère social de l’Etat, tant qu’il y a la rente le cours élevé des hydrocarbures permettant un excédent de la balance des paiements qui devrait enregistrer un excédent de 7,1 milliards de dollars (3,4 % du PIB), principalement grâce à une balance commerciale excédentaire de 1,9 milliard de dollars, qui devrait passer de 9,4 mds de dollars dans les prévisions de la LF 2023 à 11,3 mds de dollars dans la loi rectificative, pour l’année 2023, il a été prévu une augmentation de 4.470 dinars, touchant 2,8 millions de fonctionnaires et contractuels, l’incidence financière étant de de 340 milliards de dinars, le ministre des finances ayant donné la masse salariale globale qu’il a estimé à 4.629 milliards de dinars représentant 47,39% du budget de fonctionnement.
Par ailleurs, il y a eu l’exonération de l’IRG (Impôt sur le revenu global) de tous les salaires de moins de 30.000 dinars ayant bénéficié selon l’APS à 6,5 millions de citoyens. Toujours pour assurer la cohésion sociale, le gouvernement a consacré 5000 milliards de dinars aux transferts sociaux soit au cours de 137 dinars un dollar, 36,49 milliards de dollars, mais des subventions non ciblées injustes, celui qui perçoit 200.000 dinars par mois bénéficiant au même titre que celui qui perçoit 20.000/30.000 dinars. Mais cela ne peut être que transitoire car du fait des tensions budgétaires, s’impose la relance économique pour 2024/2025/2030 conditionnée par la lutte contre le terrorisme bureaucratique qui étouffe les énergies créatrices, l’instabilité juridique et la vision purement monétariste, afin de préserver les réserves de change sans vision stratégique.

2.-Le monopole qu’il soit public ou privé étant source de surcouts et de gaspillage, l’objectif stratégique étant un environnement concurrentiel encadré par l’Etat régulateur, pour éviter l’anarchie du tout marché qui n’existe nulle part d’ailleurs, je recense six facteurs interdépendants qui expliquent le processus inflationniste. La première raison, est l’inflation importée, puisque 85% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15%, proviennent de l’extérieur. La sécurité alimentaire mondiale est posée car outre les effets du réchauffement climatique via la pénurie d’eau douce, les prix des produits agricoles connaissent un prix élevé surtout depuis la crise en Ukraine.
La deuxième raison, est la faiblesse du taux de croissance interne, résultant de la faiblesse de la production et de la productivité L’Algérie, selon le rapport de l’Ocde, dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins d’impacts, en référence aux pays similaires, renvoyant à la mauvaise allocation des ressources. Le prix de référence du pétrole, dans loi de finances 2023 situé entre 60 et 70 dollars le baril(prix fiscal et prix du marché ) étant un artifice comptable, pour son équilibre budgétaire selon le FMI et en référence à la loi de Finances 2023, l’Algérie a besoin d’un baril de pétrole à près de 149,2 dollars, dans son rapport d’octobre 2022 contre 135 dollars pour l’exercice 2020/2021 et 100/109 pour l’exercice 2019/2020. Qu’en sera-t-il avec la loi de finances 2024 où le projet de loi de finances rectificative 2023 prévoit une augmentation globale des dépenses publiques de 6,7 % par rapport à ce qui était initialement prévu dans la loi de finances 2023, portant le total à 14.706,8 milliards de dinars ( 107 milliards de dollars).
L’équilibre budgétaire dépendra avant tout des recettes de Sonatrach, le projet de loi s’appuyant sur les nouvelles projections de Sonatrach pour la période 2023-2027, la révision à la hausse de la fiscalité pétrolière, qui devrait rapporter 3.856,3 milliards de dinars, contre 3.289,5 milliards précédemment prévus dans la loi de finances 2023. Rappelons que les recettes des hydrocarbures ont été de 60 milliards de dollars en 2022 pour un cours moyen de 106 dollars le baril et 16 dollars le MBTU pour le gaz, avec une moyenne de 80 dollars pour l’année 2023 et 11/12 dollars le MBTU les recettes devraient se situer entre 45/50 milliards de dollars, pour le profit net devant retirer les coûts et part des associés.
Abderrahmane Mebtoul Pr
des universités Expert international
(A suivre…)