Un système d’information fiable en temps réel et la maîtrise de la sphère informelle, condition de réussite pour une politique des subventions ciblées

La résilience de l’économie

Le problème des subventions ciblées qui ne contredisent pas le caractère social de l’Etat algérien, bien au contraire, plus juste pour la cohésion sociale, a été évoqué depuis plus de 30 ans par différents gouvernements et aucun n’a pu le mettre en œuvre sur le terrain craignant des remous sociaux.

Du fait du déséquilibre offre/demande avec les pénuries les prix des produits importés en devises ont tendance à s’aligner sur celui du marché parallèle certains produits pour tous les secteurs ( voitures, camions, matériel informatique, input pour biens d ’équipement) ayant connu une hausse entre 100/200% 2021/2023, l’indice global qui n‘a pas été réactualisé depuis 2011 variant entre 9/10%. Outre l’impact sur les coûts de production, du fait de l’extériorisation de l’économie algérienne du taux d’intégration qui ne dépasse pas 15%, l’instabilité juridique et monétaire favorise les actions spéculatives sur les devises et freine la visibilité à terme dans l’opportunité du lancement de projets créateurs de valeur ajoutée dont le retour en capital est à moyen et long terme. Comme se pose actuellement l’alimentation des caisses de retraite le déficit ayant approché les 700 milliards de DA, fin 2021 une fraction du déficit ayant été épongé par la rente des hydrocarbures pour le ramener fin 2022 à 376 milliards de dollars, mais cela est une solution conjoncturelle.
J’avais préconisé au gouvernement en septembre 2012, l’instauration d’une Chambre nationale de compensation indépendante, qui devrait permettre des subventions ciblées, par un système de péréquation intra-socioprofessionnelle et interrégionale, proposition qui n’ a jamais vu le jour. Aussi, il y a lieu d’éviter les effets d’annonce car cette opération est techniquement impossible sans un système d‘information fiable en temps réel, mettant en relief la répartition du revenu national par couches sociales et par répartition régionale pour éradiquer les zones d’ombre: quelle est la répartition spatiale des richesses en fonction des populations; combien de personnes et d’entreprises payent leurs impôts en fonction de leurs revenus réels; combien sont-ils à percevoir moins de 20 000 DA par mois net? Combien sont-ils à toucher entre 30 000 et 50 000 DA ? Combien sont-ils à être payés entre 50 000 et 100 000 DA et combien 200 000 dinars et plus? En Algérie, tout le monde, de ceux qui gagnent le SNMG aux chefs d’entreprise nationaux ou étrangers, bénéficie des prix subventionnés. Pour les pouvoirs publics, ne voulant pas de remous sociaux, les subventions, tant qu’il y a la rente des hydrocarbures, constituent un tampon social. Ainsi, toutes les lois de finances de 2000 à 2023, et certainement celle de 2024 proposent des mesures qui ont pour finalité de pérenniser la politique de l’Etat, en matière de subvention des prix des produits de large consommation.
Or, les subventions généralisées faussent l’allocation rationnelle des ressources rares et ne permettent pas d’avoir une transparence des comptes, fausse les normes de gestion élémentaires.
Les prévisions, tant au niveau micro que macroéconomique, aboutissent au niveau des agrégats globaux (PIB, revenu national) à une cacophonie additionnant des prix du marché et des prix administrés. Ils découragent la production locale avec un gaspillage croissant des ressources financières du pays. Comme se pose cette question stratégique: qu’en sera-t-il avec après le dégrèvement tarifaire pour les zones de libre-échange avec l’Afrique, le Monde arabe et avec l’Europe horizon dont la révision de certains articles est toujours en négociation sans compter la volonté du gouvernement d’une éventuelle adhésion à l’OMC ?

3.- Les tensions sociales sont atténuées par des subventions et transferts sociaux, mais mal gérés et mal ciblées, ces derniers ne profitent pas toujours aux plus démunis alors que la justice sociale passe par des subventions ciblées. C’est un dossier complexe intimement lié à la résolution de l’intégration de la sphère informelle au sein de la sphère réelle ( Pr Abderrahmane Mebtoul, les enjeux politiques et économiques de la sphère informelle Institut Français des relations internationales IFRI 2013 reproduit réactualisé revue stratégie IMDEP Ministère de la Défense Nationale 2019. Il s’agit de mettre fin au cancer de l’économie de la rente qui se diffuse dans la société par des subventions généralisées et des versements de traitements sans contreparties productives, certes pour calmer le front social à court terme mais avec des dangers de dérives sociales et politiques à moyen terme., tant qu’il y a la rente. La concentration excessive du revenu national au profit d‘une minorité rentière renforce le sentiment d’une profonde injustice sociale, l’austérité n’étant pas partagée induisant des schémas de pensée négatifs, toute la population cherchant sa part de la rente, quitte à conduire l’Algérie au suicide collectif. Aussi l’objectif stratégique 2024/2025/2030 est la relance économique renvoyant à un nouveau modèle de croissance. Dans ce cadre ,il est intéressant d’analyser le dernier rapport de fin octobre 2023 de la Banque mondiale sur l’évolution de l’économie algérienne 2023/2024 dont j’ai reçu l’intégralité du rapport. Ce rapport note, après une année 2020 marquée par une croissance négative de moins 5,1% pour cent, en raison de la pandémie de Covid-19 a amélioré ses indicateurs financiers avec une évolution positive de ses réserves de change qui s’élèveront selon le gouvernement fin 2023 à 73 milliards de dollars et 82/83 milliards de dollars y compris les réserves d’or, 173 tonnes) et les DTS déposés au FMI. Cependant, le compte courant devrait passer d’un excédent record de 9,8 % du PIB en 2022 à 2,8 % en 2023, avant d’atteindre 1,4 % en 2024 et 0,5 % du PIB en 2025. L’évolution de ces indicateurs sont conditionnés par de profondes réformes dont celles des institutions , des subventions et du marché de l’emploi , du système financier, de dynamisation de l’offre et la maîtrise des importations, afin d’éviter les pénuries et étouffer l’appareil productif. Pour la BM, l’économie algérienne dépend fortement d’ un retour à la normale de la pluviométrie après trois années de sécheresse et de l’évolution des recettes des hydrocarbures. La croissance du PIB réel s’est établi à 3,4% en 2021 à 3,2% et étant prévu à 2,5% en 2023, presque l’équivalent de la croissance démographique ayant donc un impact sur le taux de chômage plus de 14% des prévisions une inflation de 9% en 2023 , un PIB de 2,5% pour 2024 avec un PIB à 234 milliards de dollars en 2024, contre 216,4 milliards en 2023 ( le gouvernement a donné 233 milliards de dollars, une différence de 17 milliards de dollars) et 245 milliards de dollars en 2025.
En conclusion, pour la Banque mondiale les contraintes majeures auxquelles est soumise l’économie algérienne :
premièrement, dont la majeure partie des exportations en devises, plus de 95% provient des hydrocarbures avec des prix fluctuants qui échappent à la décision interne, soit à la hausse, soit à la baisse ;
deuxièmement, et de de l’incertitude entourant l’évolution de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, et de la résurgence des conflits au Moyen-Orient troisièmement, des impacts du réchauffement climatique avec des catastrophes naturelles qui font peser sur la croissance et le développement de l’Algérie.
Abderrahmane Mebtoul
Pr des Universités
Expert international
(Suite et fin)