Un système d’information fiable en temps réel et la maîtrise de la sphère informelle, condition de réussite pour une politique des subventions ciblées

La résilience de l’économie

Le problème des subventions ciblées qui ne contredisent pas le caractère social de l’Etat algérien, bien au contraire, plus juste pour la cohésion sociale, a été évoqué depuis plus de 30 ans par différents gouvernements et aucun n’a pu le mettre en œuvre sur le terrain craignant des remous sociaux.

Le 24 octobre 2023, le gouvernement vient d’annoncer qu’un Data center sera mis en place le 15 décembre 2023 afin de favoriser grâce à la numérisation un système de subventions ciblées des ménages. Cette présente contribution est une brève synthèse d’un rapport actualisé sous ma direction assisté de 15 experts algériens remis à l’ancien gouvernement le 14 septembre 2012 sur une nouvelle politique des subventions, dont les recommandations n’ont jamais été appliquées

1.- Une politique des subventions ciblées suppose une autre gouvernance, de s’attaquer au fondement de la sphère informelle dominante (plus de 35% du PIB selon le FMI) et un système d’informations fiable en temps réel. Selon les informations données par le président de la République, qui avait déploré l’absence d’un système d’information fiable
( pour preuve une différence pour le calcul du PIB en pour 2023 de 25 à 30% entre les données du FMI et celui du gouvernement algérien) avait donné un montant variant, à la fin 2020 entre 6.100 et 10.000 milliards de dinars soit au cours de 137 dinars un dollar entre 44,52 et 72,99 milliards de dollars circulent en dehors des circuits bancaires. Au niveau des subventions, la loi de finances 2022 faisait ressortir un montant qui avoisine en moyenne 3.250 milliards de dinars par an sur la période 2012-2017 (soit environ 19,3% du PIB), pour 2022,le montant des subventions était estimé à 1.942 milliards de dinars, près de 14,3 milliards de dollars au cours 137 dinars un dollar , soit 19,7% du budget de l’Etat contre 24% en 2021 et pour 2023 le montant global des transferts sociaux selon la loi de finances est estimé à 34,96 milliards de dollars au cours de 137 dinars un dollar.
En 2022, l’Etat a accordé une enveloppe financière supérieure à 624 milliards de dinars mobilisée au profit de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) 105 milliards de dinars pour le soutien à l’énergie, 89,76 milliards de dinars pour le lait, 83,5 milliards de dinars pour l’huile et le sucre, 15,3 milliards de dinars pour la solidarité et 1,97 milliard de dinars pour les dépenses alimentaires. Les subventions implicites, constituées notamment de subventions aux produits énergétiques et des subventions de nature fiscale, représentent environ 80% du total des subventions et les subventions explicites représentent un cinquième du total des subventions .Et selon la loi de finances 2023 le montant total des transferts sociaux qui dépasse les 5.000 milliards de dinars soit 36,50 milliards de dollars.
A ces dépenses, l’Etat a prévu une nouvelle hausse des salaires des fonctionnaires de 23,55% par rapport aux montants injectés au titre de l’exercice 2022,l’Etat devant mobiliser une enveloppe de 3.037,41 milliards de dinars durant l’année 2023, ce montant incluant l’accompagnement des employés des filets sociaux et la transformation de leurs contrats en CDI où la prise en charge des travailleurs du filet social et leur transfert vers la catégorie des salariés sous contrats à durée indéterminée nécessitera un effort budgétaire de 160 milliards de dinars.
La masse salariale globale devrait atteindre 4.629 milliards de dinars durant l’année 2023, représentant47,39% du budget total dédié au fonctionnement. En plus de la nouvelle revalorisation des salaires des fonctionnaires, il est prévu également, dans le projet de budget pour 2023, un relèvement de l’allocation chômage, en application des dernières orientations du président de la République, l’Etat devant mobiliser 292 milliards de dinars où pour l’instant on ne parle pas du relèvement du point indiciaire de la Fonction publique qui nécessiterait une enveloppe budgétaire de 300,11 milliards de dinars. Ainsi, les subventions octroyées coûtent au Trésor public un différentiel qui reste mobile en fonction des fluctuations du prix d’achat de la matière première sur les marchés mondiaux. Toutefois, le Trésor public paie ce différentiel, quel que soit son niveau. Les subventions les plus importantes supportées par le Trésor sont les subventions des carburants et de l’électricité.
L’Algérie est classée parmi les pays où le prix du carburant est le moins cher au monde et certaines unités bénéficient d’une rente, le prix de cession du gaz étant d’environ 20% du prix international ( cimenteries, sidérurgie notamment). Mais conserver cette politique coûte de plus en plus cher. Sans être exhaustif, nous avons les subventions du prix du pain, de la semoule et du lait où bon nombre d’Algériens vivent dans la pauvreté se nourrissant essentiellement de pain et de lait ce qui traduit une fracture sociale.
Les subventions de l’eau, renvoyant au problème de la tarification de l’eau qui se pose, à peu près, dans les mêmes termes que les carburants. Son prix de cession demeure faible malgré des coûts croissants (investissement additionnel) plus importants pour l’eau dessalée qui nécessite de lourds investissements, problème aggravé par les déperditions du réseau de distribution (35 à 40% de pertes, en moyenne nationale), le différentiel étant payé par l’Etat. Pour le système de santé, les subventions supportées par l’Etat sont importantes… Pour le transport, il n’y a pas uniformité devant distinguer le transport par rail subventionné, des autres moyens. Pour Air Algérie, du fait d’une gestion défectueuse et de sureffectifs, les coûts sont de loin plus élevés par rapport aux normes internationales.
Nous avons la charge financière du transport des étudiants, de la restauration et de l’hébergement des étudiants internes sans distinction ce qui se répercute sur la gestion des œuvres universitaires comme les frais de la carte d’abonnement annuel du transport universitaire ou le prix de la restauration qui date des années 1970. Qu’en sera-t-il avec plus de 3/4 millions d’étudiants à horizon 2025. Et au -delà de ces subventions de nature sociale, il y a les subventions économiques qui se traduisent en dépense fiscale. Nous avons les exonérations fiscales et de TVA accordées par les différents organismes d’investissement (Andi, Ansej) qui profitent aux entreprises y compris pour les entreprises étrangères, dont il conviendrait de quantifier les résultats par rapport à ces avantages (exportation et création de valeur ajoutée interne). À cela s’ajoutent, selon l’APS citant le Premier ministère (donc source officielle), les assainissements répétés aux entreprises publiques qui ont coûté au Trésor public, selon un rapport du Premier ministère, repris par l’APS, le 1er janvier 2021, ces trente dernières années, plus de 25 milliards de dollars de quoi créer tout un nouveau tissu productif et dont plus de 80% sont revenus à la case départ et les différentes réévaluations qui ont été évaluées entre 2005-2020, à 8 900 milliards de dinars soit au cours moyen de 137 dinars un dollar environ 64,96 milliards de dollars: continuer sur cette voie est un suicide collectif.

2.-Il ne faut pas se tromper de cibles pour paraphraser les stratèges militaires, l’efficacité d’une nouvelle politique des subventions est tributaire de la gouvernance pour plus de cohérence et de visibilité de la politique économique et sociale, une lutte contre la corruption et les surcoûts . Aussi, se pose cette question stratégique pour l’Algérie en cas de baisse du cours des hydrocarbures. Le budget étant toujours tributaire des recettes hydrocarbures, l’Etat pourrait ne pas avoir les moyens de continuer de financer ces subventions généralisées comme le montre l’accroissement du déficit budgétaire source d’inflation, étant estimé dans les prévisions de 2023 à 5.884,9 milliards de DA (-22,5% du Produit intérieur brut), soit 42,95 milliards de dollars, au cours de décembre 2023 alors que pour l’exercice de 2022, le montant était de 4.175,21 milliards de dinars, soit 30,47 milliards de dollars au cours de décembre 2021. Ce déficit serait plus important si le gouvernement n’avait pas déprécié le dinar tant par rapport à l’euro qu’au dollars, cette dévaluation qui ne doit pas son nom gonfle la fiscalité hydrocarbures et les taxes importations, reconvertis en dinars.
La valeur du dinar ayant subi une forte dépréciation au cours des 50 dernières années étant passé d’une cotation administrative de 5 dinars pour un dollar dans les années 1970, à 45 dinars un dollar en 1994 après la cessation de paiement et les accords avec le FMI, puis à 76/80 DA pour un dollar dans les années 2000-2004 et la cotation le 26 octobre 2023 à environ 137 dinars un dollar et tant par rapport à l’euro qu’au dollar ,l’écart sur le marché parallèle est d’environ 50%( au 26/10/2023 131 dinars un euro cours achat) .En dehors des produits subventionnés par l’Etat.
Abderrahmane Mebtoul
Pr des Universités
Expert international
(A suivre…)