Civilisation occidentale ou « syphilisation capitaliste mondialisée ? »

Décadence

D’aucuns s’accordent pour affirmer la supériorité de la civilisation occidentale. La civilisation occidentale dominerait le monde. Cette civilisation occidentale serait la descendante directe des civilisations grecque, romaine, chrétienne. Doit-on valider et cautionner de telles assertions ? Est-il vrai que la civilisation occidentale domine le monde ? Rien de plus fallacieux.
En effet, le concept de civilisation occidentale est inadéquat et erroné pour qualifier la culture dominante actuelle, le mode de pensée universel contemporain. Cette notion de civilisation occidentale est une construction idéologique. S’il y a une civilisation qui domine le monde, c’est bien le capitalisme. Et pour rectifier et préciser la notion, il faudrait plutôt parler de système économique et social, et non de civilisation. Car l’essence du capitalisme est de produire de la plus-value (profit) et non de produire de la culture. Sa « civilisation » s’ingénie à accumuler du capital et non à capitaliser les ingénieuses valeurs humaines. De transformer la société en marché gouverné uniquement par des rapports marchands et non à rassembler les femmes et hommes dans une communauté universelle régie par des rapports authentiquement humains, fondés sur la satisfaction des besoins et non le profit.
Au reste, c’est une classe sociale et non une culture qui domine le monde contemporain. Le mode de vie capitaliste est fondé sur la propriété privée des capitaux et des investissements de ceux-ci, non sur une morale et des valeurs spirituelles. Sa culture est régie par la cupidité et la consommation compulsive. De surcroît, le capitalisme lui-même n’a rien de spécifiquement occidental. De nos jours, il est apatride, cosmopolite, mondialisé. Les Chinois, bien avant l’Europe, avaient impulsé le mouvement du capitalisme mais il a été tué dans l’œuf par les seigneurs chinois parasitaires. Toute modernisation est un phénomène social opéré par emprunt. À plus forte raison sous le capitalisme, fondé sur l’extension extraordinaire des forces productives et l’accélération de l’histoire. En moins d’un siècle, sous l’impulsion de la mondialisation capitalistique, des centaines de sociétés, par la force ou par la propagande, se sont transformées, modernisées. À telle enseigne qu’elles sont dorénavant toutes inscrites dans la même dynamique économique et sociale commune capitaliste mondialisée.
Certes, le capitalisme est un enfant conçu dans les entrailles spatiales européennes chrétiennes, mais fécondé dans le dos de la chrétienté, contre sa volonté stérile, arraché du ventre féodal européen aux forceps. Le capitalisme n’est pas l’héritier du christianisme.
En réalité, le capitalisme est le fruit (amer ?) de la bourgeoisie productive. Il est né dans les manufactures créatives des villes florissantes de l’Europe, fécondées par de virils hommes, géniteurs d’une nouvelle génération d’entrepreneurs résolus à révolutionner le monde (ne pas oublier que la Bourgeoisie fut révolutionnaire pendant longtemps à une certaine époque). Donc, le capitalisme n’a pas été conçu par la chrétienté dominée des siècles durant par des eunuques incapables d’engendrer la moindre création matérielle humaine, hormis ces fantasmagoriques ruminations pathologiques religieuses célestes.
Incapable de révolutionner les forces productives du fait de sa stérilité sociale congénitale, l’institution ecclésiastique n’avait aucunement contribué à la fécondation du capitalisme. Au reste, le célibat du christianisme lui interdisait d’épouser l’esprit de créativité, le privant d’engendrer la moindre civilisation matérielle et culturelle humaine. Le christianisme, ennemi de la raison (comme toutes les religions, car, selon la croyance fondée sur la foi, le Livre Saint incréé et indiscutable, contenant toutes les connaissances, a valeur de vérité scientifique, aussi inutile de d’employer la Raison pour comprendre et transformer notre monde terrestre), a tout juste été capable de bâtir une parasitaire institution ecclésiastique occupée scolastiquement à épiloguer sur le sexe des anges au ciel et de s’adonner au sexe avec les petits anges sur terre.
Le capitalisme n’est donc pas né au sein de l’Église, occupée à s’agenouiller devant le Saint Esprit dans les miteuses églises, mais dans les « laboratoires scientifiques » de la société bourgeoise rationnelle émergente, au cœur des manufactures productives et des villes marchandes dynamiques. Pour autant, si les sociétés ont été profondément bouleversées ces deux derniers siècles, ce ne fut pas par l’intrusion du modèle idéologique occidental, mais par la pénétration des techniques, technologies, connaissances scientifiques, portées par le capitalisme apatride mondialiste.
Pour preuve. Des dizaines de pays, notamment d’obédience musulmane, hindouiste ou confucéenne, se sont massivement modernisés, transformant leurs archaïques villes en mégapoles dotées de toutes les technologies de pointe, pourvues d’entreprises high-tech, sans pour autant avoir adopté les « dogmes » sociétaux occidentaux, le modèle institutionnel occidental. C’est le système économique capitaliste mondialiste qui est à l’origine de l’extraordinaire mutation de ces sociétés, et non les normes culturelles et sociétales occidentales, autrement dit le modèle occidental.
Certaines de ces sociétés, notamment les sociétés des pays du Golfe, se sont amplement intégrées au mouvement d’ensemble du capitalisme mondialisé, tout en conservant leurs traditions et coutumes spécifiques, qui sont radicalement opposées à celles promues par l’Occident. Autrement dit, ces pays se sont intégrés dans le modèle capitaliste mondialiste, sans s’être occidentalisés.
De fait, il n’existe pas « une civilisation » occidentale, ni une civilisation asiatique, ni une civilisation africaine. Tout comme il n’existe pas de civilisation musulmane ou chrétienne. Il y a des cultures. Elles sont diverses et variées. « Qu’est-ce que la civilisation ? C’est l’argent mis à la portée de ceux qui en possèdent », notait l’écrivain Georges Darien. En réalité, le concept de civilisation, particulièrement sa variante supposément racialiste déclinée sous le vocable de « civilisation supérieure occidentale ou supériorité de la civilisation occidentale », telle qu’elle est véhiculée par les « anti-occidentalistes » qui surfent sur l’islamo-gauchisme et le racialisme, a surtout servi à justifier et légitimer toutes les entreprises d’esclavage et de colonialisme à l’époque de l’accumulation primitive et d’ascension du capitalisme. Cette prétendue supériorité avait alors consisté essentiellement en l’anéantissement des autres sociétés « autochtones », perpétré par le capitalisme et non par l’Occident. Aussi, l’Occident chrétien n’est pas responsable des entreprises meurtrières du capitalisme naissant. Le capitalisme barbare (c’est un pléonasme) avait fini aussi par annihiler le christianisme, le phagocyter.
Si on doit parler de supériorité en matière civilisationnelle, c’est du système capitaliste en tant que mode de production. À juste titre, au plan purement économique, le capitalisme fut largement supérieur à tous les autres modes de production antérieurs. À plus forte raison, le capitalisme n’est, de nos jours, ni occidental, ni américain, ni asiatique. Mais Mondial. International. Apatride.
En revanche, d’un point de vue strictement historique, l’Europe, et non pas de manière abstraite l’Occident, a vécu constamment sur le pied de guerre, depuis plusieurs siècles, bien avant la naissance du capitalisme. En effet, si l’Europe a démontré sa prééminence, son excellence, à l’époque antique, au Moyen-Âge et moderne, c’est en matière de massacres intra-européens et extra-européens : par ses fratricides guerres, entreprises sur son sol chrétien, comme par ses massacres coloniaux, esclavagistes, impérialistes, opérés dans les autres continents. Sans oublier ses deux Boucheries mondiales de 1914/1918 et de 1939/1945 perpétrées en plein siècle de la démocratie (bourgeoise), sur le continent européen « civilisé ». Comme l’a écrit l’écrivain Jack London, parlant de l’Europe : « Notre civilisation tant vantée est née dans le sang, est imbibée de sang, et ni vous, ni moi, ni personne ne pouvons échapper à cette tache écarlate ». On pourrait ajouter Israël, pays colonial suprémaciste, créé par des colons européens, juifs athées : il est né dans le sang, est imbibé de sang. Pour rétablir la vérité, contrairement aux élucubrations anhistoriques du Parti des Indigènes de la République, adepte du racialisme, donc de « guerres de races » (en lieu et place de la lutte de classes), ce n’est pas l’entité conceptuelle « civilisation occidentale » qui aura brillé par le génocide des Indiens d’Amérique, la torture et l’exploitation des esclaves africains, par le colonialisme, par le pillage de leurs continents, le torpillage de leurs cultures, mais le système capitaliste qui a émergé en Europe. La différence est importante. Pareillement, ce n’est pas abstraitement la France qui est responsable du colonialisme, mais les classes possédantes et dirigeantes françaises, promotrices du nouveau mode de production capitaliste prédateur. Le peuple français, autrement dit les classes ouvrières et paysannes, ne peut être tenu comptable des entreprises impérialistes et massacres coloniales.
À cet égard, que recouvre la notion de « civilisation » ? Effectivement, on encense souvent certaines civilisations. On s’émerveille pour leurs grands ouvrages. Mais on oublie que la majorité de ces « civilisations » furent dominées par de sanguinaires dictatures, comme celles des Pharaons, des empereurs de Chine, des rois de Sumer, pour ne citer que les plus célèbres. Ces potentats n’hésitaient pas à assassiner toute leur cour pour affermir leur pouvoir, ou emporter toute la cour avec eux dans leurs tombes ou sarcophages après la mort, à décimer leur population par des travaux éprouvants sur les champs ou sur les chantiers de construction pour bâtir des palais royaux ou des pyramides.
De nos jours, le culte de ces civilisations génocidaires a pour dessein de conditionner les respectifs peuples contemporains de chaque pays à entretenir et à galvaniser leur fibre patriotique, par conséquent à nourrir l’orgueil de grandeur de leurs oppresseurs actuels. Cette espèce d’infatuation patriotique civilisationnelle constitue un ferment idéal pour le racisme, la xénophobie, le fascisme, la guerre.
On prêche l’amour de « Sa » prétendue civilisation légendaire pour mieux rejeter les autres « civilisations », autrement dit les autres peuples « barbares ». On prétend qu’à notre époque, pourtant dominée par le capitalisme mondialisé, culturellement uniformisé, sociologiquement standardisé, architecturalement unifié, « les Musulmans » représenteraient une civilisation différente, « les Chinois » seraient pourvus d’une civilisation singulière, les Occidentaux dotés d’une civilisation spécifique. Par ces discours réactionnaires, outre l’affermissement du sentiment de supériorité, le dessein est de distiller une mentalité de la peur, une atmosphère de psychose sécuritaire : « défendons-nous contre les musulmans ». « Protégeons-nous contre les Chinois ». « Armons-nous contre les ennemis de l’intérieur porteurs d’une religion ou d’une culture menaçante ».
En vérité, les classes dirigeantes bourgeoises de tous les pays dédaignent royalement le concept de civilisation. Elles ne reconnaissent que la civilisation du profit, ne valorisent que la civilisation de l’accumulation de capital. Elles distillent cette espèce de culte de « civilisation » à leurs peuples respectifs dominés et exploités pour mieux les dévoyer de leurs intérêts authentiques de classe, autrement dit de leurs préoccupations relatives à leurs conditions de vie paupérisées.
( A suivre…)
Khider Mesloub